28 octobre 2016 - Romain

Je m'endors un peu après Éline. Je sais que je devrais lui dire un jour ou l'autre ce que mon père m'a fait vivre durant mon enfance. Je ne veux pas perdre sa confiance. Mais je ne peux pas en parler. Pas maintenant. Surtout que ce n'est pas la seule chose qu'elle ignore de moi...

Je me réveille lorsque je sens que quelque chose me chatouille les narines. J'ouvre brusquement les yeux et je vois Éline assise dans le lit avec un mouchoir en papier qu'elle ne cesse de faire voleter au-dessus de moi.

- Je me demandais combien de temps tu allais encore roupiller.

- On a dormi longtemps ?

- Moi, une heure. Toi, 25 minutes de plus.

Je ronchonne tout en m'étirant :

- Et pourquoi tu m'as pas laissé dormir ? J'étais bien moi.

- Oh bah si je te dérange je m'en vais...

- Pas question !

Encore un peu engourdi, c'est que j'ai vraiment dormi profondément, je me lève lentement sous le regard moqueur d'Éline. Nous quittons la salle de repos pour rejoindre le vestiaire. Comme à mon habitude, j'ai placé mon bras autour de la taille de ma compagne et je remarque le regard envieux de plusieurs jeunes femmes envers Éline.

Lorsque nous entrons dans le vestiaire, il est une nouvelle fois vide. Je prends nos sacs respectifs et je fais signe à Éline de se rendre dans l'une des toilettes pour s'habiller.

Elle refuse d'y entrer tant que je ne me suis pas exécuté à mon tour : elle me pousse alors gentiment vers l'une des toilettes et elle me claque presque la porte au nez.

Tandis que je me rhabille rapidement, je ne peux m'empêcher de sourire : c'est vrai que je n'avais pas pensé à l'éventualité que le port du maillot soit interdit et très franchement, jamais je n'aurais pu supporter le regard d'autres hommes sur Éline, ça, c'est une certitude. J'avoue également que cela m'a plu de la voir aussi irritée à l'idée que moi aussi j'aurais pu me retrouver complètement nu dans les installations du spa. Ma compagne n'a pas du tout envie de me partager et j'aime beaucoup cela.

Nous sortons quasiment en même temps de notre toilette respective et c'est tendrement enlacés que nous quittons le spa.

- Et si nous allions boire un verre avant de rentrer ?

- Il y a un bar à cocktails que j'apprécie beaucoup et où je vais régulièrement avec Jade. Ce n'est pas très loin d'ici, on peut y aller à pied. Ça te convient ?

- Parfait.

L'ambiance dans le bar où m'emmène Éline est cosy et chaleureuse. Je comprends qu'elle est effectivement une habituée car l'un des serveurs la salue avec un peu de trop de familiarité à mon goût. Rien n'échappe à ma douce compagne car elle me donne un petit coup de coude dans les côtes. Elle m'entraîne dans un coin plus intime de l'immense salle du bar puis elle m'attire contre elle pour m'embrasser avec légèreté.

- Alors monsieur le militaire très jaloux et possessif, nous allons mettre les choses au point.

J'adore sa manière de me regarder, mi-sérieuse mi amusée et je l'observe avec intérêt, très curieux de voir ce qu'elle va me sortir.

- Sandro n'est pas célibataire. Et, ce serait plutôt à moi de m'inquiéter si tu vois ce que je veux dire.

- Ah.

- Je le connais depuis des années, c'est un garçon vraiment adorable. Maintenant, en ce qui vous concerne Lieutenant Dalmans...

Je fronce les sourcils tout en me demandant ce qu'Éline va bien pouvoir me sortir :

- Si tu veux casser la figure à tous les gars que je fréquente ça va pas le faire...

- Hein ? Mais...mais pas du tout ! Mais...

- Romain...

Hum...quand elle prend cette intonation, ce n'est plus l'amour de ma vie que j'ai face à moi mais l'enseignante qui s'apprête à réprimander un de ses élèves.

- D'accord, d'accord ! Oui, c'est vrai, je...j'ai du mal à...

Te fous pas de moi Éline mais c'est tout nouveau pour moi tout ça. Je t'ai dit que j'avais eu trois relations plus ou moins sérieuses avant toi. Je me rends compte qu'en réalité je n'ai jamais été amoureux avant toi.

Ça me convenait d'être avec une fille avec laquelle je pouvais sortir et partager du bon temps. Et comme mon père me faisait chier à tout le temps me critiquer à ce sujet, je me rends compte que j'ai toujours fait en sorte de ne pas m'attacher. Mais ça c'est fini à présent et je...je suis désolé, vraiment désolé de réagir de manière aussi...directe. Je tiens tellement à toi et je...

Je m'interromps un instant et, gêné, je regarde Éline sans pouvoir continuer à parler. Elle comprend sans doute mon embarras car elle s'approche à nouveau de moi pour m'embrasser.

- Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, excuse-moi. C'est juste que....parfois c'est un peu perturbant. Je veux dire,...cette façon que tu as de te montrer aussi protecteur avec moi.

L'arrivée du dénommé Sandro met, momentanément, fin à notre conversation.

- Et alors mademoiselle, tu comptais me mettre au courant dans combien de temps ? Je suis limite vexé !

- Hum...c'est très récent Sandro.

- Je fais ma pause, je peux m'assoir un instant et tu m'expliques ? Oh, merde pardon, je ne me suis pas présenté. Je suis Sandro Ferruci et je connais Éline depuis...un bail. Je pense qu'on devait être en section maternelle quand on s'est rencontré la première fois.

Sandro me dévisage avec un grand sourire tout en me tendant la main et je me sens tout à coup honteux. Bah ouais, avant de me rencontrer Éline avait une vie sociale, elle ne vivait pas cloitrée dans un couvent. Qu'est-ce que je peux être con parfois.

- Romain Dalmans. Je...Éline et moi, nous...sommes en couple depuis...hum...peu de temps en effet.

Je me tourne vers Éline, ne sachant trop que dire et comment. Elle me prend doucement la main puis elle continue à ma place.

- Romain m'a sauvé la vie le 22 mars. J'étais à l'aéroport quand les bombes ont explosés.

- Oh putain, mais je savais pas !

- C'était compliqué pour moi d'en parler...

- Ouais...ouais je comprends.

- Et...hum...nous sommes restés en contact lui et moi jusqu'à ce que...

- Que je disparaisse en Afghanistan. Je suis militaire. Je suis parti en mission au mois de mai et je suis seulement rentré la semaine dernière.

Sandro nous regarde tour à tour pour essayer de comprendre la situation.

- Je sais, tu vas dire que c'est trop bizarre mais Romain et moi, avant son retour en Belgique la semaine dernière, on...ne s'était pas revu depuis les attentats. On a discuté par mail et...puis il a eu la gentillesse de me laisser comme ça en plan pendant plusieurs mois sans nouvelles.

- Ce n'était pas ce que je voulais tu le sais !

Je renforce légèrement ma prise autour de la taille d'Éline et je l'embrasse rapidement dans le cou. Elle regarde alors son ami en lui faisant un clin d'œil et elle lui dit :

- Il faut lui pardonner, il a l'habitude de donner des ordres alors...

- OK je vois !

Le serveur se tourne ensuite vers moi :

- Donc tu es belge ?

- Oui. Et je vis à Bruxelles. Comme Éline ne travaille pas jusqu'au 3 novembre et que je suis en congé pour le moment, je reste quelques jours à Lyon. On essaie de...de rattraper le temps perdu.

- Oui, c'est compréhensible. Wow Éline, j'ai du mal à réaliser là. Mais je suis tellement content pour toi !

Pour fêter ça, c'est moi qui vous invite. Comme d'habitude je suppose ma belle ? Oh non, attends, tu vas prendre le spécial Halloween, tu vas aimer j'en suis sûr. Et garanti sans alcool ne t'inquiète pas.

Je fronce légèrement les sourcils : entendre un autre mec appeler Éline ma belle, j'avoue ça m'énerve même si le gars en question est gay.

Je soupire ensuite en me disant qu'Éline a raison, je suis décidément trop possessif et trop jaloux. Il va falloir que je fasse des efforts si je ne veux pas que ça foire entre nous.

Sur les conseils de ma compagne je commande un Mojito puis Sandro nous laisse un instant afin d'aller s'occuper personnellement de nos cocktails.

- Tu sais, au début, quand ses collègues ont appris qu'il était gay, ça ne s'est pas très bien passé. Je l'ai toujours soutenu et maintenant, tout le monde accepte son choix. C'est lui qui m'a emmené voir mon premier match à l'OL, et au lycée nous étions inséparables. Il compte beaucoup pour moi.

- Désolé de me conduire comme un véritable abruti. J'ai l'impression que je gâche tout.

- Mais non voyons. Tu es plutôt amusant en fait.

- Hein ?

- Tu n'as même pas besoin de parler, tu es tellement expressif qu'il me suffit de te regarder pour savoir ce que tu penses.

Détendez-vous Lieutenant Dalmans ! On dirait que vous être comme un fauve prêt à bondir sur sa proie.

- Non mais c'est pas bientôt fini ?

D'un geste brusque, j'amène Éline sur mes genoux et je l'embrasse longuement. Puis je la fixe un instant sans parler et nous finissons par sourire tous les deux.

- Tu me rends dingue Éline.

A contre cœur, je m'oblige à la laisser de nouveau s'assoir à côté de moi lorsque je vois que Sandro revient avec nos cocktails.

Nous passons un agréable moment et je me prends à plaisanter avec le serveur sous le regard ravi de ma compagne.

Naturellement, je ne me prive pas de les taquiner tous les deux au sujet du championnat de France de football ce qui nous entraîne dans un débat passionné pendant plus d'une demi-heure.

Nous quittons ensuite le bar et je promets à Sandro d'assister une fois à un match de l'OL mais côté lyonnais.

Éline et moi nous marchons tranquillement dans la rue, tendrement enlacés quand une voix dure et agressive nous fait sursauter tous les deux.

- Tu pensais vraiment que tu allais pouvoir m'éviter encore longtemps ?

Nous nous retournons lentement et je comprends immédiatement que l'homme qui nous toise est sans doute le fameux Loïc qui avait harcelé Éline parce qu'elle avait refusé ses avances. Je me rappelle des paroles de Jade : même si nous ne sommes pas dans le périmètre qui lui est interdit je sais cependant qu'il n'a pas le droit d'approcher à moins de dix mètres de ma compagne.

- Alors, c'est lui, l'autre ?

Je suis terriblement contracté et je serre Éline un peu plus contre moi.

- L'autre comme vous dites, il vous rappelle que vous n'avez pas le droit de l'approcher et qu'il vaudrait mieux pour vous que vous fichiez le camp si vous ne voulez pas d'ennuis.

Loïc ne semble même pas s'inquiéter de mes paroles et il continue de s'approcher de nous d'un pas assuré.

Non mais quel connard ! Il veut vraiment la bagarre ?

Incapable de me contenir plus longtemps, je m'écarte d'Éline et je me précipite vers cet enfoiré dans le but de lui casser la gueule.

Je le pousse contre un arbre, je place une main sur son cou et je commence à exercer une légère pression que j'accentue petit à petit jusqu'à le faire grimacer de douleur :

- Écoute-moi bien mon pote, si tu ne te barres pas d'ici rapidement, je te refais le portrait vite fait bien fait. Approche-toi encore une fois d'elle et c'est pas au fond d'une cellule que tu finiras.

Je le relâche lentement et je dévisage avec une certaine satisfaction Loïc qui peine à reprendre sa respiration.

Pour m'assurer que le message est bien passé dans sa petite cervelle, je lui assène un violent coup de pied au niveau de l'entrejambe. Tandis qu'il se tord de douleur, je lui agrippe violemment l'épaule et je lui glisse à l'oreille :

- Tu es peut-être bourré de fric mais moi je connais des personnes qui sont très haut placées dans l'armée belge et qui sont extrêmement influentes. Je te jure que si tu t'en prends encore une fois à Éline, tu iras apprécier pour le restant de tes jours le confort d'une cellule en prison, si je ne te fais pas la peau d'ici là.

Nous regagnons ensuite très vite la voiture d'Éline et ce n'est que lorsque nous entrons dans son appartement que je commence lentement à me détendre.

J'avais promis à Éline de rester sage et de ne pas agresser ce connard mais c'était plus fort que moi.

Ma compagne n'a pas prononcé un seul mot depuis que nous avons croisé Loïc et je sais qu'elle lutte comme elle peut pour ne pas fondre en larmes.

Comme elle reste plantée au beau milieu du salon, je la prends alors contre moi et j'essaie de la rassurer comme je peux tout en me demandant avec inquiétude ce qui allait se passer lorsque j'aurais quitté Lyon dans quelques jours.

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