Encore une nuit blanche. Éline avait refusé de me parler par Skype. J'avais réussi à l'avoir au téléphone quelques minutes et quand elle m'avait demandé en pleurs ce que je faisais hier soir avec Axana, j'avais sursauté en me demandant comment elle pouvait savoir puis elle m'avait envoyé la photo.

Je lui avais juré que cette salope m'avait piégé mais j'avais eu l'impression qu'elle avait du mal à me croire.

Putain, comment j'aurais pu lui faire ça ? Merde quoi !

Je ne voulais pas m'énerver au téléphone alors je lui avais demandé de réfléchir calmement et que nous en parlerions un peu plus tard.

Je regarde la photo qu'Éline m'a envoyé et là, je comprends tout : ce connard de Gaël était dans le coup.

Je pète un câble : je m'habille rapidement et je me précipite chez cet abruti.

La porte de son appart s'ouvre avant même que je n'appuie sur la sonnette et je me retrouve face à face avec Axana.

Sans réfléchir je lui empoigne fermement le bras et je la pousse à l'intérieur.

Je repense alors aux appels qu'Éline avait reçu un peu avant de revenir à Bruxelles et je comprends alors que mon collègue et Axana y sont pour quelque chose.

Je ne vois qu'une possibilité : cette conne avait sans doute eu accès au téléphone de ma mère pendant le repas chez mes parents et elle s'était ensuite amusée à faire peur à ma compagne.

Hors de moi, je leur demande des explications puis comme ils se taisent tous les deux, je prends mon téléphone et je compose le numéro du Vice-Amiral que mon père m'avait communiqué. Je ne sais même pas pourquoi je l'avais gardé mais au moins il me servira à quelque chose.

Je ne voulais pas en arriver là mais Axana ne me laisse plus le choix.

- Bonjour Monsieur, Lieutenant Romain Dalmans. Je regrette de vous déranger mais je dois vous informer de certaines choses qui ne vont pas vous plaire.

Vous le savez, pour l'avoir vu chez mon père il y a un mois, je suis en couple et cette relation est très sérieuse.

Malheureusement votre fille Axana ne semble pas l'avoir compris et...avant de déposer une plainte pour harcèlement contre elle, je souhaiterai que vous ayez une petite discussion avec elle. Elle s'est permise de téléphone à ma compagne à de nombreuses reprises en coupant systématiquement les communications et hier soir, elle lui a envoyé une photo pour lui faire croire à mon infidélité.

Cela doit cesser. Ma compagne a été blessée lors des attentats du 22 mars, elle a eu beaucoup de mal à s'en remettre psychologiquement. Je tiens à ce qu'on la laisse tranquille.

Tandis que j'explique au Vice-Amiral les raisons de mon appel, j'observe du coin de l'œil Axana et Gaël qui sont subitement devenus très pâles.

La rapidité avec laquelle j'ai informé le père d'Axana l'a empêchée de sauter sur moi pour me reprendre mon smartphone mais quand je raccroche, elle se précipite vers moi :

- Pourquoi tu as fait ça ? Mon père va me tuer !

- Et toi, pourquoi est-ce que tu es incapable de me foutre la paix ? Je te l'ai dit Axana, je n'ai pas l'intention de rompre avec Éline. Tu ne m'intéresses pas.

Je suppose que c'est lors du repas chez mes parents que tu as réussi à obtenir le numéro d'Éline ?

- Ta mère avait laissé trainer son téléphone et il n'était pas verrouillé. Cette petite garce ne te mérite pas Romain.

- Et je devrais sans doute la laisser tomber pour toi qui couche avec la moitié du barreau mais aussi avec mes collègues ?

Je ne sais pas ce qui me retient de leur casser la gueule à tous les deux mais je sais que si je fais ça, je vais me retrouver au tribunal et il n'en est pas question.

Avant de commettre l'irréparable je sors de chez Gaël pour retourner chez moi et je tente pendant plus de dix minutes de contacter Éline.

Lorsque j'entends enfin qu'elle décroche je soupire de soulagement puis je fronce les sourcils en reconnaissant la voix de Jade.

- Jade ?

- Romain...tu peux m'expliquer ce bordel ? Est-ce que tu te rends compte de l'effet que cette putain de photo a eu sur Éline ?

- Mais je n'y suis pour rien merde ! Axana m'a piégé. C'est elle qui harcèle Éline au téléphone depuis plusieurs jours. Pourquoi est-ce qu'elle ne me croit pas ?

Elle ne veut pas me parler c'est ça ?

Je soupire bruyamment puis j'entends enfin la douce voix d'Éline :

- Romain...

- Éline, mon cœur, je...je serais incapable de te faire du mal. C'est toi que j'aime, pas cette...cette garce ! J'ai appelé son père, je lui ai dit tout ce que sa fille avait fait. Et si elle continue je porterai plainte contre elle pour harcèlement. Je donnerai n'importe quoi pour être avec toi en ce moment mais je ne peux pas à cause de mes consultations chez le psy qui s'occupe de mon bataillon.

Ça me tue d'être aussi loin de toi et ça me tue que...que tu puisses douter de ce que je ressens pour toi.

Éline ne répond pas mais elle fond en larmes. C'est juste affreux de l'entendre aussi bouleversée et de ne pas pouvoir la serrer dans mes bras.

- Je suis une idiote Romain. Bien sûr j'ai confiance en toi ! Je...je ne sais pas ce qui m'a pris de...de croire à cela.

- C'est elle qui te téléphonait sans cesse. Axana. Elle a consulté le smartphone de ma mère pour trouver ton numéro. Je veux que tu le changes. Et quand c'est fait tu me le diras oralement par Skype.

- D'accord. Je...je sais que tu m'en veux et je...

- Stop. Ne dit plus rien. Il y a tellement d'emmerdes autour de nous en ce moment alors non je ne t'en veux pas. Oui c'est vrai je...j'ai été blessé sur le moment, que tu puisses douter de moi surtout...surtout maintenant que tu sais que je...

Merde Éline je me sens déjà si mal de ne pas être normal mais si en plus tu doutes de ma fidélité envers toi, qu'est-ce qu'il me reste ?

Nous discutons finalement plus de deux heures et petit à petit Éline se calme et nous finissons même par plaisanter au sujet de ses achats au marché de Noël de Lyon.

- Si je comprends bien tu vas devoir faire quelques séances de sport supplémentaires pendant les prochaines vacances ?

- Lieutenant Dalmans je sais parfaitement à quoi vous pensez.

- Ah oui ?

- Oui. Mais ça ne marchera pas.

- Quoi ? Comment ça, tu...

- Je n'ai pas l'intention de passer deux semaines enfermées dans ta chambre. Même si l'idée est...intéressante.

- Intéressante ? C'est le seul mot qui te vient à l'esprit ?

- C'est tellement facile de te faire partir au quart de tour...

Romain...ce repas pour le réveillon de Noël, il faut vraiment que tu y ailles ?

- Oui, je n'ai pas le choix.

Ecoute, je vais faire en sorte que tout se passe bien. Ce n'est qu'une soirée. Ensuite nous aurons toutes les vacances pour nous.

- J'ai peur de ne pas être à la hauteur. Je...ma famille ne comporte aucun militaire et je...je ne sais pas si...si j'y ai ma place.

- Éline...tu y as ta place bien entendu. Tu es...ma compagne, tu fais partie de ma vie et ce diner finalement, c'est justement l'occasion pour moi de montrer que nous deux c'est sérieux. Je ne laisserai personne dire du mal à ton sujet.

- Tu me manques tellement...

- Tu n'imagines pas à quel point c'est dur pour moi aussi. Je pourrais venir plus tôt à Lyon mais...tu travailles et je ne peux pas t'obliger à simuler une maladie ou je ne sais quoi pour passer du temps avec toi.

- Romain ! Sérieusement ? De la part de quelqu'un qui va bientôt être promu capitaine, ce n'est pas très...professionnel !

- Je m'en fiche. Non, c'est vrai, ce n'est pas très pro, c'est égoïste. Jade est partie ?

- Tu penses bien qu'elle n'allait pas rester à côté de moi pour écouter notre conversation. Elle sait déjà que nos Skype durent des heures, et puis, son copain va finir par se fâcher si elle passe son temps avec moi. je ne veux pas qu'ils se disputent à cause de moi.

- Éline...

- Oui ?

- J'ai besoin de savoir. Tu me fais confiance n'est-ce pas ? Jamais je ne te tromperai, jamais. Les autres femmes n'existent pas pour moi.

- Oui je te fais confiance. Et je te demande de me pardonner. Je n'aurai jamais dû réagir comme ça.

- Je ne vais jamais tenir deux semaines...

- Tu as bien tenu cinq mois... Je dis ça mais...je pense exactement la même chose. Bah, je vais multiplier les sorties avec Jade, nous draguerons quelques beaux spécimens pour passer le temps.

- QUOI ?

- Tu vois, qu'est-ce que je disais ? Je t'adore quand tu es comme ça !

- Je vais te priver de sorties ça oui !

- Ah non, je dois faire des courses sinon je n'aurai plus rien à manger dans deux jours.

- Pas grave, je demanderai à ta mère de te ramener quelques trucs.

- Heureusement que tu es en arrêt parce que moi aussi je pourrais me poser des questions hein. Tu te rappelles ce que tu m'avais dit au sujet des centres commerciaux ?

- Ça va, ça va !

- Je vais devoir te laisser. J'ai prévu une petite sortie shopping avec maman. Elle va bientôt arriver.

- OK. Éline,...fait attention à toi. Skype ce soir ?

- Bien sûr. J'ai besoin de te voir. T'entendre ce n'est pas suffisant.