21 octobre 2016 - Éline (2ème partie)

Si je dois me marier ce sera avec Éline et personne d'autre.

Je n'ai pas pu m'empêcher de regarder Romain avec stupéfaction lorsqu'Axana nous a finalement laissés pour se rendre aux toilettes.

Je ne sais pas s'il était sérieux ou s'il a dit cela juste pour qu'Axana nous laisse tranquilles mais en tout cas, il n'imagine pas l'effet que cette petite phrase a eu sur moi.

D'ailleurs, avant que nous ne regagnions la salle à manger, il me dévisage d'un air interrogateur qu'il remplace très vite par un sourire.

- Au cas où tu douterais de moi, je ne suis pas fou, je pensais sincèrement ce que j'ai dit.

Merde, il lit dans mes pensées ou quoi ?

- Hum...c'est quoi la Rue d'Aerschot ?

- Ah...c'est l'une des rues les plus mal famées de Bruxelles. Il y a des bars très particuliers dans cette rue si tu vois ce que je veux dire...

- Oh !

Lorsque nous reprenons nos places, j'ai l'esprit totalement ailleurs. Romain explique quant à lui l'appel de la Sécurité de l'Etat sans rentrer dans les détails.

Axana revient ensuite le visage fermé et je comprends que les mots de Romain lui ont fait mal. Il l'a comparée à un pot de peinture...et à une prostituée, j'y crois pas !

Au moins cela a eu le mérite de la dissuader de continuer son petit manège : elle est à présent très droite sur sa chaise et elle fixe son assiette les lèvres pincées.

Avant que sa mère ne propose une tasse de café, Romain se lève pour indiquer que nous devons partir lui et moi.

Son père le regarde très étonné et d'un air satisfait, son fils lui répond que nous partons à Lyon et qu'il ne reviendra pas avant deux semaines.

Nous saluons rapidement tout le monde, je m'attarde cependant pour dire au revoir à Flo, Grégoire, Annelise et Myriam, puis Rachel Dalmans nous raccompagne jusqu'à la porte d'entrée.

Je crois qu'elle est aussi soulagée que nous qu'il n'y ait eu aucune dispute mais elle connait bien son mari : ce calme apparent est trompeur. Et j'en suis parfaitement consciente moi-aussi.

Je m'autorise à reprendre une respiration tout à fait normale lorsque je me retrouve assise dans la voiture de Romain.

Il semble avoir les mêmes pensées que moi car il me dit avec son sourire si craquant :

- Maintenant, il n'y a plus que nous deux. Et j'ai bien l'intention d'en profiter pleinement. Je ne laisserai personne gâcher nos petites vacances.

- Je n'en doute pas une seconde Lieutenant Dalmans !

Nous ne devons même pas repasser chez lui, nos sacs sont déjà dans le coffre de sa voiture. Je me sens détendue et je songe à ces presque deux semaines qui m'attendent et ce n'est que lorsque je vois le panneau où il est indiqué Zaventem flanqué du dessin d'un avion que je me mets à trembler.

- Éline...Éline doucement, je suis là.

Romain a posé une main sur ma cuisse. Forcément il a dû se rendre compte que mon teint avait soudainement viré au blanc cadavérique.

Je n'imaginais pas retourner dans cet aéroport deux fois en trois jours à peine. Parce que là, il n'est plus question de la zone des arrivées, il est question de ce hall des départs entièrement soufflé par les explosions.

Nous arrivons, trop vite à mon goût dans l'un des parkings de l'aéroport. Romain sort rapidement de sa voiture pour venir m'ouvrir la portière. Mes jambes tremblent si fort que je suis incapable de me lever.

Romain s'agenouille presque devant moi et il me prend doucement les mains :

- Éline...mon cœur, regarde-moi. Je sais ce que tu ressens, j'étais là moi-aussi. Mais j'ai décidé de ne retenir qu'une seule chose de ce jour-là : c'est ici que nous nous sommes rencontrés et ça, je ne l'oublierai jamais.

Je le dévisage tout en tentant de sécher mes larmes puis, en le voyant aussi bouleversé, j'inspire et j'expire profondément et je décide de me concentrer sur lui uniquement.

Je sors lentement de la voiture puis je prends mon sac d'une main et je quitte le parking tout en essayant de ne pas me laisser submerger par les émotions.

A cause des attentats, de grandes tentes blanches ont été installées devant l'aéroport afin que les voyageurs se soumettent à un préscanning, ce qui entraîne un allongement de la procédure nécessaire pour s'enregistrer avant d'embarquer dans les avions.

Avant d'entrer dans l'une des tentes, Romain salue deux de ses collègues. Ces derniers sont très surpris en me voyant mais ils ne posent aucune question. Ils n'arrivent cependant pas à cacher leur stupéfaction : Romain s'en rend compte et il se décide finalement à me présenter.

L'un des deux militaires ne peut alors se retenir et lui dit avec un grand sourire :

- Waouh ! Et bien j'en connais certaines qui vont être déçues...Bon, je ne vais pas vous retenir plus longtemps, apparemment il y a quelques soucis techniques, il faudra sans doute attendre dix à quinze minutes avant de pouvoir entrer dans l'aéroport.

Romain fait un bref signe de tête à ses collègues et nous nous éloignons rapidement mais j'entends malgré tout l'un des deux militaires s'exclamer « Il s'emmerde pas Dalmans, elle est canon sa femme ! »

Ce petit moment de légèreté passé, mon appréhension refait très vite surface tandis que nous nous approchons de l'entrée du hall des départs de l'aéroport.

Ma respiration devient plus difficile et je jette des coups d'œil furtifs autour de moi.

Romain serre un peu plus fort ma main libre et quand je me tourne vers lui, je sens qu'il est tendu également.

Je suis presque choquée lorsque j'entre dans le hall des départs entièrement rénové. Mon dernier souvenir était celui d'un lieu dévasté, envahi par la fumée, les cris, les hurlements. Quand je vois autour de moi tous ces voyageurs qui y déambulent d'un air nonchalant je fronce les sourcils.

J'ai le réflexe de me tourner vers l'endroit où j'avais vu Romain pour la première fois. J'arrive même à esquisser un petit sourire car il a exactement le même automatisme. A la place où il se trouvait le 22 mars, il y a deux militaires qui surveillent attentivement les alentours.

Quand ils voient Romain, ils se dirigent assez rapidement vers nous et l'un d'eux tombe littéralement dans les bras de mon compagnon.

En les écoutant je comprends que ce militaire était là également le 22 mars mais à l'extérieur des bâtiments. Manifestement ils ne s'étaient pas revus depuis cet horrible jour et je les observe très émue.

Romain se tourne ensuite vers moi et il me présente à ses collègues. Il leur explique ensuite les circonstances de notre rencontre. Comme c'est la première fois qu'il le dit à des personnes externes à sa famille je comprends qu'il s'agit de gars en qui il a confiance. Je sens d'ailleurs qu'il y a une vraie et très forte amitié entre eux.

Les deux militaires nous quittent ensuite rapidement car ils doivent continuer leur surveillance.

Romain m'entraîne alors vers le comptoir où nous devons enregistre nos bagages et je suis soulagée de constater qu'il est le plus éloignée de tous, et donc de l'endroit où nous étions lors des attentats car cela m'évitera de regarder dans cette direction.

Les formalités sont très vite expédiées par Romain et nous prenons la direction du terminal afin d'attendre notre avion qui ne décolle que dans un peu plus de deux heures.

Je refuse d'aller faire un tour dans les boutiques, je me sens trop stressée, trop angoissée et je préfère aller m'assoir sur les sièges non loin de la porte d'embarquement.

Je me demande comment je vais bien pourvoir m'occuper pendant deux heures mais finalement, la présence rassurante de Romain et sa capacité à me faire penser totalement à autre chose me permettent de passer cette pénible épreuve sans trop de casse.

Lorsque nous empruntons le couloir qui va nous permettre d'embarquer dans l'avion, je me tourne légèrement vers Romain et je lui souris : loin de son père, nous allons enfin pouvoir vivre pleinement notre relation naissante.

J'ai l'impression que nous venons à peine de nous assoir dans nos sièges que nous entamons déjà la descente vers Lyon Saint Exupéry.

C'est alors que je me rappelle que j'avais demandé à ma mère de venir nous chercher. Pendant que nous attendions dans le terminal à Bruxelles, je m'étais rendue compte que ma voiture était restée dans le garage de mon immeuble et j'avais demandé à Romain s'il souhaitait prendre un taxi ou demander l'assistance de ma mère.

Même si je redoutais un peu sa réaction, après tout, elle avait toujours du mal à me considérer autrement que comme une petite fille qu'il fallait protéger à tout prix, je savais aussi qu'elle ne serait pas hostile à ma relation avec Romain. Elle serait sans doute un peu perturbée mais...ça ne pouvait pas être pire que le Colonel Dalmans...

Tandis que nous attendons pour récupérer nos sacs, j'observe pour la première fois des signes de nervosité chez Romain mais rien à voir avec la tension qui l'habitait avant que nous nous rendions chez ses parents.

- Ne me dit pas que...que tu es stressé à l'idée de rencontrer ma mère ?

- Qui ça, moi ? Mais...mais pas du tout !

- Limite tu avais plus d'assurance pour faire face à ton père.

- C'est fini oui ? D'accord, je suis un peu...nerveux.

- Pourquoi ? Elle ne va pas te manger tu sais !

En riant, je saisis mon sac et je me dirige vers la sortie. Maintenant que je suis loin de Bruxelles, je me sens bien moins oppressée. Mais je perds à nouveau très vite mon sourire quand nous sortons de l'aéroport pour rejoindre ma mère qui se trouve dans l'un des parkings.

Quand je repère sa Ford Focus bleue, je serre un peu plus fort la main de Romain.

- Et toi tu n'es pas stressée peut-être ?

Je grimace en regardant Romain puis je m'avance courageusement vers ma mère qui nous attend à côté de sa voiture.

Je la vois alors ouvrir la bouche pour la refermer aussitôt et dévisager Romain comme si elle n'en croyait pas ses yeux. Ok, si ma mère a exactement la même réaction que toutes les femmes qui croisent mon compagnon, ça va pas le faire, non, ça va pas le faire du tout.

Lui évidemment, ça l'amuse car il me glisse à l'oreille que ma mère n'a pas du tout l'air de le détester bien au contraire.

- Oh taisez-vous Lieutenant Dalmans !

Je lui donne un petit coup de coude puis je lui balance mon sac dans les bras et je m'en vais embrasser tendrement ma mère.
Je manque de tomber à la renverse lorsqu'elle elle me chuchote :

- Il sort d'une pub pour Giorgio Armani ou quoi ? Tu es certaine qu'il est vraiment militaire ?

Merde je rêve ou ma mère fantasme sur mon petit ami ? Il ne manquait plus ça tiens !

En serrant les dents je lui demande d'arrêter de le fixer de manière aussi...directe puis je fais signe à Romain de s'approcher. Il attendait sagement à quelques mètres de nous afin de nous laisser le temps de nous retrouver et quand il me voit lui donner l'autorisation de s'avancer, il comprend à mon visage que nous ne devrons pas nous inquiéter, ma mère n'est définitivement pas hostile à notre relation.

Quand il arrive à mes côtés, comme à son habitude, il m'enlace tendrement de son bras gauche tout en serrant la main de ma mère de son bras libre.

- Bonjour Madame Arvidsson, je suis enchanté de vous rencontrer.

Tu vas surtout la faire défaillir oui...

- Bonjour...euh...Comment dois-je vous appeler ? Lieutenant Dalmans c'est ça ?

- Oh, je ne suis pas en service donc il n'est pas nécessaire de mentionner mon grade militaire vous savez.

Romain s'il te plait...ne la regarde pas comme ça, elle va faire une crise cardiaque si tu continues...



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Romain et Éline ont quitté Bruxelles pour se rendre à Lyon. Loin du Colonel Dalmans, ça devrait bien se passer. Ça devrait...mais...

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