21 octobre 2016 - Éline (1ère partie)
J'ai pleuré une partie de la nuit, bouleversée par l'attitude du père de Romain. Je n'avais jamais vu autant de haine chez une même personne.
Lorsque le Colonel est parti, Florian et Grégoire ne se sont pas fait prier pour dire tout le mal qu'ils pensaient de leur père et je les ai laissés discuter en compagnie de Romain tandis que je m'éloignais vers la cuisine avec Myriam et Annelise. Elles m'ont prise dans leurs bras chacune à leur tour tandis que je luttais pour ne pas pleurer.
Je savais que ce serait dur, mais cela m'a fait très mal de me sentir à ce point rejetée par le Colonel Dalmans.
Nous avons discuté pendant un bon moment, sursautant parfois lorsque l'un de nos hommes élevait la voix et j'ai eu énormément de peine lorsque Myriam m'a révélé que le stress engendré par les remarques et le comportement déplacé du Colonel Dalmans avaient sans doute été responsables de sa fausse couche alors qu'elle était enceinte de son premier enfant.
Je suis véritablement choquée en entendant tout ce qu'Annelise et elle ont dû subir. Apparemment, selon le père de Romain il fallait avoir un diplôme très élevé, avoir de près ou de loin des liens avec l'armée ou encore mieux, se destiner à une carrière à la Défense.
Annelise m'avait confié ensuite qu'elle avait fait une tentative de suicide tant elle ne supportait plus de se sentir salie et dénigré et spontanément, je l'avais prise dans mes bras.
Elles m'ont expliqué également que le Colonel avait fini par les tolérer après la naissance de Malia, la fille de Grégoire et de Myriam et celle de Liam le fils de Florian et d'Annelise. J'avais compris que les relations entre eux restaient très froides même si apparemment Hugues Dalmans se montrait attentif et affectueux envers ses petits-enfants.
Romain ne m'avait pas caché que ce serait compliqué mais là, j'avoue que je me sens un peu découragée et j'ai surtout peur que l'attitude du Colonel ne soit néfaste pour notre relation.
Nous venons à peine de nous retrouver, je sais que la distance physique entre nous sera très difficile à gérer également car nous ne pourrons pas nous voir régulièrement et j'appréhende vraiment tout cela.
Lorsque nous nous sommes retrouvés seuls Romain et moi, il m'a prise dans ses bras et pendant presque toute la soirée il n'a pas cessé de me rassurer et de marteler qu'il ne laisserait pas son père détruire notre relation.
J'avais pu voir dans ses yeux une détermination féroce et je culpabilise à présent d'être la source de si vives tensions dans la famille Dalmans.
Cette nuit, lorsque j'avais enfin réussi à me calmer et que mes pleurs avaient fini par cesser, Romain m'avait fait l'amour comme si c'était la dernière fois, comme si notre vie en dépendait. Nous nous étions endormis dans les bras l'un de l'autre, totalement épuisés, sans échanger une parole, nos regards l'un envers l'autre étaient suffisants pour nous comprendre.
A mon réveil, Romain m'a entraîné sous la douche et nous y sommes restés un bon moment, appréciant simplement la sensation d'être ensemble et de pouvoir partager des moments aussi intimes.
J'avais oublié un instant nos problèmes pour me laisser aller contre lui, pour savourer chacune de ses caresses sur mon corps mais cette sensation de bien-être avait rapidement disparue lorsque nous étions sortis de la salle de bain.
Je me sens incapable d'avaler quoi que ce soit ce matin et une nouvelle fois je suis assaillie de pensées négatives. Romain a beau m'embrasser, me prendre dans ses bras, me rassurer par tous les moyens, mon anxiété ne disparaît pas et le repas qui nous attends ce midi chez ses parents ne fait qu'accentuer mon mal-être.
- Je vais regarder s'il y a encore des vols cet après-midi pour Lyon.
Je lâche la cuiller que je tenais en main et je regarde Romain interloquée. Il s'approche de moi et entoure ma taille de ses bras.
- Je veux profiter de chaque moment avec toi et tant qu'il y aura mon père entre nous, jamais tu ne te sentiras bien. Et puis...tu m'as promis de me faire visiter Lyon non ?
Je souris bien malgré moi et j'admire la détermination de Romain.
- Quand reprends-tu le boulot ?
- Le 3 novembre.
- Ok. Alors je resterais chez toi jusque-là. Au moins comme ça mon père ne pourra pas venir nous emmerder. Hum...et à propos, comment tes parents vont réagir à ton avis ?
- Oh...mon père, bah il est à Calabasas et je ne compte pas lui téléphoner je t'avoue. Ma mère...il n'y aura pas de problème. Enfin, je pense. Elle va juste avoir du mal à comprendre les circonstances mais je pense que ça ira.
Romain s'installe rapidement au salon avec son portable sur les genoux et il se met à rechercher des billets pour nous deux.
Coup de chance, il en déniche deux en last minute et il en profite également pour réserver sa place pour son retour à Bruxelles.
Je fais un rapide calcul : nous allons passer douze jours ensemble, seuls lui et moi et je pense qu'il a raison : nous ne pourrons réellement profiter l'un de l'autre que si nous sommes loin du Colonel Dalmans. Je suis juste un peu triste pour Florian et Grégoire qui ont été vraiment formidables et j'aurais aimé passer un peu plus de temps avec eux mais je me dis que pendant les vacances de Noël nous pourrons certainement y remédier.
Vers 10h45, Romain et moi nous partons chez Grégoire. Je n'ai pris avec moi que des tenues simples et confortables et comme Hugues Dalmans exige toujours de ses fils des tenues impeccables, Myriam, qui a la même taille que moi, va me prêter l'une de ses robes.
Lorsque nous arrivons chez eux, Romain et moi sommes accueillis par trois mini tornades. Manifestement, Malia, Niels et Aymeric attendaient avec impatience notre venue et ils sont ravis de faire ma connaissance.
Ils exigent chacun un câlin de Romain qui s'exécute en rigolant puis Malia me prend la main et elle m'entraîne à l'étage.
Elle manque ainsi de bousculer Myriam qui arrivait à notre rencontre et elle sautille autour de nous en suppliant sa maman de pouvoir assister à mes essayages pour le dîner chez son grand-père.
Son exubérance me fait sourire et me fait temporairement oublier la suite du programme de la journée.
Myriam m'indique que le Colonel Dalmans tient à ce que nous soyons tous vêtus de manière sobres mais élégante.
- Il déteste tout ce qui est voyant, les styles audacieux, tu vois le genre ?
- Hum...oui. Décidément, il a vraiment tout pour plaire...
- Je sais que c'est très mal parti mais...Annelise et moi nous sommes passées par là aussi et tu sais que nous t'aiderons, que nous vous soutiendrons Romain et toi. Vous vous aimez, vous passerez au travers des épreuves qu'Hugues vous imposera.
Viens, je vais te faire un chignon souple. Le Colonel ne pourra absolument rien dire au sujet de ta tenue.
- Myriam, qui est ce Vice-Amiral ? Pourquoi a-t-il été invité ? Pourquoi lui et pas quelqu'un d'autre ?
L'épouse de Grégoire détourne un instant la tête puis, comme je suis habillée et coiffée, elle demande à Malia de rejoindre ses frères. Elle m'invite à m'assoir sur le bord de son lit et elle me prend les mains en soupirant.
- Il faut que tu saches quelque chose et...je pense qu'il vaut mieux que ce soit toi qui l'apprennes en premier. Greg m'a dit qu'il allait informer Romain avec toutes les précautions qui s'imposent mais...
- Myriam, que se passe t-il ?
- Hugues a organisé ce repas pour que Romain passe un peu de temps avec Axana, la fille aînée du Vice-Amiral. Elle a 27 ans et elle est avocate. Je suppose que tu comprends ce que cela sous-entend, ce que le Colonel souhaite pour Romain ?
Je me recule légèrement et je lâche les mains de Myriam.
Je comprends pourquoi le père de Romain s'est montré aussi désagréable avec moi : je suis une concurrente pour celle qu'il a choisie pour son fils et je vais sans doute perturber ses plans soigneusement établis.
- Greg a prévu d'en parler à Romain avant que nous n'arrivions là-bas. Pour qu'il puisse...hum...pour éviter qu'il n'explose chez ses parents.
J'entends alors un hurlement qui provient du salon au rez-de chaussée et j'esquisse un sourire contrit :
- Je crois que c'est fait.
Immédiatement j'entends des pas précipités dans l'escalier, j'entends la voix de Romain qui domine et celle plus posée de Grégoire qui essaie de calmer son frère.
La porte de la chambre s'ouvre brutalement et je me relève d'un bond pour faire face à mon compagnon dont les traits sont déformés par la colère. Son regard change ensuite du tout au tout lorsque ses yeux se posent sur moi. Je n'ai même pas le temps de bouger ou de dire un mot, il se précipite sur moi pour m'embrasser avec hargne.
Il me serre si fort contre lui que je dois m'y reprendre à deux fois pour l'obliger à s'écarter de moi.
- Romain...
- Je savais que ce dîner était un piège, je le sentais. Éline, promet-moi de ne pas tenir compte des gestes et des paroles de cette garce. Promet-le moi !
- Oui...oui d'accord, je....
- Il n'y a que toi qui compte pour moi. Toi et personne d'autre Éline. Et surtout pas cette peste, cette...
- J'ai compris Romain, j'ai compris ne t'inquiète pas !
Pour tenter de le calmer, je caresse doucement son visage puis je noue mes bras autour de sa taille et je me blotti contre lui.
Je sens qu'il est terriblement contracté, je préfère ne pas parler et j'attends patiemment qu'il se relâche un peu.
Après quelques minutes il finit par me relever la tête délicatement et je manque de défaillir quand je croise son regard qui n'a jamais été aussi brûlant.
- Axana est une femme hautaine, détestable, perfide et qui a sans doute déjà couché avec la moitié des avocats du barreau de Bruxelles qu'ils aient son âge ou celui de son père, qu'ils soient en couple ou célibataires. Elle ne représente rien pour moi, elle ne m'a jamais attiré.
Il faut que tu saches que c'est une manipulatrice qui est capable de te faire douter de tout. Les hommes la trouvent belle. Sans doute parce qu'elle s'est fait refaire la poitrine et les lèvres. Moi,...elle me dégoûte.
Je ne sais pas comment elle va réagir, si elle va chercher à s'en prendre à toi ou pas mais crois-moi, je mettrais les choses au clair avec elle tout de suite.
La voix de Romain est calme, posée mais en même temps déterminée, résolue, presque tranchante.
Si je ne sais pas à quoi m'attendre pendant ce repas, si certains des convives me font peur, j'ai au moins une certitude, la plus importante sans doute : Romain est vraiment prêt à tout pour moi, il m'aime et ses sentiments à mon égard sont si puissants que même ses propres frères qui le connaissent pourtant si bien sont déstabilisés par son comportement et ses réactions parfois excessives et violentes.
Maintenant que je sais pourquoi Hugues Dalmans souhaite absolument avoir son fils à ses côtés, je redoute encore plus ce repas.
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