19 octobre 2016 - Romain (1ère partie)


Je suis incapable de rester en place. Putain ça fait une heure que nous sommes installés et ce fichu appareil n'a toujours pas décollé.

Je me tourne vers Manu qui est assis à côté de moi :

- Merde, on part quand ? Y en a marre là, je veux rentrer chez moi !

Il se penche alors vers moi et en chuchotant pour que personne ne l'entende il me dit :

- Dit surtout que tu as hâte de retrouver ta petite brune. Elle sera là ?

- J'en sais rien. Ils ont donné le feu vert pour son accréditation lundi seulement. Je sais pas si elle aura réussi à se dégoter un billet d'avion pas trop cher. Et puis,...on est en plein milieu de la semaine, avec son boulot,...

- Attends un peu. Elle est française ?

- Oui

- Et elle est enseignante c'est ça ?

- Oui, formatrice pour adultes plus exactement.

- Alors elle est en congé.

- Hein ?

- Les vacances de Toussaint commencent aujourd'hui chez eux. Et pour quinze jours.

Tu vas pouvoir l'avoir pour toi tout seul deux semaines petit veinard.

Et ne fait pas cette tête -là mec. T'es un grand garçon de 28 ans, t'as plus vu ta chérie depuis un bail, je sais très bien à quoi tu vas occuper tes nuits, inutile de me mentir à ce sujet-là !

- Manu !

- Ose me dire que tu vas l'envoyer à l'hôtel !

- Ah non, hors de question.

Je ne peux m'empêcher de sourire en regardant Manu.

Éline, à l'hôtel ? Jamais de la vie ! Je n'ai pas l'intention de la brusquer mais ce soir, elle dormira chez moi, dans mon lit. Ça fait trop longtemps que j'attends de pouvoir la prendre dans mes bras.

Je me renfrogne presque immédiatement sur mon siège en songeant qu'elle a peut-être pris un billet aller-retour et qu'elle compte rentrer dès ce soir à Lyon.

Tant pis, si c'est le cas, alors je me pointerai chez elle.

Elles tombent bien ces vacances finalement.

Enfin, après une heure trente d'attente, notre avion décolle enfin pour la Belgique et je ne peux retenir un soupir de soulagement tout en adressant un grand sourire à Manu.

Mon euphorie du départ retombe petit à petit durant le trajet pour laisser place à une angoisse indescriptible.

J'essaie de somnoler un peu mais l'image d'Éline ne me quitte plus. Je rêve d'elle toutes les nuits...je suis grave moi quand même.

Je repense alors à ces presque quatre semaines où je me suis retrouvé coincé dans cette putain de grotte. Cette fois j'ai vraiment cru que j'allais y passer. Toutes les images de ce 22 mars m'étaient alors revenues en pleine figure : le visage paniqué d'Éline, ses mains qui s'accrochaient désespérément à moi et ses yeux remplis de tristesse lorsqu'elle m'avait demandé si j'allais l'abandonner.

Nos regards s'étaient croisés un bref instant avant que tout n'explose autour de nous et je ne suis pas près de l'oublier parce que je crois que je suis tombé amoureux d'elle à ce moment-là.

Encore un truc digne des bouquins de ma mère ça...

Et pourtant,...pendant que je la serrais contre moi, que je la rassurais, que j'essayai de la calmer, tout mon corps hurlait que c'était elle la femme de ma vie.

Elle n'imagine même pas ce que ça m'a fait de la laisser partir comme ça dans cette ambulance : j'ai vraiment eu le sentiment de l'abandonner.

Et si j'avais su que j'allais devoir patienter sept mois pour la revoir, j'aurais sans doute grimpé dans ce putain de véhicule et je ne l'aurais plus lâchée d'un centimètre.

A partir d'aujourd'hui je vais rattraper tout ce temps perdu.

Je regarde un instant distraitement par le hublot puis je tape violement mon accoudoir.
Et si l'autre mec avait...Et si Éline avait....

Merde merde et merde. Je suis peut-être en train de me faire des films. Manu a beau me dire que Greg est de son avis, qu'est-ce qu'ils en savent réellement ?

Lorsque notre commandant de bord nous annonce que nous allons atterrir à Bruxelles, ma gorge devient affreusement sèche et les battements de mon cœur s'accélèrent.

Merde alors, pourquoi est-ce que je suis aussi stressé ?

Et si elle n'était pas là ? Si elle n'avait pas osé venir ?

Si c'est le cas, je plains mes frères car je sais que c'est sur eux que je vais me défouler, même s'ils n'y sont pour rien.

Manu n'a plus eu Greg au téléphone depuis dix jours et ça me tue de ne pas savoir. Bien sûr j'ai hâte de retrouver mes frangins et ma mère. Mon père lui,...ça dépendra de son attitude. Mais...la personne que je veux voir en premier c'est Éline.

Je ferme les yeux et j'essaie d'imaginer le goût de ses lèvres et le parfum de sa peau.

Sept mois...ça fait sept mois que je la connais et sept mois que je ne l'ai plus vue. Les trois conversations par Skype ne comptent pas. Même si j'avais eu la joie de la regarder, de voir ses rougeurs apparaître sur son visage, ce putain d'écran entre nous m'avait empêché de la toucher, de la serrer dans mes bras, de l'embrasser comme je le voulais.

Et là tout ce que je veux c'est...

- C'est quoi ce sourire à la con sur ta tronche ?

- Quoi ?

- Romain,...t'as les yeux à moitié fermés, la bouche grande ouverte et tu souris comme...bah en fait j'ai aucune comparaison à l'esprit.

Je me demande bien....Non, finalement, je crois que je ne veux même pas savoir à quoi tu penses.

Quelques petites secousses m'empêchent de lancer une réplique cinglante à mon cher collègue : notre avion vient de se poser en douceur et immédiatement j'ai l'estomac complétement noué.

Je descends les marches de la passerelle si lentement que Manu me donne plusieurs tapes dans le dos.

- Et alors ? Je croyais que tu étais pressé de la retrouver ?

En réalité je ne suis plus sûr de rien.

J'ai peur de ne pas la voir, j'ai peur que mes sentiments ne soient pas partagés, j'ai peur de ne pas pouvoir supporter un rejet de sa part.

Je ronchonne dans mes dents et je dépasse un par un tous mes collègues pour me retrouver dans les premiers de la colonne lorsque nous pénétrons dans les bâtiments de l'aéroport pour aller récupérer nos sacs.

Au moins il ne faut pas attendre une plombe et je saisis rapidement mon paquetage dès qu'il passe devant moi sur le tapis roulant.

J'ai l'impression que mes jambes ne veulent plus me porter lorsque nous arrivons dans la cafétéria où nous attendent des centaines de personnes.

Des cris retentissent dès que nous apparaissons et plusieurs femmes courent se jeter dans les bras de leur homme.

Je repère très vite mon père qui se tient bien droit comme à son habitude afin de pouvoir toiser tout le monde autour de lui. Je fais très vite le compte : Flo, Annelise, Myriam, Greg et mes parents. Elle n'est pas là.

Je serre les dents pour tenter de cacher ma déconvenue et ma frustration et je m'approche d'eux presque au ralenti. Ma mère me serre dans ses bras et c'est dans sa langue maternelle qu'elle m'accueille, pour tenter de cacher son émotion.

J'ai un peu de mal à la comprendre mais à entendre ses never again je sais que j'ai vraiment fait peur à tout le monde cette fois.

Mon père, comme à son habitude, ne montre aucune émotion et je me contente de lui faire une brève accolade.

J'ai quand même droit à un « Content de te revoir mon fils ».

Greg et Flo, malgré qu'ils soient mariés et pères de famille tous les deux, me sautent dessus comme des gamins. Ils arrivent même à m'arracher un semblant de sourire.

Mais ma déception est immense. Je sais que je ne peux pas poser la question à Greg devant mon père mais il va falloir que je m'éloigne avec lui très vite pour comprendre.

C'est alors que j'entends de légers sifflements puis des réflexions étranges de plusieurs de mes collègues, les célibataires du groupe.

- Vous avez vu cette fille là-bas ?

- Laisse tomber mon pote, c'est avec moi qu'elle rentrera ce soir.

- Oh non les mecs pas question, je l'ai vue le premier !

Je tourne la tête dans la direction qu'ils indiquent, je lâche brusquement mon sac et je manque de m'évanouir quand mon regard croise deux yeux bleus-gris, ces deux yeux magnifiques qui ne cessent de peupler mes rêves depuis des semaines.

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