19 octobre 2016 - Éline (1ère partie)
Je n'ai rien pu avaler depuis hier et j'ai passé une nuit blanche à l'idée que j'allais enfin le retrouver.
J'ai pris le premier vol pour Bruxelles au départ de Lyon. Si j'avais pu choisir un autre aéroport je l'aurais fait mais je n'ai pas eu le choix.
Grégoire m'a appelé il y a seulement deux jours pour m'informer de la date de retour de Romain et pour me confirmer que je pouvais me rendre à Melsbroek. Je n'ai pas réfléchi longtemps et je lui ai immédiatement répondu que je serai présente.
J'ai rapidement fait un sac en prenant des affaires pour quelques jours. Je ne sais pas combien de temps je resterai s en Belgique mais je n'ai pas l'intention de faire l'aller-retour sur une seule journée. J'ai trop besoin de le voir, d'être avec lui, juste...avec lui.
Je ne sais pas exactement où il habite mais ce ne sont pas les hôtels qui manquent à Bruxelles, je trouverais forcément quelque chose à un prix raisonnable.
Au moins je ne dois pas prendre des jours de congé exceptionnels, les vacances scolaires débutent aujourd'hui, je suis donc en congé pour deux semaines.
Lorsque l'avion se pose en douceur sur le tarmac de l'aéroport de Bruxelles Zaventem, je suis prise d'une violente nausée.
Tous les souvenirs que je tentais d'effacer de ma mémoire remontent brutalement à la surface et je dois lutter de toutes mes forces pour ne pas vomir.
Je sors de l'avion dans un état second et je me dirige vers la zone de récupération des bagages. Je dois patienter un bon quart d'heure avant de pouvoir saisir mon sac sur le tapis roulant puis je me rends vers la sortie. Grégoire m'a informée qu'il serait là pour m'emmener vers les bâtiments dédiés à l'aéroport militaire qui partage les pistes de l'aéroport de Zaventem.
Lorsque j'arrive dans le grand hall où plusieurs dizaines de personnes attendent l'arrivée d'un proche, je commence à me sentir mal. Je regarde apeurée autour de moi et les images du hall des départs soufflé par l'explosion des bombes des kamikazes se superposent à ce que je vois devant moi. Je n'arrive plus à avancer et je reste plantée au beau milieu du petit couloir qui provient de la zone de récupération des bagages.
Mes jambes ne veulent plus me porter et mon sac me semble tout à coup bien trop lourd pour moi.
J'entends alors près de moi une voix que je commence à bien connaître. Je relève lentement la tête et je vois face à moi comme un double de Romain mais légèrement plus âgé, avec les yeux verts et non marrons. Il doit comprendre mon désarroi et ma panique car il s'approche lentement de moi et il prend doucement mon sac d'une main pour m'inviter de l'autre à le suivre.
- Éline ? Éline, c'est moi Grégoire. Tu...Viens avec moi, nous allons sortir d'ici.
Je lui fais un petit signe de tête et je marche lentement aux côtés du frère de Romain sans dire un mot. Lorsque nous nous retrouvons à l'extérieur du bâtiment, je m'arrête un instant, je regarde les policiers et les militaires belges qui patrouillent et je fonds en larmes.
Grégoire pose doucement une main sur mon épaule pour me rassurer :
- Je sais ce que tu ressens et je sais que c'est dur pour toi de revenir ici. Mais dans une heure tu seras avec Romain.
J'essaie de faire un petit sourire à Grégoire puis je sèche mes larmes et nous nous dirigeons vers le parking. Grégoire se dirige vers un imposant SUV Mercedes gris clair et après avoir déposé mon sac dans le coffre, il m'invite à m'installer à l'avant de la voiture.
- Myriam, Florian et Annelise sont déjà sur place. Ils ont déposé les enfants chez nos voisins. Ça va aller maintenant Éline, le plus dur est passé.
- Et...et pour ton père ?
- Hum...on va essayer de faire les choses en douceur. Quoique...vu tout ce que le capitaine Raes m'a dit, je ne suis pas certain que mon frangin va faire dans la discrétion.
Je pense que le mieux c'est que tu restes un peu en retrait lorsque nous serons dans la cafétéria. J'indiquerais alors à Romain où tu te trouves et il...il pourra passer quelques instants seul avec toi avant de venir nous rejoindre. Je crois....je crois que c'est encore ce qu'il y a de plus simple. Après...
Grégoire me regarde avec un petit sourire gêné.
- En fait je crois que c'est surtout mon frère qui va en faire baver à notre paternel. Je ne l'ai jamais vu se comporter de la sorte.
La circulation est relativement fluide sur les routes et nous mettons à peine quinze minutes pour nous retrouver de l'autre côté des pistes de l'aéroport, là où se trouvent les bâtiments réservés aux militaires.
Lorsque je vois le panneau indiquant « Brussels Military Airport » je me contracte sur mon siège. Sur le tarmac je peux voir un imposant appareil qui approche lentement du hall d'arrivée.
- Et bien nous sommes pile à l'heure.
Grégoire se tourne une nouvelle fois vers moi avec un regard malicieux.
- Il y en a trois qui sont sans doute aussi impatients que Romain de te rencontrer. J'ai pensé que ce serait mieux que tu vois Myriam, Flo et Annelise avant. Parce qu'à mon avis, une fois que Romain t'aura repérée,...
Je le regarde en rougissant et je sors lentement de la voiture.
L'épouse de Grégoire, le second frère de Romain et sa compagne nous attendent devant l'entrée du hall d'arrivée.
Je m'avance vers eux sans trop oser les regarder mais Florian se dirige vers moi un sourire éclatant sur le visage.
- Voilà enfin celle qui rend notre petit frère complètement dingue !
- Flo !
Grégoire le réprimande légèrement contrarié mais je comprends que Florian essaie d'une certaine manière de me détendre. Il continue d'ailleurs en m'indiquant que j'ai intérêt à me faire discrète car tous les collègues de Romain risquent de baver devant moi.
Heureusement que Grégoire m'avait prévenu du caractère taquin de son frangin. Je les soupçonne également tous les deux d'essayer de cacher leurs propres angoisses par rapport à la réaction de leur père.
Cette pensée me coupe un instant la respiration puis je tente de masquer à mon tour mon stress en répondant à quelques questions de Myriam et d'Annelise.
Je me sens très vite à l'aise avec elles. Après tout, elles ont dû affronter le Colonel Dalmans avant moi et je me dis que si elles sont encore là toutes les deux c'est que ce n'est pas un obstacle totalement insurmontable.
De nombreuses familles pénètrent petit à petit dans le bâtiment et tous les cinq nous suivons la foule. Dans la cafeteria de l'aéroport où tout le monde est rassemblé il règne une atmosphère de fête. Des enfants courent dans tous les sens, les compagnes des militaires discutent entre elles et sur leur visage je peux remarquer un certain soulagement.
Même si je ne suis pas en couple avec Romain, je peux tout à fait comprendre ce qu'elles ressentent car moi aussi, depuis cinq mois, j'attends avec impatience le retour des troupes belges et surtout le retour de cet officier dont je suis tombée amoureuse.
Grégoire me montre discrètement l'endroit où il souhaite que je me place puis il me rassure en me disant que je ne vais plus devoir attendre très longtemps et il me laisse ensuite pour se diriger vers ses parents qui se trouvent totalement à l'opposé.
Florian lève le pouce vers moi tout en me faisant un clin d'œil puis il s'éloigne à son tour en compagne de Myriam et d'Annelise.
Je les suis du regard et discrètement je les observe saluer Rachel et Hugues Dalmans.
Je tressaille en découvrant pour la première fois le visage du père de Romain. Cela se voit immédiatement qu'il n'a pas l'air d'un homme commode. Il est grand et il semble dominer toutes les personnes qui l'entourent.
Une nouvelle fois, comme pour Grégoire et Florian, je suis frappée par sa ressemblance avec Romain.
Je n'ai pas le loisir d'approfondir mon examen car j'entends tout à coup une clameur puis des cris, des rires, des pleurs...
Le contingent miliaire au grand complet vient de faire son apparition et leurs proches, dans un même mouvement se précipitent vers eux.
Mes mains se mettent alors à trembler quand très vite, j'aperçois une silhouette que j'aurais pu reconnaître entre mille.
Simultanément, je sens des larmes couler le long de mes joues et je dois m'appuyer contre un mur pour ne pas flancher.
Vêtu de la tenue règlementaire, Romain, la mâchoire crispée, se dirige rapidement vers ses parents et ses frères. Si son accolade avec son père est brève et presque froide, il en est tout autre chose en ce qui concerne les retrouvailles entre les trois frères.
Non loin de lui j'entends alors quelques cris puis il se tourne dans ma direction et je le vois poser brutalement son sac sur le sol.
Nos regards se croisent alors pour la première fois depuis qu'il m'avait promis de reprendre contact avec moi tandis que j'étais allongée dans cette fichue ambulance qui allait m'éloigner de lui pour sept très longs mois.
A cet instant, plus rien n'existe pour moi, je ne vois plus que lui.
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