19 novembre 2016 - Romain
Il faut que je me ressaisisse sinon je vais la perdre, je vais vraiment la perdre. Mais quel crétin je fais ! Je ne veux pas qu'elle me quitte, bien sûr que non. Et je sais qu'elle a compris que je ne pensais pas vraiment ce que je disais. J'ai tout lâché comme ça sous le coup de l'émotion et c'est pas le genre de truc qui me réussit.
Je ne dis pas un mot tandis que nous nous approchons du commissariat et je songe à l'attitude de Gaël. Non mais franchement ce connard, il ne m'aura rien épargné.
Je pourrais le mettre à pied, je pourrais demander une lourde sanction à son égard mais j'ai d'autres préoccupations en tête. Alors, je vais me contenter de prouver mon innocence et de faire en sorte de l'éviter au maximum.
Après avoir garé ma voiture, je jette un coup d'œil à Éline qui n'a rien dit depuis que nous avons quitté mon appart.
- J'ai vraiment le sentiment d'être un sombre abruti et de ne pas avoir un comportement à la hauteur de ton attachement pour moi mais...merci d'être là pour moi.
Éline s'approche de moi en me dévisageant d'un air attendri. Elle caresse lentement mon visage puis elle pose doucement ses lèvres sur les miennes.
- Je t'aime Romain. Et je n'ai pas l'intention de te laisser tomber.
Elle est adorable. Merde, qu'est-ce qu'elle fout avec moi ? Elle mérite tellement mieux. Entre mon père totalement cinglé et moi...
Mais elle est là, à me tenir fermement la main, pour m'accompagner au commissariat et me défendre contre l'autre connard.
En fait, c'est vraiment une bonne chose qu'elle soit là. Parce que sans cela, je crois que je serais vraiment capable de lui faire sa fête à mon collègue.
C'est donc très énervé que je pénètre à l'intérieur et que je demande à voir l'inspecteur Quesnoy. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, je lui signale qu'Éline restera avec moi pendant toute la durée de ma présence sur place. Il nous fait rentrer dans son bureau puis il lance directement les hostilités :
- Lieutenant Dalmans, j'ai ici une plainte du sergent Gaël Montheyne à votre sujet. Il a été retrouvé à moitié inconscient hier soir Rue Général Graty à Schaerbeek et il vous a désigné comme étant le responsable de cette agression.
- Je vous interromps immédiatement inspecteur. Mon appartement est équipé de plusieurs caméras de surveillance et je peux vous prouver que je ne l'ai pas quitté après avoir passé la soirée avec mes frères.
Je vois le policier froncer les sourcils puis, pour respecter la procédure il prend nos dépositions à Éline et à moi, mais séparément. Lorsque nous nous retrouvons à nouveau ensemble, l'inspecteur appelle un de ses collègues afin qu'il y ait un témoin pour le visionnage des images que mes caméras ont enregistrées.
Lorsqu'ils ont terminé, l'inspecteur Quesnoy me regarde avec une certaine incompréhension dans les yeux.
- Il y a manifestement l'un de vous qui ment. Je sais parfaitement que ces vidéos peuvent être falsifiées et...
- Donc vous ne me croyez pas ?
- J'essaie simplement de comprendre.
- Inspecteur, puis-je vous rappeler un extrait de ma déposition ?
Je regarde Éline qui vient de prendre la parole. Sa voix est calme mais déterminée et tout dans son attitude trahit sa colère.
Elle passe ensuite dix bonnes minutes à détailler à nouveau sa conversation avec Gaël près des toilettes du bar où nous avions passé la soirée la veille puis elle précise que Florian lui avait indiqué que mon collègue n'en était pas à son coup d'essai.
- Je pense que le frère de Romain pourra sans aucun doute vous fournir quelques noms. Je ne connais Monsieur Montheyne que de vue mais apparemment il est coutumier du fait.
- C'est ce que je compte faire Mademoiselle Castellan. Bien, n'ayant pas de preuve formelle à votre encontre Lieutenant Dalmans, vous pouvez quitter le commissariat mais je vous demanderais de ne pas quitter Bruxelles avant que cette affaire ne soit résolue.
Je fronce les sourcils à cette dernière phrase car il est hors de question qu'à cause de Gaël je ne puisse me rendre à la fête des Lumières dont ne cesse de me parler Éline.
Je m'apprête à poser une question à l'inspecteur Quesnoy quand nous sommes interrompus par l'arrivée d'un autre policier :
- Le lieutenant-colonel Gilson demande à vous parler Inspecteur.
Oh putain, mais qu'est-ce qu'il a fait Gaël pour arriver à convaincre l'officier qui commande notre bataillon ? Ce n'est pas dans les habitudes de Gilson de se déplacer pour une bagarre entre deux de ses hommes.
Merde, j'espère que mon père n'est pas au courant. Il serait bien capable d'avoir exigé du lieutenant-colonel qu'il vienne se charger en personne de ma défense. Manquerait plus que ça tiens !
Le responsable de mon bataillon entre dans le bureau sans y avoir été invité et...il est furax.
- Lieutenant Dalmans. Le père du sergent Montheyne m'a informé de votre comportement totalement déplacé envers son fils. J'attends des explications. Vous me décevez énormément Lieutenant.
- Il n'a rien fait !
Je n'ai pas le temps de réagir : Éline s'est levée et, elle aussi elle est furieuse.
- Il n'a rien fait : je peux témoigner pour lui puisque je me trouvais dans son appartement avec lui au moment des faits. Et la police en a la preuve avec les images de la caméra de surveillance.
Je mordille nerveusement mes lèvres : j'aurais peut-être dû expliquer à ma compagne qu'on ne s'adresse pas comme ça à un officier supérieur de l'armée belge...Merde, qu'est-ce que je vais encore prendre dans la gueule moi !
Le lieutenant-colonel Gilson observe un instant Éline puis il s'approche d'elle et il la toise de toute sa hauteur.
- Et je suppose que vous êtes la jeune femme à l'origine de la dispute.
- Mais il n'y a pas eu de dispute ! Ce serait plutôt à moi de me plaindre au sujet de l'attitude du sergent Montheyne.
- Inspecteur, si vous le permettez, je voudrais confronter les dires de mes hommes et de cette jeune personne.
L'inspecteur Quesnoy ronchonne quelques mots incompréhensibles au sujet de la procédure mais il accède à la requête de mon supérieur.
Lorsque Gaël entre dans le bureau à son tour, je dois prendre sur moi pour ne pas me lever et aller lui coller mon poing dans la figure.
Une nouvelle fois, c'est Éline qui surprend tout le monde en se précipitant sur mon collègue.
- Alors vous, vous ne manquez pas de culot ! Vous savez parfaitement que Romain ne vous a rien fait. Vous êtes furieux parce que j'ai refusé vos avances, avouez-le ! Votre plainte n'a aucune chance d'aboutir parce que nous pouvons prouver que nous ne sommes pas sortis cette nuit. L'inspecteur a visionné les vidéos et il sait que nous n'avons pas quitté l'appartement de Romain une seule fois.
- Les vidéos ? Les...Quelles vidéos ?
Waouh, j'ai vraiment une femme formidable à mes côtés. Encore une fois, si elle a clairement manqué de respect dans sa manière de s'adresser à Gaël, je dois avouer que la tronche de mon stupide collègue vaut vraiment le détour.
Effectivement il n'était pas au courant de mes caméras de surveillance et je vois bien qu'il comprend qu'il est piégé à son propre jeu.
Le lieutenant-colonel Gilson se tourne vers lui la mine sévère :
- Sergent Montheyne, auriez-vous la bonté de m'expliquer les paroles de cette jeune femme ?
Comprenant que, quoi qu'il arrive, il va se prendre au moins un arrêt simple, Gaël avoue d'une toute petite voix qu'il a menti à mon sujet.
Je vois mon supérieur pâlir de plus en plus puis il demande à l'inspecteur Quesnoy d'emmener Gaël dans un autre local afin qu'il change sa déposition.
Puis le lieutenant-colonel Gilson se tourne vers moi et me dit :
- Je vous présente mes excuses Lieutenant. Je me suis laisser emporté d'autant qu'une dizaine d'hommes m'ont confirmé qu'il y avait des tensions entre vous hier soir. Au vu de votre comportement de ces derniers mois, je redoutais un dérapage de votre part.
Je sursaute en entendant ses mots et je baisse légèrement la tête. Faut vraiment que j'apprenne à me contrôler moi, ou, du moins, à retrouver mon flegme et mon impassibilité d'avant.
- Oui, le capitaine Raes m'a parlé de vos...sautes d'humeur et de votre caractère exécrable lors de la mission en Afghanistan. Je vous avoue que j'en ai été le premier surpris. Mais si j'ai bien compris Emmanuel, vous aviez une excellente raison qui se trouve devant moi n'est-ce pas ?
Hein ? Il fait de l'humour lui maintenant ?
Mort de honte, je me jure intérieurement de ne plus jamais laisser transparaître la moindre émotion en service.
Il faut cependant que je pose une question, une seule afin de pouvoir quitter le commissariat l'esprit vraiment serein.
- Hum... Mon Colonel,...est-ce que....mon père est au courant de la plainte du sergent Montheyne ?
- Absolument pas. Bien que j'ai énormément de respect pour Hugues, il s'agit d'une affaire interne. D'ailleurs le père du sergent Montheyne m'a supplié de ne pas en parler au Colonel Dalmans. Je suppose que c'est également votre souhait ?
- Oui mon Colonel.
- Et bien c'est entendu. De toute façon, la plainte du sergent Montheyne n'a plus lieu d'être. Je me charge moi-même de la procédure disciplinaire puisque vous êtes impliqué personnellement dans cette affaire.
Rentrez chez vous Lieutenant. Vous avez mieux à faire que de traîner ici.
Je ne me le fais pas répéter deux fois. Même si je suis vêtu en civil, j'adresse le salut règlementaire au lieutenant-colonel Gilson et j'entraîne Éline à l'extérieur du commissariat.
Je reste silencieux jusqu'à ce que nous arrivions devant mon immeuble. Lorsque je sors de ma voiture dans le garage en sous-sol, je prends la main d'Éline et je lui dis avec un petit sourire :
- Il va falloir que je m'occupe sérieusement de ton éducation toi ! Le lieutenant-colonel Gilson est un officier supérieur, on...on ne s'adresse pas à lui comme ça !
- Mais je ne suis pas dans l'armée moi !
- Oui mais même.
Cet intermède, même désagréable, aura eu le mérite de nous faire penser à autre chose. Nous passons le reste de la journée chez moi à élaborer notre programme pour les vacances de Noël jusqu'à ce que mes frangins rappliquent en début de soirée après avoir appris ce que Gaël avait fait.
Greg est très surpris de la réaction d'Éline au commissariat et gentiment il lui explique les règles de politesse qui sont de rigueur dans l'armée.
- Il ne faudrait surtout pas que tu te mettes à dos les officiers généraux lors du repas de Noël.
- Le repas...de Noël ?
Éline me dévisage d'un air étonné. Putain j'avais oublié ça aussi. Je lui explique alors rapidement que chaque année, les officiers supérieurs et les officiers généraux se réunissent avec leur famille le soir du réveillon de Noël pour un repas de gala. Il s'agit également de mettre à l'honneur ceux qui ont pris leur pension dans le courant de l'année écoulée et évidemment cette année, c'est mon père qui sera l'invité de prestige de ce repas.
Dire que je l'avais complétement zappé.
En plus, cela n'a absolument rien de réjouissant : c'est un dîner vraiment guindé, enfin, à mes yeux, et où il faut absolument respecter un code très strict. Bref, le genre de soirée ou on s'emmerde du début jusqu'à la fin.
Je suis furieux contre moi-même d'avoir oublié d'en parler à Éline. Avec tout ce que nous avons vécu ces deux derniers jours, je crains qu'elle ne finisse par ne plus me faire confiance du tout.
Très mal à l'aise, j'oriente la conversation sur l'après réveillon, sur les projets que mes frères ont pour occuper leur progéniture et nous convenons de passer quelques jours tous ensemble dans les Ardennes entre Noël et Nouvel An. Greg a un collègue qui met à notre disposition un gite qu'il possède là-bas pour un prix raisonnable. Et pour la nouvelle année, je verrai bien.
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