19 novembre 2016 - Éline

Je suis bouleversée par la révélation de Romain. Et je me sens si mal pour lui. Après son enfance difficile à cause de son père et son entrée presque forcée dans l'armée, il a fallu qu'un fichu examen vienne le démolir un peu plus psychologiquement.

Je ne vais pas me cacher que c'est très dur à vivre pour moi. J'ai essayé de le lui dissimuler comme j'ai pu ma désillusion mais j'ai très vite compris que je devais surtout le soutenir dans cette épreuve et être forte pour nous deux. Curieusement je partage son sentiment au sujet de l'appel à un donneur. Je ne suis déjà pas certaine de pouvoir faire face à la batterie de tests, de piqûres et d'examens qui m'attendent si nous nous décidions finalement pour cette option mais j'ai du mal à envisager de porter un enfant qui ne serait pas de lui. Alors tant qu'à faire, il a raison, je pense qu'il vaut mieux nous tourner vers l'adoption.

Voyons les points positifs, je ne devrais pas me battre après l'accouchement pour perdre mes kilos de grossesse.

Etrangement, au plus j'y pense, au plus je me sens sereine. Si je dois faire ce sacrifice pour rester à ses côtés, alors je suis prête à le faire. Il est tout à fait inimaginable pour moi de le quitter, de me trouver un autre mec rien que pour avoir la satisfaction de pouvoir avoir un enfant naturellement.

Romain ne mérite pas cela. Le plus important c'est qu'il m'aime. J'ai d'ailleurs l'impression que c'est un peu le monde à l'envers : il est tellement sexy que ce serait surtout à moi de m'inquiéter qu'il me quitte pour une autre mais non c'est lui qui est terrorisé à l'idée que je le laisse en plan simplement parce qu'il est stérile. Décidément il a vraiment une très mauvaise image de lui-même et je sais à quel point il souffre de la situation.

Je regarde rapidement le réveil : 3h du mat.

Tandis que j'observe Romain dormir, je comprends que quoi qu'il arrive, je ne pourrais jamais aimer un autre que lui. Il sait me rassurer, il me comprend parfaitement, il sait ce que j'ai vécu puisqu'il était là lui aussi le 22 mars. C'est lui que je veux dans ma vie. Incapable de me retenir je chuchote ce que je ressens pour lui :

- Je t'aime Romain. N'en doute jamais je t'en prie.

Je l'embrasse doucement puis je me blottis à nouveau contre lui et je me rendors paisiblement.

C'est lui qui me réveille vers 9h lorsqu'il commence à remuer de plus en plus dans le lit. Je tourne la tête pour le regarder mais il fait tout pour que ses yeux ne croisent les miens.

- Arrête. Je suis toujours là Romain et je n'ai pas l'intention de me barrer.

- Je me sens minable, pitoyable. J'ai le sentiment de ne pas te mériter, de...

- Stop. Je ne veux plus t'entendre parler comme ça. Tu te rappelles, tu m'as dit dans l'un de tes premiers mails que tu avais fait une liste de trucs que tu rêvais de faire mais que tu n'avais jamais fait par manque de temps.

- Hum...oui. Et ?

- Et bien moi aussi j'en ai une. Je te l'avais dit aussi. Et je viens de rajouter quelque chose. Tout ce que j'ai noté sur ce papier, ce sera avec toi et personne d'autre.

- Éline...

Je me redresse et je pose ma main sur la bouche de Romain.

- Tu vas finir par me foutre en rogne.

Je l'observe à nouveau sans rien dire et il me donne l'impression d'être comme un petit garçon pris en faute par ses parents. Merde, il a l'air si fragile comme ça.

J'ai l'impression de découvrir un autre homme à présent, bien loin de l'image du militaire sûr de lui qu'il s'était efforcé de me renvoyer.

La vie l'avait marqué à un point presque inimaginable et je comprends maintenant cette image d'homme dur et secret qu'il s'est créé. Je sais parfaitement qu'il n'est pas insensible même s'il essaie toujours de me cacher, comme à ses collègues, ses émotions et sa fragilité. Sa carrière de para-commando a bien évidemment déteint sur sa vie privée mais je sais maintenant que ce détachement qu'il affiche en permanence n'est qu'une façade pour se protéger.

Tout à coup je prends peur : et si ses souffrances le poussaient vraiment à me faire sortir de sa vie ?

Il fait mine de se lever mais je l'en empêche et je me blottis contre lui. Il faut qu'il comprenne, qu'il arrête de voir tout en noir et surtout, il faut qu'il pense à nous, à notre avenir commun.

- Tu as l'air de penser que tu ne me suffis pas et que mes sentiments à ton égard finiront par disparaître parce que nous ne pourrons pas avoir d'enfant naturellement. Le plus important à mes yeux c'est toi Romain. Toi et rien que toi. Je veux vivre avec un homme qui peut me rendre heureuse. Et c'est ce que tu fais.

Ne pense pas que je dis ça par pitié. Nous n'avons qu'une vie et la mienne prend tout son sens lorsque tu es à mes côtés. Je ne pourrais jamais renoncer à tout le bonheur que tu m'apportes. Je sais que tu souffres de la situation et je sais que tu as peur que je regrette mon choix. J'y ai réfléchi toute la nuit et je sais ce que je veux. Tu as sans doute peur que cela m'oblige à renoncer à vivre un moment important de la vie d'une femme mais je vois les choses différemment.

C'est vrai que devoir passer par l'adoption, ça...va être particulier mais, même si cet enfant nous ne l'aurons pas eu naturellement, nous l'aurons souhaité quand même.

Il ne répond pas et se contente de me serrer un peu plus fort contre lui.

Son attitude me fait de plus en plus peur et je regrette de ne pas pouvoir rester à Bruxelles plus longtemps. Que va-t-il faire demain soir lorsque je l'aurais quitté ? Est-ce qu'il va vraiment se battre pour nous ?

Il semble si résigné à présent.

Bien décidée à lui faire comprendre qu'il se trompe royalement, je l'oblige à me regarder et d'une voix tremblante je lui dis :

- J'ai peur Romain, en te voyant là presque apathique, résigné et défaitiste. Je veux que nous deux ça dure, je veux que tu te battes pour moi, que tu me retiennes, que...que tu me montres que tu m'aimes et que tu ne baisseras pas les bras. Je veux retrouver l'officier sûr de lui, ultra protecteur avec moi, un peu chiant sur les bords à cause de sa jalousie excessive mais prêt à tout pour me défendre. Parce que là,...c'est pas toi.

Et j'ai peur de rentrer chez moi, j'ai peur que la distance physique n'accentue un peu plus le fossé que tu es en train de creuser entre nous.

Cette fois il ne cherche pas à se dérober à mon regard mais une nouvelle fois, ses yeux sont remplis de tristesse.

- Tu vois, je suis vraiment pitoyable.

Il tend sa main vers mon visage mais il ne me touche pas et il se recule presque aussi vite, comme s'il redoutait à présent que je lui reproche le moindre de ses gestes.

Cette fois c'est vraiment trop pour moi. Je n'ai cependant pas l'occasion de dire à Romain ma façon de penser car la sonnerie de son smartphone me fait sursauter.

Il s'en saisit rapidement puis je vois son visage pâlir subitement. Sa main se crispe sur son téléphone et il se contente de quelques réponses brèves.

Puis quand il raccroche, il fixe un instant le mur de sa chambre et sans un mot il se lève brusquement pour se diriger vers la salle de bain.

- Romain ! Dis-moi ce qu'il y a !

Le visage contracté, il se retourne et me dit dans un souffle :

- Gaël a été tabassé cette nuit. Il a porté plainte contre moi.

- QUOI ? Mais...mais enfin tu n'y es pour rien !

- Il a indiqué aux flics que j'étais furax parce qu'il essayait de me piquer ma petite amie.

Je vais au commissariat pour régler le problème.

- Attends ! Attends Romain ! Et moi ? Tu me laisses en plan comme ça ? Nous avons passé la nuit ensemble je te rappelle. Je peux témoigner en ta faveur.

- Ce ne sera pas nécessaire. Ce connard ne sait pas que j'ai fait installer deux caméras de surveillance : une dans le hall d'entrée et une dans le salon. Il me suffit de donner accès aux vidéos aux flics et ils pourront parfaitement voir que je ne suis pas sorti cette nuit pour aller lui refaire le portrait.

Terriblement vexée par sa réaction, je le regarde sans pouvoir cacher mon irritation :

- Donc...tu n'as pas besoin de moi si je comprends bien.

Je me lève à mon tour et sans vraiment le faire exprès je le bouscule légèrement pour me rendre à la salle de bain.

Avant de me déshabiller, je m'assieds sur le rebord de la baignoire et je finis par fondre en larmes. Romain me rejoint quelques minutes plus tard et il tombe à genoux devant moi.

- Je te demande pardon Éline. Je t'en prie pardonne-moi. Je...Je suis vraiment un crétin, je....

Je ne le laisse pas continuer : je l'oblige à se redresser et je l'embrasse violemment.

- Je viens avec toi. Pas question que tu me laisses de côté.

- Tu as raison, je...c'était idiot de ma part d'essayer de...Oui, je veux que tu viennes avec moi.

Je m'écarte ensuite de Romain, j'enlève mon short et mon t-shirt, je lui retire moi-même ses vêtements et je l'invite à me suivre sous la douche. Nous y restons longtemps, tendrement enlacés et silencieux.

Une heure plus tard, lorsque nous sortons de l'immeuble, je prends fermement la main de Romain et, les yeux dans les yeux, je lui dis :

- Tu m'as promis que tu ne m'abandonnerais jamais. A mon tour de te faire la même promesse. Je veux que tu saches que tu peux compter sur moi, quoi qu'il arrive. Et je suis prête à tous les sacrifices pour toi.


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