Chapitre - 55
J'aurais aimé commencer ce chapitre comme j'ai commencé le chapitre précédent : en faisant l'état d'un grand silence profond et pénétrant.
Mais ce serait vous mentir.
Les cris avaient fait fuir le Silence en lui brisant les tympans ou peut-être bien que le Silence avait fui tout seul parce que ce bougre-là n'avait jamais franchement été du genre courageux.
Hagrid se tenait là à l'entrée du salon, la tête à moitié courbé pour passer par l'embrasure quand bien même le Terrier avait été rénové pour être un peu plus grand.
Oh bien sûr il était totalement hagard, mais il réagissait plus que Charlie.
Tout le monde réagissait plus que Charlie. Même le Silence parti très loin de là était plus vivant que Charlie.
Charlie Weasley était le second plus vieux de sept enfants.
Il avait appris à être toujours là, toujours présent pour tout le monde, toujours le pilier. C'était le genre calme et posé. Le genre baraqué tendre, celui aux mains calleuses habituées à jouer avec des dragons et qui savaient encore comment marquer la tendresse. Aimer, aider, y avait qu'une lettre de différence mais ça revenait à la même chose : ce qu'il avait fait sa vie entière sans répit sans rechigner.
Aider, il n'avait toujours fait que ça, sans se poser de question, sans demander à être aimé en retour. Il avait soutenu ses parents à la maison. Il avait aidé financièrement ses parents dès qu'il avait eu son premier salaire en poche. Il avait participé à l'éducation de ses frères et sœur plus jeune. Il avait sauvé la vie de ses collègues des dizaines et des dizaines de fois dans le boulot aussi dur et aussi compliqué qu'était le leur. Il avait toujours été là, sans rechigner, sans réclamer qu'on l'aide en retour, qu'on le soutienne lui pour une fois.
La seule personne qui avait adouci ce triste état des faits c'était William. Son frère ainé. Son plus vieux frère. D'accord il n'avait pas et ne prétendrait jamais avoir une relation aussi intime que celle que les jumeaux avaient entre eux. Mais ils étaient proches, très proches, proches forcément, parfois ils n'avaient que ça. Que ça, non. La famille Weasley était fusionnelle, l'avait toujours été, et le serait sûrement toujours. Mais William et Charlie avait toujours été proche, parce qu'ils se comprenaient, parce qu'ils étaient les deux plus vieux et ça jouait, ça jouait toujours ce genre de chose.
Ce n'est pas tant que c'est lui qui à peine babillant lui avait donné le surnom Bill pour une raison que tout le monde ignorait encore à ce jour et que ce surnom était resté. C'était bien plus. C'était que l'un et l'autre c'était toujours retrouvé dans ce rôle de protecteurs, de gardiens, de têtes hautes en attendant que l'orage passe. Ils étaient nés pendant l'une des guerres les plus monstrueuses que leur monde avait vécu jusqu'à lors comment ne pouvait-il pas en être autrement.
Alors ils avaient grandi en étant les rocs et les piliers, les grands frères les plus merveilleux possibles, drôles mais fermes, toujours présent pour leurs cadets. Ils se comprenaient. Et puis parfois quand Charlie se sentait plier, Bill était toujours là pour le soutenir histoire qu'il ne tombe pas trop ou pas trop bas, qu'il se relève vite.
Ils se comprenaient, ils se complétaient. Ils formaient un bon binôme, une bonne équipe. Ils se soutenaient eux même à la fin, l'un l'autre ensemble.
Ensemble.
Ensemble.
E N S E M B L E.
Sauf qu'ensemble ne signifiait pas - et Charlie était prêt à le parier, dès lors qu'il aurait récupéré suffisamment le contrôle de ses muscles pour aller chercher le fichu dictionnaire au fond du salon - ça.
Non, vraiment, ensemble n'avait jamais signifié tout seul. C'était le contraire. L'antonyme ou l'oxymore, ou n'importe quel putain de terme de grammaire pourvu que celui-là signifiait que ça ne devrait pas se passer comme ça.
Charlie.
Charlie.
Charlie
cHarLiE
CHARLIE
C H A R L I E
C H A R L I E
"- CHARLIE !"
Peut-être bien que c'était la quinzième ou la trente-troisième fois que sa belle-sœur l'appelait mais il n'avait pas la force de l'entendre jusqu'à lors.
Hermione se tenait là, debout devant lui, droit et forte, genre forte mais bien plus forte que lui et elle criait des choses partout et à tout le monde et sembler exceller à tenir debout comme si la situation n'était pas si grave, comme si, comme si, comme si.
Il les aurait bien fait bouffer au monde entier ces comme si absurdes dont il n'avait clairement rien à foutre. Son grand frère était en miettes et l'univers tapait son meilleur fou rire sans aucune forme de respect.
Et au milieu de tout ça la plus brillante sorcière de sa génération qui s'était attachée les cheveux en un chignon rapide et avait déjà du sang partout sur sa chemise blanche. Elle avait ordonné à Hagrid de placer son beau-frère agonisant sur le canapé, puis de lui tenir les mains quoi qu'il arrive. Elle avait ordonné à Drago de partir cherché Rogue en courant. Elle avait demandé à Louna d'aller chercher un truc quelque part. Et puis elle lui parlait, à lui, elle appelait son prénom, très vite et pleins de fois d'affilées en lui lançant des petits coups d'œils alors qu'elle s'affairait autour de Bill.
"-... " il avait voulu sortir un oui de sa bouche. Un oui, genre un mot avec trois lettres, un tout petit son doux, pas le truc vraiment compliqué, pas le truc qui fait peur à faire, il savait qu'il pouvait le faire. Il pensait pouvoir le faire. Il n'avait pas réussi. C'était juste un son bizarre un peu comme un gargouillis. Un peu comme le son que font les dragons quand ils percent la coquille de leurs œufs.
Ça sembla suffire à Hermione parce qu'elle hocha la tête contente d'avoir enfin son attention.
"- Tu vas me chercher des serviettes, des vêtements propres... Tous les tissus sains et nettoyés que tu trouveras... Tu vas me les chercher maintenant Charlie. Vite !"
Le dernier cri d'Hermione eu raison de lui et il réussit à sortir de sa transe. Ou peut-être le cri de douleur de son frère allongé sur le canapé.
Son frère blessé, appuyé sur le canapé.
Il réussit à s'arracher difficilement à cette image. Et s'arracher encore c'est pas comme si c'était vraiment vrai vraiment vrai vraiment.
Parce qu'il arrivait pas à fermer les yeux ou parce qu'il arrivait pas à les ouvrir.
Oh oui, oui Charlie avait monté vite les escaliers. Très vite, il avait réussi à ne pas tomber.
Et il avait fouillé dans les armoires, en laissant pleins de trucs tomber en bordel et qu'il rangerait plus tard peut-être s'il pensait.
Mais ses yeux étaient obsédés des images qui ne le quittaient pas.
Ses yeux voyaient encore ce qui était déjà parti.
Il y avait Bill, qui discutait avec lui, Hagrid pas loin, durant la fouille. Bill, debout, qui se grattait la cicatrice en observant la pièce autour de lui. Bill inquiet pour une chose qu'il ne voulait pas dire, une chose qu'il ne voulait pas nommer.
Il y avait Bill debout, et une seconde après Bill qui s'effondrait dans un bruit atroce et intraduisible. Un bruit qui sonnait comme les cloches de l'Enfer qui tombent de leur perchoir.
Et puis ensuite plus rien.
Tout était tombé à l'eau.
La vie de Bill comprise.
Il ne restait que le sang. Le sang partout.
C'est pas Bill qui aurait dû saigner.
L'Univers le savait ça.
C'est sûrement pour ça qu'il se marrait.
En redescendant en bas, il y avait Rogue. Rogue déjà là. Le vieux professeur de potion censé être mort et qui ne l'était pas et qui était là du coup, et qui se tenait là du coup, et qui se tenait là genre super froid comme d'habitude, mais les sourcils plus froncés que jamais et qui travaillait en parfaite collaboration avec son ancienne élève.
Enfin, ils échangeaient plus des grognements et des demi-mots que des phrases pleines et entières, mais ils échangeaient. Et puis ils enchainaient les sorts, ils enchainaient les essais. Ils enchainaient tout ce qu'il leur était possible pour garder William Weasley en vie.
Bon, de ce que Charlie avait compris, ils en étaient seulement à agiter leurs baguettes et tout un tas ridicule de potions et des mixtures, dont revenait toujours plus vite Drago avec les bras chargés de ces flacons lui qui faisait les allers-retours les plus rapides de sa vie entre la maison des Weasley et le cabanon de son oncle.
Ils en étaient seulement à agiter leurs baguettes et leurs potions stupides dans l'espoir stupide de savoir s'il était porteur de magie noire, s'ils avaient été touchés de sorts monstrueux ou interdits, ou trafiqués, ou quoique ce soit du genre.
Et à voir leurs réactions, on était pas sûrs que la réponse soit non.
Et puis il y avait Hagrid qui faisait tout son possible pour ne pas pleurer, et Luna qui n'était toujours pas revenue dont ne sait où et les autres qui ne tarderaient pas à revenir de leurs missions.
Et voir l'horreur.
Et voir le sang partout.
Voir l'horreur.
Et voir Bill.
Bill qu'ils avaient transféré sur la table du salon, en dégageant tous les livres et les parchemins d'un coup de baguette un peu trop violent et qu'on voyait désormais étalés pêle-mêle au fond du salon.
Bill en sang.
Bill qui s'était sûrement évanoui de douleur mais serrait les poings encore.
Bill.
Bill.
Bill.
Et le trou béant à la place de sa jambe droite.
Et tout ça c'était sa faute. C'était sa faute. C'était sa faute.
Charlie était si occupé à tenter de comprendre ce qui n'allait pas chez son grand frère qu'il n'avait pas vu ce qu'il se tramait. Il n'avait pas vu le piège, un peu comme Luna deux semaines avant.
Il n'avait rien vu.
Rien entendu d'autre que la voix de son frère qui hurlait son prénom en le projetant le plus loin possible. En prenant sa place. Et puis. Et puis. Et puis le bruit horrible, le craquement des cloches de l'enfer ou quelque chose comme ça.
Et l'Univers qui éclata de son rire gras et sombre et jaune et assez visqueux pour vous étouffer les poumons sans même forcer.
Son grand frère avait fait ce qu'il avait toujours su faire : les protéger tous.
Son grand frère n'avait toujours fait que ça.
Pourquoi ?
Pourquoi Charlie n'avait pas su faire l'invese pour une fois ?
Parce que là son grand frère adoré allait sûrement mourir.
Et serait de sa faute.
A Charlie.
L'univers se marrait encore plus fort.
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