Chapitre - 33
Hermione entra dans la cuisine, où Ron - qui était beaucoup trop réveillé pour une heure si matinale - débattait fermement avec Malefoy, tout deux comme habités d'un violent éclat passionné, sous l'œil déprimé de Harry qui mangeait mollement ses céréales, les yeux dans le vague, l'air mi- attentif.
"- Bonjour Harry... Wow ! Je rêve ou bien ils ne s'entretuent pas ? Ça a l'air intéressant ! Pour une fois qu'ils ont une discussion constructive c'est à marquer d'une pierre blanche !
- Ils débattent pour savoir s'il faut mettre le lait avant ou après les céréales... Bonjour à toi aussi 'Mione.
- ... Je me disais aussi..." Harry hocha vaguement la tête dans le vide, déprimé par la scène devant ses yeux, avant de décider que la vision horrifique du spectacle devant lui suffisait largement et de se lever.
"- Je te laisse la corvée de babysitting avec ces deux là, je dois aller rejoindre notre Rogue national, il a demandé à me voir avant ma journée de fouille. Courage à toi.
- Je n'ai pas franchement envie d'être à ta place non plus. " soupira-t-elle. Il sourit en lui embrassant le front.
"- Au moins dis-toi qu'ici tu peux déjeuner, à condition de savoir éviter les tartines qui volent.
- Mais je ne peux plus boire de café !
- Bientôt quand...
- Je n'aurai plus deux intrus dans mon utérus, je sais.
- Je n'ai jamais compris cette obsession que tu avais avec le café.
- La caféine est un stimulant, elle optimise donc mes capacités de travail. Dire que maintenant je suis obligée de me rabattre sur la théine !
- Le thé c'est pas si mal non plus.
- Tu plaisantes Harry j'espère ? C'est de l'eau chaude avec un arrière-goût ! En plus entre ça et les deux monstres qui font du trampoline sur ma vessie je passe ma vie aux toilettes comme si j'avais besoin de ça ! Je me sens comme une grand-mère ! Manquerai plus que j'aie les chevilles gonflées et que je tricote et que je lise des livres et que... Attends Harry je suis une grand-mère. Comment je suis censée pouvoir travailler dans de telles conditions ? " Il éclata de rire sur ses yeux écarquillés et rigolait toujours en quittant la cuisine, peut-être qu'au fond, certaines choses ne changerait donc jamais, et si c'était le cas, la passion étroite qu'entretenait sa meilleure amie avec le travail en était une.
Les cris des deux énergumènes respectueusement rousse et blonde qu'ils se balançaient l'un au visage de l'autre en était une autre. Impossible que ces deux -là finissent par s'apprécier un jour, il le pariait sans hésiter.
En traversant le jardin des Weasley jusqu'au pauvre cabanon que l'irritable maître des potions avait réquisitionné, l'Élu frissonna. Il avait peut-être été idiot de sortir en simple chemise dans le froid d'un novembre matinal, mais bon, l'imprudence était sa marque de fabrique.
Le Grand Harry Potter ! Il avait vaincu le Seigneur des ténèbres, quel rhume oserait venir l'attaquer ?
Il ricana en se disant que si Ginny l'entendait penser présentement, il ne vivrait plus assez longtemps pour avoir le nez qui coule une fois de plus. Si Hermione l'entendait aussi, d'ailleurs.
Sa meilleure amie... il arrivait toujours pas à se faire à l'idée qu'elle était enceinte. Même en fixant longtemps son ventre rebondi sans cligner des yeux, ça lui semblait toujours être une vaste blague.
Ceci dit, leur vie entière et actuelle lui semblait être une vaste blague. Non parce que, la fin du monde, ça lui semblait pas trop le meilleur moment pour que sa sœur de cœur lui annonce qu'il allait être tonton.
Elle était sa future belle-sœur aussi d'ailleurs, désormais. Comment il avait fait pour ne rien remarquer entre elle et Fred ?
Il savait que ce n'était pas le cas, certes, Hermione avait toujours été la plus intelligente de la bande, mais Harry n'en était pas stupide pour autant - pas tout le temps.
Il savait que ce n'était pas le cas, mais, il avait l'impression d'être passé à côté de sa vie, de qui elle était réellement, de ne presque pas la connaître au fond. C'était sa meilleure amie, c'était sa sœur, c'était une inconnue, c'était "désolé mais vous pouvez repasser, vous avez loupé ce qu'il fallait voir."
Alors il essayait, il essayait vraiment de se rappeler, de se remémorer leurs années d'école, de chercher s'il n'y avait pas des détails qu'il aurait pu voir, des choses qui auraient lui mettre le louchkroum à l'oreille si seulement il n'avait pas été trop préoccupé par ses devoirs de gamin de la prophétie et ses plaies d'orphelin et ses chimères à combattre.
Et okay il devait arrêter de répéter les expressions de Luna, ça faisait peur.
Non mais vraiment aurait-il pu comprendre si et seulement s'il s'était intéressé de plus près à sa meilleure amie, s'il l'avait regardé un peu plus souvent et arrêté de la voir simplement.
Il savait, il savait qu'elle était forte qu'elle avait toujours pris sur elle et puis toujours encaissé les coups, elle était là quand Ron vacillait, elle était là quand lui-même s'effondrait, et quand leur trio souffrait, c'était encore elle qui les tenait à bout de bras.
Harry était incapable d'imaginer sa vie sans elle ni Ron, mais... Avec le recul, en ayant su dans quoi il les embarquait, peut-être qu'il aurait préféré ne jamais les rencontrer. Les combats, la guerre, les luttes, les problèmes, les tortures, l'enfance sacrifiée, l'innocence massacrée, la vie tâchée à jamais, tout ça ils ne le méritaient pas.
Pas plus que tous ceux qui avaient combattu à ses côtés, les membres de l'Ordre, ceux qu'ils avaient perdu et pleuraient encore.
Mais Ron au moins, il avait cette facilité de se plaindre, de s'exprimer. Quand il n'allait pas bien, Harry le savait, peut-être un peu trop parfois, mais il savait.
Hermione elle avait ce défaut ridicule de croire qu'elle pouvait toujours tout seule, qu'elle n'avait pas à embêter les gens avec sa vie et tout garder pour elle. Elle était trop sérieuse, trop enfermée dans la peur de déranger, dans la peur de gêner, dans toutes les peurs qu'elle avait de ne pas être à la hauteur, du regard des autres ou de ne pas être une sorcière assez légitime en fin de compte. Il l'avait toujours su. Seulement, il pensait que si elle avait eu des problèmes, elle serait venue lui parler, qu'elle lui faisait confiance, qu'elle se serait confié.
Alors ouais, peut-être qu'il aurait dû remarquer un peu mieux les sourires, les œillades dans la Grande Salle, les messes basses échangées, les vannes durant leurs vacances au Terrier, la manière qu'Hermione avait de l'engueuler quand lui et ses inventions foutaient le bordel dans la salle commune des Gryffondors.
Parce qu'au diable Voldemort et les mondes à sauver, il était son frère alors, ses amours, même ses amourettes de jeunesses, parce que ses peines de cœur, il devait être là pour les partager, la faire sourire, se faire mal au ventre de concert en s'empiffrant de Chocogrenouilles et autres sucreries et puis dénigrer l'idiot qui l'aurait abandonné. Partager ses joies aussi bien sûr mais pas que.
Parce que Harry n'avait de cesse de se dire que s'il avait su, s'il avait su peut-être alors, lorsque Fred avait fini dans le coma il se serait rendu compte, il aurait pu l'aider, l'aider mieux, et le début de grossesse qu'elle avait pratiquement vécu seul, il aurait pu l'aider aussi...
Il avait rien vu, il pensait être son meilleur ami. Il était beau le meilleur ami.
Il s'en voulait tellement.
Il comptait vraiment se racheter, il ne savait pas encore comment.
Avec un soupir, il poussa la porte du cabanon reformé de Rogue, la tanière de Chauve-souris version XXL, les effluves entêtantes de potion à vous donner la nausée en cadeau.
Le quarantenaire le plus grognon que la terre eut porté se tenait fidèle au poste derrière un des établis -un énième semblait-il- qu'il avait installé. Savoir comment il pouvait préparer autant de potions de parfaite qualité sans jamais se tromper dans leurs exécutions plus complexes les unes que les autres restait un mystère pour Harry. Même en ayant eu son vieux bouquin de cours dans les mains, scandaleusement gribouillé de partout, et en connaissant le palmarès qui avait amené Dumbledore à faire du très jeune homme qu'il était à l'époque son professeur de potions titulaire.
"- Potter.
- Bonjour Professeur. " le brun avait eu le droit à un vague hochement de tête, c'était là une salutation des plus joyeuses, venant de l'homme taciturne et aigri en face de lui. Il était de bonne humeur aujourd'hui ? Il allait lui annoncer la mort de quelqu'un ? Peut-être l'avait-il fait venir pour ça, ça pouvait sembler logique, après tout.
Comme l'ancien Mangemort semblait plus intéressé à la découpe d'il ne savait quel ingrédient étrange qu'à engager la conversation, Harry pris sur lui de commencer.
"- Donc vous vouliez me voir pour... ?" l'autre releva la tête, cligner des yeux, le fixa comme s'il avait déjà oublié sa présence depuis un moment avant de grimacer, pas très enchanté.
"- Ah oui. Je voulais vous donner un petit quelque chose, prenez le flacon brun ambré sur mon bureau je vous prie. " Rogue s'arrêta pour le fixer alors que le jeune homme essayait de se frayer un chemin dans tout le capharnaüm d'objets entassés pêle-mêle qui était censé tenir lieu d'atelier de travail. Même la Salle sur demande aurait peur, à ce niveau-là.
"- Sans vouloir être indiscret, quelle en est l'utilité Professeur ?" l'homme sombre eu un rictus que Harry interpréta comme de la fierté.
"- Normalement, si ma formule est au point et que je ne me suis pas trompé dans mes théories et mes calculs de proportions, ce qui me semble d'ailleurs impossible soit dit en passant, cette potion devrait vous permettre de déceler les traces de magie noire en rentrant dans une pièce. On ne voudrait pas que la tragique histoire de Miss Lovegood se répète." Harry hocha la tête en soupesant le flacon dans sa main.
"- Et comment ça fonctionne ?
- Il suffit de vaporiser.
- Combien de fois ?
- Une seule ! " il lui sembla un court instant que Rogue était des plus sastifait de lui offrir son regard préféré à savoir le regard de "Vous n'êtes qu'un sombre idiot Monsieur Potter." Il ajouta, semblant admettre une explication nécessaire, ou vouloir lui prouver son intelligence supérieure à la sienne, au choix. " La magie noire laisse bien plus de traces que de la magie blanche. C'est le propre de chaque énergie subversive. C'est moins le cas de la magie blanche qui a tendance à être une extension de la magie primitive. Bref, détecter de la magie noire c'est bien plus simple.
- Alors une vaporisation et on saura si il y a un piège, comme par magie ?
- Comme par magie ? Potter bon sang vous avez besoin de combien de temps pour comprendre que vous êtes bel et bien un sorcier ? Mais oui c'est ça." grogna l'homme mûr. L'homme mur, ça marchait aussi pensa le jeune adulte, parce que lui parler, l'approcher c'était un peu l'effet que ça faisait.
"- Bien merci pour la potion et euh... les informations. Je peux y aller ?" il avait déjà tourner les talons, prêt à disposer et quitter cette tanière pour aller se préparer.
"- Non ! ... Enfin je veux dire, si bien sûr vous pouvez mais... Comme il vous reste un peu de temps avant votre mission... J'avais pensé que peut-être nous pourrions... Continuer notre discussion là où nous l'avions laissé l'autre soir...
- Alors vous ne fuyez pas ? Vraiment ?
- A l'évidence Potter." le presque encore môme balafré s'était déjà empressé de s'asseoir sur une chaise, tout sourire, l'engageant à commencer de parler.
Severus soupira, fixa le fond de son chaudron une seconde ou deux, y versa un ingrédient supplémentaire et entreprit d'en mélanger le contenu, avant de commencer à parler, sans regard son invité.
"- Les quelques mois qui ont suivit notre première après-midi, celle où je lui ai parlé pour la première fois. Les quelques mois avant tout, avant Poudlard, c'était les meilleurs mois de ma vie. " il lança une oeillade noire à Harry l'air malgré tout énervé de devoir s'épancher, de se montrer faible et sentimental devant le morveux de son pire ennemi, devant le fils de la femme qu'il aimait... " On passait notre vie dans cette foutue clairière, à courir, à rigoler, adossé au grand chêne, alongés dans l'herbe, chahutant dans la neige... Avec elle je me sentais... Je me sentais au bon endroit, aimé pour qui j'étais, j'avais pas besoin de faire semblant d'être quelqu'un d'autre, quelqu'un que je n'étais pas. Elle était profondément altruiste, elle ne pouvait même pas s'empêcher de distribuer de la joie partout, et de croire en tout le monde même quand il n'y avait rien à croire, et toujours positiver, toujours garder espoir, toujours se satisfaire de ce que la vie offrait. Elle adorait répéter à qui voulait l'entendre que le jus de citrouille avait beau être bon, si la vie vous donnait des citrons autant fallait-il en faire une limonade. J'ai jamais trop compris cette phrase, mais elle la disait sans cesse. Et puis, elle avait un grand coeur, je ne sais pas si on vous l'a dit...
- On me l'a déjà dit." approuva le jeune homme.
"- Je suis idiot, évidemment qu'on vous l'a dit. Quand ils vous ont tous parlé de votre mère. Tout le monde le disait, tout le monde la connaissait, tout le monde a dû vous seriner combien elle avait un coeur énorme... Mais ils le disaient... Ils le disaient parce qu'ils l'avaient observé de loin et parce qu'il fallait le dire, ils savaient pas vraiment ce qu'ils disaient. Personne ne connaissait vraiment Lily au fond...
- Même pas vous ?
- J'aurai aimé vous répondre oui Potter.
- Mais ?
- Mais j'ai été un idiot avec elle." Harry mordilla sa lèvre.
"- Vous pensez que ça aurez été différent si..." il pensait à ce qu'il avait vu dans la pensine, le jour de la Bataille. " Si... Vous savez... Si vous ne lui aviez pas dit... Est-ce que les choses auraient pu être différentes... ?
- A quoi pensez vous Potter ?" Harry savait très bien à quoi il pensait. La question était tellement agressive qu'elle lui bouffait les lèvres pour sortir. Il secoua la tête. Non.
"- Je sais pas trop. Qu'est-ce qu'il s'est passé... Je veux dire, quand vous êtes arrivés à Poudlard ?
- On avait passé le temps à discuter de cette rentrée. Depuis le jours où on avait reçu nos lettres, en passant par celui où elle nous avait accompagnée, Mère et moi sur le chemin de Traverse. On était surexcités, quitter notre quartier fade bondé de Moldus, intégrer une école de sorcellerie, vous ne vous rendez pas compte c'était... C'était la chance ultime qu'on nous offrait pour la toute première fois de nos vies de mômes de pouvoir explorer enfin qui nous étions réellement, avec des gens qui nous ressembleraient et nous comprendraient.
- Je me souviens ce que je ressentais avant ma première rentrée. J'étais mort de peur parce que tout ça était nouveau pour moi mais, j'avais l'impression que j'allais renaître en arrivant dans cet endroit mystérieux, c'était trop beau pour être vrai, tout ça... Je me sentais béni, presque." Severus lui offra un mince rictus.
"- Oui, c'était un peu ça. Je me souviens dans le Poudlard Express, la discussion endiablé qu'on avait tenu sur nos futures répartitions en maisons. Elle était persuadée qu'elle finirait à Gryffondor, j'étais d'accord et même si ça n'avait pas été le cas, elle souriait tellement j'aurais été incapable de la contredire. Et puis je le pensais aussi. Moi, on pariait que je finirai à Serdaigle. Elle avait babillé avec sa voix de gamine quelque chose comme " Sev' t'es le plus intelligent de nous deux, je vois pas où tu pourrais finir sinon là-bas." ... Le plus intelligent... Je sais pas, j'étais pas sûr, il y avait tellement de chose que je comprenais moins bien ou moins vite qu'elle. Le monde lui semblait être d'une simplicité enfantine à chaque instant, ça en devenait presque agaçant. Au final, elle avait raison... Elle a Gryffondor, c'était couru d'avance, elle était prête à me protéger envers et contre tout, de tous les dangers, y a que les gens fous dans votre genre qui sont capables d'une telle abnégation, sur ce point là vous lui resemblez comme deux gouttes d'eau, vous n'imaginez pas à quel point. Quand à moi par contre et bien... Tu sais tout comme moi que j'ai pas fini à Serdaigle... Elle avait souvent raison, mais pas toujours...
- Vous ne vouliez pas finir à Serpentard, Professeur ?" il secoua la tête.
"- Pas vraiment, non. Je connaissais leur réputation et... Les idéaux associés à cette maison. C'était deux raisons de trop pour ne pas vraiment faire partie intégrante de leur club de fan. J'étais un Sang-mêlé après tout... Et... Je voyais pas quelle place j'aurai eu là-bas. Lily... J'ai vu son regard lorsque le Choixpeau a beuglé mon résultat. Elle a toujours tout fait pour ne pas me juger et les guerres de maisons c'était pas son truc, mais... elle était... elle semblait... déçue... " Rogue peinait à se souvenir de ça, c'était visible, mais alors qu'il allait reprendre ses mots, éparpillés pêle-mêle devant lui, un chaudron attira son attention.
Il était assez rapide dans sa façon de se mouvoir pour une chauve-souris blasé. Bon cela dit, le chaudron qui crépitait en faisant ce même bruit que les bulles qui éclatent lui offrait une porte de sortie des plus sublime.
Harry sourit, posa ses mains sur ses cuisses pour se redresser et lui adressa un signe de tête bien que l'autre homme était affairé à jeter des ingrédients à une vitesse incroyable dans le chaudron qui dégageait une lueur verdâtre.
"- Je vais y aller Professeur, vous savez ce qu'on dit, la fin du monde n'attends pas. On reprendra cette discussion la prochaine fois.
- Oui. " Harry attrapa le flacon de potion que Rogue lui avait donné au début et s'en alla, avant de se figea dans l'embrasure de la porte en attendant la voix de Rogue le héler.
"- Oui Professeur ?
- Tâchez de ne pas mourir aujourd'hui, Potter.
- Bonne journée à vous également."
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