Chapitre - 3

 Le bruit de ses talons qui claquaient l'asphalte bétonné à un rythme régulier était bien la seule chose à venir rompre le silence inquiétant qui planait dans l'air comme un oiseau de mauvaise augure. 
Le lieu avait peut-être été vidé de tous ces anciennes sentinelles ( ce fut une des toutes premières mesures de Kingsley dès le début de son mandat), il n'en resait pas moins qu'avec ou sans Détraqueurs, Azkaban demeurait le repère noir de la Folie, la Folie avec un majuscule. Et le moindre prisonnier là-bas perdait sa santé mentale en à peine quelques mois si ce n'était pas moins. 
En ajoutant à ce fait que la prison contenait désormais la quasi-totalité de la population des Mangemorts ( si on omettait de compter ceux qui restaient en cavale), cet endroit avait de quoi faire paniquer le même le plus vaillant des Gryffondors. 


Pourtant, à la grande surprise du Professeur McGonagall - elle même peinant quelques peu à rester aussi sereine qu'à son habitude - son ancienne élève s'avançait à ses côtés tout aussi impassible qu'à l'ordinaire. Si ce n'est son teint un peu plus blanchâtre depuis la traversée en bateau, elle ressemblait bel et bien à la studieuse Hermione Granger qu'elle connaissait et qu'elle avait toujours connue. Elle était parfaitement normale. 

Enfin... Normale... Il fallait sans doute le dire vite. Car, seule la longue cape noire qui recouvrait la quasi totalité de son corps permettait de masquer le ventre rond, qui dénotait étrangement et sortait de l'ordinaire.

Hermione Granger était enceinte. Enceinte à seulement 19 ans ! Mère à seulement 19 ans ! En vérité, si il y avait bien une élève qu'elle n'avait jamais soupçonné de se retrouver dans cette situation, c'était bien elle. 
Et pourtant... Par Merlin ! Les brillantes études ! La brillante carrière ! 
L'ascension de l'échelle ! Toutes ses capacités, tout ce talent... Jetés... Oubliés... Remisés au placard... 
Enfin si ça se trouve, McGonagall n'aurait sûrement pas le temps de s'apitoyer sur ce gâchis... Le monde n'existera sûrement plus d'ici quelques mois tout au plus... Alors... 


"-Professeur..." l'élève en question interrompait le cours de ses pensées.  " Vous ne voulez toujours pas dire qui vous m'emmenez voir ? 

- Non Miss Granger... En effet. Ce ne serait pas une bonne idée... 

- Mais pourquoi ? 

- Parce que vous le connaissez Miss. Parce que vous ne le connaissez que trop bien et que savoir son nom ne fera que vous mettre dans un à-priori négatif qui pourrait beaucoup nous coûter et entacher l'esprit de négociations que je vous serait gré d'adopter en dépit de tout le reste." 

Hermione acquiesça, bien qu'elle trouvait l'idée légère. C'était un Mangemort, un criminel, un prisonnier qu'elles allaient voir. Elle l'avait déjà l'à-priori négatif bon sang ! Un simple nom ne pourrait probablement pas l'empirer ! Ce manque d'informations ne l'aidait pas à comprendre clairement ce qu'on attendait d'elle. 

"- Expliquez moi au moins pourquoi nous allons le voir. 

- Je vous l'ai déjà dit. Pour négocier. Il est probable qu'il possède des informations qui nous serait fort utile. 

- Mais hormis ça ? 

- C'est chez lui qu'on a retrouvé les Cahiers Perdus, Miss. Je suppose que cela devrait vous aider à comprendre la démarche... "

Avant qu'elle ne puisse prendre le temps de questionner son ancien professeur d'avantage sur le sujet, deux des Aurors qui gardaient la prison vinrent à leur rencontre. Le premier prit la parole d'un ton bourru : 

"- Excusez ma question mais... Vous foutez quoi ici au juste ? " la directrice de Poudlard haussa les sourcils par dessus ses lèvres pincées mais s'abstint de tout commentaire sur l'impolitesse flagrante de son interlocuteur. 

"- Bien le bonjour à vous aussi... Nous sommes ici à la demande du Ministre. " elle lui tendit une lettre cachetée sans s'arrêter de parler. " Nous venons voir le détenu B666 " 

Les deux gardiens l'observèrent quelques secondes, figés dans leur parfaite immobilité, avant de grogner quelque chose contenant les mots "bataille explosive" et de tourner les talons, leur intimant de les suivre. 

Hermione se retint, grâce à l'éducation de petite fille bien élevée qu'elle avait reçu durant sa prime enfance, d'afficher combien elle était exaspérée. Sa curiosité poussait sa patience dans ses ultimes retranchements, et ses hormones en totale liberté depuis quelques mois maintenant n'étaient pas du genre à calmer le jeu. 
Le Mangemort qu'elles allaient voir... Qui était-il à la fin ? Elle savait juste qu'elle le connaissait et que son matricule était "666". 666... Comme le chiffre satanique... Le chiffre du diable... 

On leur fit monter les étages, traverser de nombreux couloirs, et quelques quartier d'incarcérations, ou Hermione tenta tant qu'elle pouvait de faire abstraction des bruits, de ce qu'elle entendait, de ce qu'elle pouvait voir... De toute cette atmosphère sinistre et poisseuse qui l'entourait, l'étriquait, l'étouffait... 

Les cris des prisonniers résonnaient de partout, se répercutaient sur les murs bétonnés des couloirs. 
Et leurs voix rauques ! Leurs voix éraillées, mortes, douloureuses d'avoir trop hurlé de mots sans queues ni têtes juste pour rompre le silence. Toutes ces phrases, à avoir été si souvent répétées, elles s'embrouillaient, s'emmêlaient, jusqu'à ne former plus qu'un flot de paroles amassées et confuses, dénuées du moindre sens possible, même avec beaucoup d'imagination. 

Souvent, les mots étranges se coloraient de quelques gargouillis informes et inhumains, comme ceux d'une bête à l'agonie. 
Peut-être bien que ces prisonniers n'avaient jamais eu la moindre once d'humanité en eux, mais désormais, la question ne se posait plus. 

Hermione avait baissé la tête, tentait tant qu'elle pouvait de se concentrer sur le bruit de ses chaussures qui claquaient le dallage abimé. D'une main, elle caressait affectueusement son ventre par dessus sa cape, de cette habitude un peu niaise, et qu'elle avait trop vite pris. 
Son ancien professeur à ses côtés était dans le même état, si ce n'est la main en moins. 
Ca aurait fait mal à leur fierté de Gryffondors d'avouer leur malaise, et leurs angoisses, mais les yeux des détenus étaient comme des plaies béantes ou ne subsistaient que la peur de s'y noyer. 

"- On y est." lança le gardien d'une voix morne après ce qui semblait des heures. 
Il sortit sa baguette prêt à lancer les sorts qui leur permettraient tantôt de rentrer dans la cellule, par delà les barreaux. Il grogna qu'elles avaient à se presser - "de toute évidence cet homme avait un emploi du temps de ministre et il n'avait pas toute sa journée", aurait clamé les deux rouquins diaboliques avec une ironie perçante -. 

"- Je conçois. Une partie de carte durant ses heures de garde est somme toute une chose importante. Bien, nous ne serons pas longues. Miss, votre cape je vous prie." Hermione prit une fraction de secondes pour comprendre que McGonagall lui demandait de relever sa capuche, de sorte à cacher et d'une part son visage, et d'autre part son identité. 
Alors qu'elle s'appliquait à l'action, elle put observer du coin de l'œil le gardien agiter mollement le morceau de bois qu'il tenait entres dans ses énormes paluches, un air étrangement mal à l'aise sur le visage - L'Ancienne Directrice de la Maison des Gryffondors n'y était pas allé de main morte - et puis s'éclipser fissa, sans demander son reste. 

McGonagall prit juste le temps d'offrir à Hermione un dernier regard -un dernier regard empli de tant de conseils et d'autres, voilé par le peu de lumière qu'offrait le corridor de la prison-, avant de passer l'embrasure de la cellule, pour se jeter dans la gueule du loup. 

Le second gardien, par dessus l'épaule de la jeune femme, lança d'un ton gaillard et teinté d'une animosité non déguisée " Hey le monstre. T'as d'la visite. " et suivit son collègue, resté un peu plus loin à l'écart, semblant visiblement vouloir éviter l'une des deux visiteuses. 

Hermione, quand bien même supposait que le prisonnier, un Mangemort de surcroît, méritait amplement une telle considération, ne put empêcher son esprit de défense pour toutes les causes désespérées de s'indigner. 

Mais tout cela fut effacé d'un coup, d'un seul, alors qu'elle découvrait finalement l'identité de l'homme qui séjournait dans cette cellule. Un hoquet de stupeur mourut dans sa gorge alors que ce dernier relevait la tête d'un air apathique, et celui d'un patient malade qui ne considère plus la réalité avec une extrême certitude logique et rationnelle. 
Contrairement aux autres détenus, celui ci ne semblait pas se débattre comme diable, à se mettre les ongles en sang et la gorge en feu. Non, il semblait être de ceux qui se terre dans un coin en attendant la fin, sans savoir qu'elle fin, en attendant que le monde passe, que le monde entier passe, que la fin des temps arrive, ou au moins la mort. La mort comme une délivrance presque paradisiaque. 

"- Monsieur Malefoy. " il releva la tête, étonné qu'on puisse encore l'appeler autrement que B666

"- McGo' ? Sans rire ? La blague. Ils m'envoient la vieille coincée... Qu'elle originalité dans le choix de torture." la dite McGo' pinça les lèvres, accusant la réponse, refusant de sortir de ses gonds. 

La voix de l'homme paraissait bien plus rocailleuse et gutturale que dans les souvenirs d'Hermione. Le silence dans lequel il était visiblement plongé depuis des mois avait été au moins aussi fatal que si il avait passé le temps à crier jusqu'à se déchirer les cordes vocales. Son timbre n'avait plus rien d'altier, pas même le moindre petit indice qui aurait put rappeler sa grandeur d'autrefois avant sa déchéance. 

Hermione détestait ce type. Elle le détestait au moins autant qu'elle aurait put détester un humain. C'était le Mal personnifié. A vrai dire, en réfléchissant, ça n'aurait put être que lui, en y réfléchissant bien. Que lui, le Salop pour avoir mit la main sur les Cahiers Perdus, probablement lui aussi, qui devait savoir ou se trouvait la Machine maudite. 
La jeune femme comprenait mieux pourquoi son ancien professeur avait refusé de dévoiler son identité. Et d'ailleurs, si elle ne se tenait pas comme un rempart entre les deux, il y a fort à parier qu'Hermione se serait déjà jetée comme une lionne pour l'étriper à mains nues. 

 Pourtant, le voir ainsi, ainsi démuni, tombé si bas, tombé plus bas que terre, tombé en enfer, ce lieu qui s'était appelé à lui depuis sa plus tendre enfance, ne lui procurait aucune forme de plaisir. 
On avait arraché la couronne de la tête du prince, on l'avait dénudé de tous ses attributs, toutes ses formes de noblesses, tout ce qui constituait l'image qu'il s'était acharné à donner à voir. On avait poussé jusqu'à l'humilier, lui faire porter la même combinaison grise et sale que celle de tous les autres prisonniers, lui qui avait passé sa vie à se croire au dessus du commun des mortels. 
Il n'avait que ce qu'il méritait, mais Hermione était bien trop gentille pour s'en réjouir. 

"- Nous ne sommes pas là pour vous torturer Monsieur Malefoy. 

- Pourquoi alors ? 

- Nous avons un marché à vous proposer. 

- Un marché ?" il se redressa discrètement, témoignant d'un intérêt soudain qu'il semblait vouloir masquer. La vieille dame hocha la tête. 

"- Oui. Miss Granger je vous prie..." l'attention du détenu passa sur la silhouette floue jusqu'à présent restée dans l'ombre de la première, et son visage se déforma lorsqu'elle rabattit sa capuche sur ses épaules, lui prouvant par la même, la présence de la jeune femme que McGonagall venait d'appeler. 

"- Toi ?! Qu'est-ce que tu fous là ? Ce n'était pas assez que de m'envoyer McGo', il fallait en plus m'envoyer la Sang-De-Bourbe ?! 

- C'est un plaisir aussi que de te revoir, Drago. "

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