Chapitre - 26

Il y eut quelques éternités vagues d'un silence qui dansait et trébuchait sur lui-même. 

Ron le fixait la bouche ouverte, les yeux fixes, l'air de celui qui ne se souvenait même plus de son prénom. 
Devant lui, le blond ne le quittait pas du regard, certain et plein d'aplomb et prêt à le manger comme un prédateur, comme un lion défendant son territoire et sa descendance, la mâchoire intégralement serrée à en avoir mal.

Le rouquin ferma la bouche et puis la rouvrit pour la fermer un peu pus encore. Il voulait le traiter de menteur, il voulait lui balancer à la gueule sa bassesse répugnante de se cacher derrière un gamin pour couvrir la pourriture ultime et immuable de son coeur. 
Mais il voyait ses yeux, il entendait sa voix, et le souvenir de leur nuit partagée à s'ouvrir les tripes venait taper contre les parois de sa boîte crânienne comme l'écume des vagues. 

Il voulait l'accuser de mentir. Mais il ne mentait pas. Il le savait, au fond de lui il le sentait et sa lui déchirait l'intérieur parce que, l'image d'un Drago vrai, à des lieux de l'image d'ordure qu'il s'était gentiment, patiemment fabriqué, que les gens avaient fait de lui, qu'il avait laissé faire était fausse et non avenue. 
Devant lui c'était un jeune garçon frêle, plus maigre qu'avant, qui flottait un peu sous les pulls qu'on lui avait prêté. Les valises sous les yeux alors qu'il ne comptait pas partir en voyage, les lèvres un peu gercées de toujours les mâchouiller quand il se concentrait sur un bouquin de runes antiques. Ses joues mal rasées de quelques jours car il ne prenait plus vraiment le temps de faire attention à tous ces détails, lui si soucieux de son apparence de Prince, à une époque révolue. De toute façon si ils échouaient se genre de détails n'auraient bientôt plus la moindre importance. 
Mais qui était-il alors ? Qui était-il, si ce n'était le connard que Ron avait toujours cru voir en lui ? Si Malefoy n'était plus un monstre, si Drago était un humain, un humain tout comme lui alors tout se cassait la gueule n'est ce pas ? 

Ron essaya de parler, enfin, il se rappela qu'une discussion impliquait de formuler des sons, des mots, de communiquer des idées, des questions. Des questions, il en avait pleins qui lui mangeaient les lèvres, ce n'était pas bien compliqué. Mais sa voix refusa de fonctionner. L'héritier des Malefoy le fixa dans le fond de ses yeux, ses prunelles grises anthracites presque légèrement bleutées dansaient comme un orage en été, comme une tempête qui menaçait de vous détruire ou de vous embrasser entièrement jusqu'à ce que vous en finissiez trempé pareil à une nouvelle naissance. 

Si ça avait été Harry ou Neville en face, Ron aurait sut quoi faire. Il aurait souri, il aurait blagué, il aurait cherché une solution, il les aurait pris dans ses bras et serré fort et fuck la pseudo virilité à suivre, il les aurait serré pour leur rappeler qu'ils avaient une maison, un clan, une tribu une famille et qu'ils en faisaient parti et qu'ils ne seraient jamais seuls, jamais abandonnés, jamais laissés pour mort, laissés compte, laissés sur le bas côté de la route pour les offrir en pâture aux chiens sauvages, aux chiens de garde, aux créatures démoniaques dont les crocs n'attendaient que ça. 
Si ça avait été Harry en face, il aurait grogné, froncé les sourcils, tapé sur son épaule en lui rappelant pour la 100 000 ème fois qu'un problème ne se gérait pas forcément seul et qu'il n'avait pas à essayer de faire bande à part pour ne pas inquiéter qui que ce soit. Que le nom d'Élu sur son front ne signifiait pas qu'il avait à porter le poids du monde entier sur ses épaules. Et il aurait soupiré en sachant très bien qu'il aurait encore une fois de plus à tenir ce discours, que ce soit à lui ou à Hermione, parce que, ces deux idiots de meilleurs amis n'avaient jamais su partager leurs problèmes ou appeler à l'aide quand il était nécessaire, à une ou deux exceptions près que Ron pourrait probablement compter sur ses auriculaires. 

Mais là non, c'était Malefoy en face. Monsieur Drago Malefoy. Prince déchu, Sang Pur déchu, Mangemort déchu, poussière d'homme à terre. C'était Malefoy, son pire ennemi (après Voldy) encore le mois précédent. C'était Malefoy qu'il ne pourrait même plus haïr dans un peu plus d'un mois si ils échouaient parce qu'ils ne seraient même plus de ce monde pour se faire la peau avec le tranchant de leurs dents et de leurs insultes. C'était Malefoy qu'il détestait. Malefoy qu'il était censé détester. Malefoy qu'il détestait encore... 
C'était toujours un monstre, toujours une ordure, un type de peu de fois, une crapule de bas étage, un gars qui aurait pu être un humain mais qui a tout foiré. 

Mais est-ce que lui Ronald Weasley aurait pu faire mieux ? 

Il agita encore ses lèvres comme un poisson hors de l'eau, comme un idiot sans voix. Si ça avait été son ami, il aurait su quoi dire, il aurait sut quoi faire, il aurait pu rebondir. Une pinte de bière au beurre et on part affronter le monde ensemble Mec ! 
Sauf que c'était pas son ami, c'était personne. C'était le jeune homme aux cheveux de cristal qu'il taxait d'être un démon, le père de tous les maux il y avait encore quelques jours. Quelques jours avant d'apprendre ce qu'il savait désormais. Est-ce qu'il pouvait encore le traiter comme le diable incarné maintenant qu'il savait tout ça ? Et est-ce qu'il ne pouvait pas le comprendre, au moins un peu ? 

Et pourquoi, par le string à paillettes de Merlin, le Grand Drago Malefoy de ses deux n'avait rien dit plus tôt ? Pourquoi il ne lui avait pas dit ?
La réponse était simple... Parce que tout le monde ici le détestait, et parce qu'il détestait tout le monde. Et Ron en tête de liste qui passait son temps à clamer son envie brûlante de lui faire la peau. Et peut-être aussi parce que son père l'espèce de saloperie inhumaine avait passé le plus clair de son temps à lui éduquer de ne jamais faire confiance aux autres, particulièrement aux "combattants de la lumière, ces idiots qui jugent bon de brailler haut et fort une soi disant égalité factice entre tous les hommes et pensent pouvoir changer le monde à coups de fleurs et de grands sourires joyeux". 

Il aurait dû dire, il n'aurait pas dû se taire. Ils auraient pût l'aider peut-être, n'est-ce pas ? Il aurait dû leur faire confiance... 
Mais est-ce que les rôles inversés, Ron aurait fait confiance à ses pires ennemis ? Non. 

Sa gorge se serra douloureusement. 

Il était le seul à savoir tout ce que tout le monde ignorait et, dans les yeux de Drago, on pouvait voir qu'il regrettait déjà, qu'il se fustigeait de son ignoble perte de contrôle. 
Le blond expira bruyamment, pinça l'arrête de son nez, secoua la tête et quitta la pièce avant de laisser à l'ancien Gryffondor le luxe d'ajouter quoique ce soit d'autre. 

Alors Ron resta planté, là, comme un con, debout dans le salon, l'air de celui qui n'était même plus trop sûr de bien se souvenir de son prénom. 



Le dîner fut long comme d'attendre la sentence d'un procès dont on n'avait même pas connaissance des chefs d'accusation qui nous pesaient sur le dos, ni les jurés, ni la sentence. Un peu comme de fixer un sablier qui stagnait sans trop savoir dans quel sens couler. 

Il y avait trois choses étonnantes : les talents de cuisinière insoupçonnés d'Hermione, comment diable autant de personnes pouvaient tenir assises dans la salle à manger et le salon des Weasley, et comment une seule et unique petite femme enceinte pouvait cuisiner autant de fichues tartes ! C'était genre comme de la magie... Merde Ron vous êtes quoi déjà ? Ah oui des sorciers ! Idiot ! 

N'empêche, il reprendrait bien une petite part de celle à la rhubarbe... Enfin, il en aurait probablement repris si la vision de Drago en face de lui ne lui coupait pas l'appétit pour l'une des rares fois de sa vie. Leur discussion de tantôt repassait encore et encore dans sa tête et lui griffait les parois de son cerveau avec le même grincement qu'une craie sur un tableau blanc. Tiens ! Allez ! Frissonnez vous aussi ! 

En plus Lavande à côté de lui avec sa voix si mielleuse et nasillarde ne faisait rien pour arranger sa nausée, et avec le temps passant il sentait bien comme dans une demi transe la jeune fille s'agacer de ne pas sentir son petit ami pleinement réceptif à toutes ses jacasseries sans saveur. 

Il essaya de fixer son attention sur Harry et Hermione qui rigolaient, le garçon à lunettes une main posé sur le ventre énorme qui gonflait à la vitesse d'un ballon de baudruche farceur comme ceux qu'on trouvait dans le magasin des jumeaux. Il parlait des parrains pour les deux futurs rouquins pas encore nés, et dans son état normal, Ron aurait sûrement pris part à la conversation parce qu'il avait toujours adoré les enfants et que le ventre de sa meilleure amie le fascinait comme les écrans moldus qui racontait des histoires qui bougent et que Hermione lui avait déjà montré. Sans compter que, il les adorait déjà ses neveux, et on savait tous qu'il serait sans doute un des parrains ! 

Mais avec son état d'esprit déjà noir, une petite idée glacée comme un fou rire de Détraqueur rampa le long de sa colonne vertébral pour venir se nicher juste au dessus sa nuque. Et avec la fin du monde annoncée ? Ils ne naîtraient peut-être jamais... 
Ron observa la fille la plus intelligente qu'il connaissait et son grand frère juste à côté qui ne pouvait s'empêcher de lui jeter des œillades tous les trois secondes comme si chaque fois il découvrait la plus belle chose du monde. Les deux crevettes ne respirait même pas encore qu'ils étaient déjà prêts à mourir pour eux. Tous les gens dans cette pièce en fait, étaient déjà raides dingues de ces marmots, lui compris. Et même Malefoy si ce gosse stupide arrêtait de faire la forte tête, il passait peut-être son temps à clamer des horreurs et puis combien il détestait Hermione, mais il l'avait déjà surpris, en se cachant derrière la porte, à la forcer à s'hydrater pendant qu'ils travaillaient tous les deux à quelques traductions runiques des élucubrations de vieilles tarées. 

Malefoy... La fin du monde approchait... Et il avait un fils. Un fils à protéger, un fils à l'aimer, un fils en dehors d'Azkaban, en dehors du terrier, en dehors de tous ces lieux qui le retenaient toujours prisonnier. Il comprenait mieux pourquoi il se battait maintenant. Il comprenait mieux pourquoi le grand Prince avait gracieusement accepté de les aider et pour quelles raisons il avait tenu emprisonné. 

Et dire que peut-être ce fils qu'il ne pouvait même pas serrer dans ses bras allait mourir sous peu, sans qu'il ne puisse rien y faire. 

Mais comment des enfants peuvent mourir au juste ? Ron avait envie de vomir. 

Expliquez. Expliquez lui s'il vous plaît... Expliquez lui, comment on peut mettre en terre des enfants, expliquez lui comment cela est-il possible.
On parle d'un enfant, on parle d'un gosse, on parle d'un truc à peine plus haut que trois pommes et qui avait encore toute une vie entière devant lui. Littéralement une vie entière.
Alors quoi ? On demande à des parents d'enterrer ce qui venait de leur tripes, ce qu'ils s'étaient acharner à construire, à élever, à aimer ? Bien essayé mais en fait non ?

On leur dit quoi ? Soyez gentils ne pleurer pas trop, c'est triste mais c'est la Vie, ça vous mets à l'épreuve, c'est tout. Et maintenant, jetez les kleenex, jetez les souvenirs, les sourires, l'Amour, jetez tout ce que vous aviez prévu pour lui et qui ne sera jamais possible. Jetez l'espoir de le voir apprendre à lire et à écrire, les soirées devoirs compliquées ou l'on finit par s'engueuler sur les tables de multiplications, lui apprendre à monter sur son premier balai, lui apprendre à nager. Les spectacles d'écoles abominable qu'il aurait fallu dire géniaux avec un large sourire, les matchs de quidditch, les cours de judo et potions ratées. Jetez les premiers contrôles à signer, les réunions parents-profs à quitter le boulot à l'arrache pour ne pas arriver en retard, les beuglantes à envoyer pour les heures de colle dans les cachots de profs aigris, les gâteaux à faire en famille la veille de Noël et que vous ne ferez jamais, les vacances à l'étranger, les discussions en anglais - à dépoussiérer vos vieux bouquins - à vous y remettre pour l'aider. Jetez les engueulades sur tous les sujets possibles, les premiers amis, les vêtements qui seraient devenus trop petits, les cordes à sauter et les ballons de foot, les affreux cadeaux de fête des mères, les listes de fournitures scolaires, les sorties sur le chemins de traverses et les livres de sciences des créatures magiques à choisir, les stylos bic et les plumes qui auraient fini en sale état et les disputes sur les gommes dépiautées en morceaux. Jetez l'idée de lui offrir son premier cartable, son premier hiboux, de le voir prendre le train sur la voie 9 3/4 pour aller au collège pour la première fois. Jetez les premières soirées avec les meilleurs amis qui s'incrustent à la maison, les bouquins de cours qui s'entassent l'air de rien sur le bureau, les premiers boutons d'acnés, la crise d'adolescence, les premiers amours, les premiers baisers, les discussions sur le sexe, les portes ouvertes d'école supérieures, le stress des examens de fin d'années, les premières fêtes, les robes et les costumes de bal à acheter qui finiront tôt ou tard par prendre la poussière dans le placard, les premières cuites, les première fois, le permis de trans-planage réussi, le premier appart', l'envie de s'éloigner encore plus loin, l'école sup', le diplôme, le premier CV, les premiers papiers, premier impôts, premier job, première carte de crédit, le premier conjoint qu'il vous amènera à dîner histoire de vous le présenter. Jetez l'envie lancinante de le serrer dans vos bras le jour de son mariage, de l'entendre vous dire qu'il va avoir son premier enfant, de les voir courir dans votre jardin, les barbecues du dimanche avec les petits enfants, les été à les garder et qu'ils foutent votre maison sans dessus dessous, et les sorts de magies enfantines pas encore maîtrisées. Et tous les souvenirs que vous n'aurez jamais, toutes les histoires que vous ne pourrez jamais gardez en mémoire ! 
Oui, jetez tout cela, c'est inutile, ça ne sert plus à rien, c'est les cartons qu'on range à la cave, c'est les cartons qu'on planque au grenier, ça prend de la place, ça embarrasse, ne soyez pas idiot, faut faire de l'espace !

Et tant qu'on y est jetez les aussi les tétines, les compotes en gourde, les albums d'images et les bouquins de contes. Jetez les, les bodys à repasser, les paquets de couches d'avance, les biberons défoncés, les peluches en dizaines, les chaussures ridiculement petites, les bonhommes pâte à modeler aux membres tarabiscotés, les bonbons dans le placards, les gribouillis accrochés au frigo avec les stupides magnets fluo, les briques de jus de fruits auxquelles fallait mettre les oreilles, les draps de lits colorés qu'il fallait bien border, regarder en dessous si y avait pas de monstres. Et les numéros des dégnomeurs qu'il fallait appeler régulièrement pour ne pas qu'ils se blessent trop dans le jardins. Et les larmes qui vous écorchent la gorge et les fous-rires qui vous trouent le bide par l'intérieur. Toutes ces émotions qui ne servent plus à rien, toutes ces peut-être prévus de choses que vous ne vivrez plus jamais désormais.
Jetez, jetez tout ça, ça ne sert plus à rien, vous avez perdu votre fils. Vous pouvez tout aussi bien mourir maintenant, parce qu'ici bas plus rien ne vous retiens.  Parce que vous êtes vide de l'intérieur, vide du cœur, vous avez enfanté avec la chair de votre chair, avec les tripes que vous avez du cracher à lui construire le meilleur futur et maintenant votre chair n'est plus là, les organes vitaux que vous aviez créé ne donnent plus vie à rien, nourrissent les vers, et vous aussi vous êtes morts un peu. 

Comment c'est possible ? C'est un enfant... C'était juste un enfant... Ça n'avait même pas encore vraiment eu la chance de vivre putain ! 

Vous voyez, lui, il n'avait pas encore d'enfants, il n'en aurait sûrement jamais,d'ailleurs, au train où allait les choses. Il n'était même pas sûr d'être fait pour... Il était trop jeune en plus.
Il ne ressemblait pas à Fred ou à Hermione, encore moins à Drago. Il ne pouvait même pas imaginer le dixième des angoisses qui pourrissaient leur joie intérieures...
Mais ça... Vivre ça, il n'y survivrai pas.
On devient pas parents pour l'enterrer avant nous.
Ron ne pourrait pas m'en remettre, il savait.
Personne peut s'en remettre en fait. 


Il se tourna encore une fois vers Drago, qui s'efforçait de discuter un peu avec George et Fred, chose ô combien étonnante. Ron était incapable de savoir à quoi l'ancien Serpentard pensait en ce moment précis. 

Est-ce qu'il l'avait même déjà rencontré au moins une fois son bébé ? Est-ce qu'il l'avait serré dans ses bras ? Entendu ses pleurs, poser contre son cœur, imprimer les traits de son visage au plus profond de sa mémoire ? 

Il repoussa sa chaise, il allait se lever, il allait pas attendre jusqu'à ce soir. Il avait des questions à lui poser, à lui poser maintenant, il n'attendrait pas. 


Mais le Patronus d'un Lynx translucide, agonisant, presque à moitié informé fit irruption dans la pièce. 
Au début le bruit des fourchettes qui frappaient la vaisselle en retombant dans les assiettes. 

Puis Ron compris ce que le Patronus presque transparent leur criait en boucle. 

Kingsley Shacklebolt avait été attaqué. LE Kingsley Shacklebot avait été attaqué. 

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