Chapitre - 21

"- Tu sais que tu n'es pas obligé de partir chaque fois avant que je me réveille." un silence alors qu'il se figeait. " Tu le sais n'est-ce pas ? 

- Luna... 

- Neville." il se retourna pour la regarder, elle dut sentir son mouvement car elle sourit faiblement avant de répondre comme si de rien. " Quoi ? je croyais que le but de jeu était d'appeler l'autre par son prénom." 

Sa gorge était juste bien trop serré pour qu'il puisse rigoler. 

"- Luna... Ce n'est pas drôle. 

- Je trouve que si. Tu sais, ce n'est pas parce que ta culpabilité envers moi te rends malade que je vais arrêter d'agir avec toi comme j'ai toujours agi. 

- Mais je..." elle le coupa d'une voix calme, ses yeux vides dirigés vers la source du bruit, des paroles tremblantes, des gargouillis rauques ;  vers le garçon. 

"- Assieds toi." elle attendit de sentir qu'il le faisait. " Assieds toi plus proche. Je veux te sentir près de moi." elle attendit encore un peu. " Viens sur le lit gros bêta. " elle tapota l'espace vide sur le matelas près d'elle jusqu'à tant qu'il y prenne place. "  Je ne t'en veux que pour une chose tu sais Neville." 
Elle avait dit ça comme une question, mais tout bonnement rhétorique, elle n'attendait pas qu'il réponde, elle agissait comme si il était déjà censé savoir. 

Le jeune homme eut l'impression que les pierres que les récents événements avaient placé en équilibre instable dans sa poitrine s'effondraient une à une. 

Elle lui en voulait. 

La blondinette continua comme si de rien, comme si elle ne se rendait pas compte du trouble du jeune homme. Mais c'était faux, c'était faux, elle le percevait, très bien même, c'était Luna. C'était la fille qui percevait tout mieux que tout le monde et faisait semblant que ce n'était pas le cas. C'était Mademoiselle "le monde m'appartient mais je fais bien attention de rester à des années lumières". 

"- Je t'en veux de laisser les Croquemules te ronger sans rien faire." il redressa la tête qu'il avait baissé à observer encore une fois toutes les fissures de ce stupide plancher qu'il connaissait déjà par cœur. Ce n'est pas ce qu'il attendait. Pas du tout. 

"- Mais qu'est ce que...

- Tu es troublé n'est-ce pas ?" elle avait un petit rictus taquin venu étirer ses lèvres quand l'ancien Gryffondor osa la regarder. " Je sais bien que tu es troublé. Je le devine facilement. Je suis sûre que tu as cette petite ride au milieu de ton front. Tu as toujours cette petite ride qui vient y courir quand tu ne comprends pas la tournure des choses. J'aime bien cette petite ride. C'est dommage que je ne puisse plus la voir mais enfin, je m'en souviens alors ça me suffit..." elle donna l'impression de se perdre dans ses pensées. Petite Luna toujours rêveuse. " Tu devrais pas laisser les Croquemules te dévorer de l'intérieur sans te battre. Tu devrais lutter, tu dois lutter." 

L'incompréhension de Neville n'avait d'égal que la méconnaissance du monde sorcier sur le nom de ses créatures que Luna citait encore comme si elle était la seule à en avoir déjà entendu parler, peut-être c'était le cas, ceci dit. 
Elle parut s'en rendre compte. 

"- Les Croquemules sont des petites-bêtes maléfiques tu sais Neville. Elles rentrent dans ta tête et dans ta poitrine et puis elles te mangent tout ce qu'elles trouvent de toi, tout ce qu'elles trouvent de bien, de bon, de joyeux, de positif. Si bien que dès qu'il t'arrive un truc qui pourrait te rendre heureux, elles le mordent et l'avalent avant même que tu en ressentes les effets et tu es encore plus triste qu'avant. Plus tu les laisses faire et plus elles grossissent et finalement, si tu ne fais rien pour les arrêter, elles mangent ton cœur, et tu deviens comme un fantôme vide et creu et qui ne peut plus rien ressentir d'autre que la présence des Croquemules à l'intérieur de lui." il essayait de comprendre mais Luna allait plus vite que lui. 

"-... Les Croquemules représentent ma culpabilité... ? N'est-ce pas ? " son ton tremblait trop pour qu'il ne pose qu'une simple question, il n'était pas du tout sûr de lui. Mais à son étonnement, elle hocha calmement la tête pour acquiescer. 

"- Ta culpabilité de ne pas avoir su empêcher ce qu'il m'est arrivé plus précisement. 

- Alors... Tu m'en veux d'être coupable ? 

- Non bêta. Tu n'as pas suivi. 

- Tu m'en veux de me sentir coupable ?" essaya-t-il à nouveau. Et elle hocha la tête une fois de plus. 

"- Oui. Parce que tu n'as pas à te sentir responsable. 

- Mais je... 

- Non tu ne l'es pas." la jeune fille le coupa et sa voix était si dure et si sérieuse que Neville sursauta. Parce que sa petite rêveuse n'employait jamais, jamais, jamais, ce ton là. 

"- Mais... 

- Mais non. Tu n'es responsable de rien un point c'est tout. J'aurai du faire plus attention, et tu n'aurais pas pu prévoir.  C'est pas de ta faute, pas plus que de la mienne. Si ça doit être de la faute de quelqu'un c'est celle du Mangemort qui a créé et posé ça, et des Mangemorts plus généralement. Mais ça ne change pas grand chose. Tu ne dois pas te sentir coupable parce que, tu ne l'es pas, c'est le plus important, ce que tu dois comprendre. " il garda le silence alors la jeune Lovegood continua de parler. " Et même si toi ou moi l'étions, la culpabilité ne servirait à rien. Regretter et s'en vouloir pour ce qui s'est passé, ne changera pas les événements, ça ne changera que toi. Et je ne veux pas que tu changes, Neville." l'intonation soudain vacillante de Luna poussa le garçon à la regarder de nouveau alors qu'il avait arrêter pour fixer encore une fois ses chaussures et le sol, trop gêné, trop rongé. 

"- Comment tu peux vouloir ça alors que tu es aveugle à cause de moi ?" une larme coula de ses yeux vides, alors que ses poings serraient les draps à blanchir jusqu'aux jointures. 

"- Parce que IDIOT." Neville ne répondit rien, soufflé net. Il ne l'avait jamais entendu crier, il ne pensait même pas qu'elle en était capable. 

Il y eu un silence, et si les larmes qui avaient commencé de dévaler les joues de la blondes auraient fait un bruit, ça aurait été le seul bruit audible dans toute la pièce. 

Elle était juste immobile, à regarder dans sa direction sans le voir. Elle ne détourna pas la tête, ses larmes étaient ses larmes, et Luna n'en serait pas gênée. Neville les fixait qui coulaient et sans rien dire, sans même avoir le courage-lâche de détourner les yeux. 

Elle finit, après deux trois éternités sans rien dire, par reprendre la parole. 

"- Parce que le passé c'est le passé.. Je m'en contrefiche, il ne changera pas. Je suis aveugle et défigurée et je le resterai. Mais...  Le Futur il est pas encore là tu vois ? Je peux l'attendre, je dois l'attendre et le préparer, et dessiner les plans de ce que je veux qu'ils soient..." il garda encore le silence, le temps de diriger ses paroles. 

"- Et qu'est-ce que tu veux pour ton Futur ? 

- Je veux pas qu'il soit grand chose tu sais. J'aime les futurs sobres et ceux qui peuvent vous surprendre et ceux qui se gardent tout le luxe de vous surprendre là où vous ne l'attendiez pas. Je veux juste qu'on s'en sorte de tous ces problèmes, la Machine tout ça. C'est peut-être beaucoup de demander mais je veux qu'on survive. Et je veux rencontrer les bébés d'Hermione et Fred aussi. J'ai hâte de voir les meilleurs parents qu'ils feront et de rigoler avec eux entre amis de leurs angoisses et leur erreurs. Du reste, je ne veux qu'une seule chose de plus. 

- Laquelle ? 

- Un pronom possessif." l'ancien Gryffondor la regarda sans comprendre, et ça lui fit un coup au cœur quand il se rappela qu'hausser simplement les sourcils ne servait plus à rien, elle ne le voyait pas. Mais avant qu'il se soit raclé la gorge pour poser la question, elle continua. 

Elle attrapa sa main sans vraiment devoir chercher à tâtons, comme si ça lui était instinctif de la retrouva même dans le noir. Elle tint sa main et fermement pour le rassurer, pour pas qu'il n'ait peur, pour ne pas qu'il s'enfuit encore. Même si c'est elle qui pleurait. 

"- Juste le mot "nôtre". Il sonne un peu bizarre, mais j'aime bien ce mot. Et puis il veut dire beaucoup de choses. Il promet tellement de merveilles. 

- "Nôtre" ? 

- Oui Neville. Nôtre  futur, nôtre  couple, nôtre  maison, nôtre  petit nid d'amour, nôtre  lit pour dormir et s'embrasser et s'étouffer de fous-rires dans les discussions matinales et les discussions tardives, aussi. Nôtre  canapé pour lire, et poser ma tête sur tes jambes quand je commence à m'endormir. Nôtre  salon pour recevoir nos amis, Nôtre  cuisine pour manger ensemble et s'éclabousser l'un l'autre en faisant la vaisselle. Nôtre  jardin pour planter des fleurs, et pique niquer en été. Et pourquoi pas pique-niquer en hiver aussi ? Nôtre  balançoire magnifique et nôtre  chien toujours joyeux à sauter partout, et nôtre  enfant aussi. Quoi que... Nos enfants peut-être. 

- Luna... 

- J'aime bien quand tu prononces mon prénom ? J'aime bien comme il glisse sur ta langue. Est-ce que je te l'ai déjà dit ? C'est beau quand c'est toi qui m'appelle. Et puis aussi, jusqu'à présent, c'est la seule façon que tu m'aies donné d'être sur tes lèvres. J'aurai préféré que tu m'embrasses mais comme tu ne le fais pas, je me contente de ce que tu me donnes." elle avait sa voix rêveuse, et un sourire grand comme un croissant de Lune. 

Il n'arrivait même plus à respirer. Plus à réfléchir. La discussion qu'ils avaient eu juste avant l'attaque... 

L'ancienne Serdaigle s'amusait à tracer des lignes sur la main du jeune homme de la pulpe légère de ses doigts, presque comme un vol d'oiseau stationnaire. 

"- Luna tu... 

- Je t'aime Neville Longdubat. Ce n'est pas si compliqué. Tu le saurais depuis longtemps d'ailleurs, si tu m'avais demandé. Mais tu as peur de tes sentiments, je le sais, je ne dirai rien. Je suis patiente, j'attendrai que tu te rendes compte que si ton cœur à choisi que j'étais l'élue, le mien à décrété que tu étais "le seul et le bon" également. Si tu penses que je suis celle qu'il te faut, sache que je pense que tu es celui qu'il me faut. 

- Luna..." elle éclata d'un petit rire de lutin, son rire habituel. 

"- Non. Ne te fatigue pas à parler, t'en es pas capable pour le moment est c'est pas grave, c'est bien comme ça, comme ça aussi. Juste... Les potions qu' Hermione et Rogue me donnent pour me soigner font bien leur travail et je sens que je suis en train de me rendormir. Fais moi une faveur s'il te plait Neville. Ne pars pas. Reste avec moi pendant mon sommeil, on parlera à mon réveil. Ne t'en fuis pas cette fois-ci. 

-... Je... D'accord. 

- Bien, très bien." la blonde lui offrit un sourire à travers les brumes du sommeil qui la récupéraient déjà. 

Il tenta de se lever pour aller se rasseoir sur sa chaise, mais elle retint fermement la main qu'elle lui avait volé. Il la fixa sans comprendre, elle dut percevoir son trouble, sourit un peu plus alors qu'elle s'endormait clairement. Elle tira de nouveau sur cette main si grande en comparaison de la sienne, pour le pousser à s'allonger à côté d'elle dans son petit lit de malade. 

Neville arrêta définitivement de respirer lorsque ses côtes touchèrent le matelas. Mais la jeune fille à côté de lui ne lâcherai pas sa main. 

Il s'installa comme il pût, maladroitement, le plus important était de ne pas la blesser, la gêner. La jeune fille cette fois véritablement endormie vient se coller tout contre lui instinctivement, cherchant sa chaleur, et poussa un soupir d'aise quand elle rencontra son torse, faisant trembler le jeune homme. 

Il hésita immobile, et fini par cesser de lutter contre l'idée, par passer une main dans ses jolis cheveux blonds. Un geste tendre, les lui caresser pendant son sommeil. 


... Il avait failli une fois certes, et comme le pire des incapables. 
Mais il n'échouerait pas deux fois à la protéger. 

Non. 

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