Chapitre 7.2 : Yume
Teki leva soudainement le bras et tous les Miliciens sans exceptions levèrent leurs fusils dans la direction de Yume. Surpris, ce dernier leva immédiatement les bras en signe de reddition, ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait. Ils n'allaient pas tirer sur lui tout de même ? Il n'avait rien fait de mal ! Mis à part découvrir le plus gros secret de Seven mais... Une minute ! Se pourrait-il que Teki soit au courant ? Cela ne l'étonnerait même pas, au vu du temps incroyable qu'il passait avec le dirigeant de l'Élite !
– Épéiste Yume, reprit le brun sur un ton confiant, fier des paroles qu'il s'apprêtait à annoncer. Vous êtes en état d'arrestation pour tentative d'assassinat.
A partir de cet instant, tout se passa extrêmement vite pour Yume. Il adorait cela, la précipitation qui amenait généralement à une course poursuite ! Mais jamais il n'aurait pensé un jour être la pourchassé, la cible...
Réfléchissant plus vite qu'à l'ordinaire – ses sens de combats s'étant immédiatement éveillés –, Yume essayait de recoller les morceaux. Accusé de... tentative d'assassinat ? Mais c'était complètement absurde ! Envers qui ? Il n'avait pourtant fait de mal à personne ! Même s'il mourait d'envie d'envoyer certains dans le Royaume Cauchemardesque, jamais l'idée de tuer quelqu'un ne lui viendrait à l'esprit ! Essayer encore moins ! Cette déclaration farfelue était totalement ridicule ! Qui irait inventer une histoire pareille ? Tuer des monstres passait encore – ils étaient nocifs pour l'humanité – mais des humains, jamais !
Alors que Teki s'apprêtait à entrer dans son appartement, forçant le passage, Yume réagit immédiatement à cette tentative d'intrusion dans son espace privé ; il fit basculer la bibliothèque se trouvant juste à côté de l'entrée, parvenant ainsi à empêcher les membres de l'Élite de le rejoindre. Mais cette petite barricade ne tiendrait pas bien longtemps face aux membres de l'Élite, Yume le savait, et il lui fallait dorénavant fuir le plus vite possible ! Pas question de se rendre aussi facilement sans même essayer de se sauver !
Dans le but de s'enfuir, le jeune Épéiste s'empressa d'entrer dans sa chambre et de nouveau barricader la porte, à l'aide son lit cette fois-ci. Cela ne tiendrait pas bien longtemps, mais qu'importait, il devait gagner du temps pour partir de cette prison qui était autrefois son propre foyer.
Yume se précipita vers sa fenêtre. Celle-ci, lorsque l'on se penchait vers le bas, menait directement à un marché, ouvert tous les jours de l'année et vingt-quatre heure sur vingt-quatre. Une chance, le jeune homme pourrait profiter ainsi de la foule pour se fondre dans la masse et donc espérer semer un temps ses traqueurs.
Juste en dessous de sa fenêtre était disposé un stand. Un toit en toile avait été posé juste au-dessus de l'étal, pour protéger de la pluie. « Il aura une autre fonction aujourd'hui ! » pensa Yume en son fort intérieur. Il se trouvait seulement à quelques mètres en dessous de sa fenêtre, aucune chance pour qu'il se fracture une cheville en sautant de cette hauteur.
Entendant que Teki – ou les Miliciens – tentaient déjà d'enfoncer la porte de sa chambre, Yume pensa qu'il s'agissait du bon instant pour sauter. C'était maintenant ou jamais ! Sans trop y réfléchir davantage, le jeune homme ouvrit sa fenêtre et bondit par dessus le rebord. Dans sa chute, bien que très rapide, le blond entendit plusieurs personnes crier, sans doute de surprise. Personne ne s'attendait à voir quelqu'un sortir de chez lui en sautant du haut de sa fenêtre !
Yume atterrit comme il l'avait prévu sur le toit en toile du stand. Cependant, celle-ci se déchira à cause de la vitesse à laquelle le jeune homme avait chuté. Cela, par contre, ce n'était pas prévu !
Le marchand poussa un cri de terreur en voyant Yume étalé sur sa marchandise. Des fioles de magie, rien que cela ! Heureusement, mis à part les dégâts causés au niveau du toit, rien de grave ne semblait à déclarer. La magie était, par un pur un miracle, restée bien en place dans leurs fioles, et ces dernières n'étaient même pas fissurées ou brisées, rien ! Mais le marchand de magie noire – parce qu'il n'y avait que des sorts de magie noire dans ces flacons – ne semblait pas très enchanté de voir un jeune homme débarquer à l'improviste dans son stand, et par le toit qui plus était !
– Non mais dites donc vous ! Je ne vous dérange pas trop ?
Yume, toujours affalé lamentablement sur le sol, leva les yeux vers le marchand. Ses pupilles firent la rencontre d'une silhouette plutôt petite, comprenant un énorme ventre grassouillet. C'était assez étrange, car ses bras ainsi que ses jambes semblaient plutôt squelettiques en comparaison avec son estomac ! Comme si la graisse ne s'était développée uniquement qu'au niveau de son ventre ! Le marchand arborait également un grosse moustache blanche lui cachant une partie de la bouche. Ses yeux violets regardaient sévèrement Yume, et ce dernier n'avait pas besoin d'être un magicien pour lire l'expression de son visage : « Je vais vous tuer si vous ne partez pas d'ici immédiatement ! »
– Je... euh... Pardon ! Vraiment ! bafouilla le jeune homme qui n'avait pas le temps pour des civilités.
Yume se redressa sur ses pieds d'un bond et fouilla dans une des poches de son short noir. Il tendit au marchand une petite liasse de billets bleus.
– Tenez, deux cents Néos pour les réparations. Encore désolé !
Yume sauta d'une main par dessus le comptoir du stand et reprit sa course, arrachant quelques cris de surprise et de consternation de la part des passants. Le marchand de magie noire le regarda partir, les yeux plissés, sidéré par l'attitude de cet étrange garçon. Deux-cents Néos ? Mais cet enfant était un ange tombé du ciel ! Les réparations ne lui coûteraient rien du tout : il en avait plusieurs, des toiles de rechange, et son étal n'avait même pas été abîmé durant la collision ! Le vieux bonhomme eut la légère l'impression d'avoir abusé de la gentillesse de ce jeune homme, sur le moment...
****
Yume continuait toujours de courir. De plus en plus vite. Grâce à ses séances d'entraînement hors du commun pour devenir un Épéiste, il y était habitué, à tenir ainsi la cadence, et heureusement ! Mais d'ordinaire, dans ce genre de situation, il avait le rôle du poursuivant, pas du poursuivi ! Le jeune homme essayait de ne pas trop réfléchir, même s'il mourait d'envie de comprendre pourquoi est-ce qu'il courait actuellement pour sa vie, car sinon son pas de course ralentirait et il se ferait rapidement rattraper. Il ne savait même pas vers où il se dirigeait ! Le blond prenait des rues un peu au hasard, espérant semer le trouble dans les troupes ennemies et ainsi avoir une chance de sortir de la ville. Oui, voilà, c'était ce qu'il devait faire. Yume devait quitter Fikternand au plus vite. Cette ville demeurait beaucoup trop dangereuse pour lui désormais. C'était comme rester coincé dans la gueule du loup sans jamais pouvoir en sortir !
Yume prit à droite lors d'une énième intersection. Grave erreur. Il atterrit dans une rue assez étroite comportant beaucoup de passants malgré l'heure avancée. « Pourquoi il y a autant de monde ? » s'interrogea le jeune homme dans ses pensées. Il zigzaguait entre les Fikternandiens, essayant de ne pas les bousculer du mieux qu'il le pouvait. Il percuta malheureusement quelques passants sans le faire vraiment exprès, et s'attira ainsi sans le vouloir les foudres de leur colère.
– Hé ! Tu peux pas faire un peu attention ? hurlait un.
– Sérieusement, les jeunes de nos jours ! criait un autre.
Mais Yume continuait sa route, sans prendre en compte les insultes qu'on lui lançait. S'il s'arrêtait maintenant, il était fichu ! Au loin, le meilleur ami de Fileya pouvait entendre les lamentations des Miliciens qui eux n'étaient pas parvenus à surpasser cette marrée humaine. Il fallait dire que leur lourde armure ne leur facilitait pas vraiment la tâche.
La rue déboucha sur la place principale de Fikternand, celle avec la fontaine représentant la Déesse en son centre. Yume aperçut la maison de Fileya, juste à quelques pas de lui. Peut-être devrait-il aller la voir, lui demander de s'enfuir avec lui. Mais il se ravisa bien assez tôt et chassa cette folle idée de sa tête. Il ne voulait pas mêler sa meilleure amie à cette histoire. Elle était déjà trop impliquée à son goût, et lui infliger la fuite de leur Royaume ne l'enchantait pas. Yume ne pouvait se permettre de mettre la vie de Fileya en danger. Ce problème avec l'Élite, il le réglerait seul.
– Il est là ! hurla soudainement la voix d'un Milicien tout proche.
Yume fit volte-face et remarqua avec effroi que les soldats de l'Élite avaient réussi à le suivre jusqu'ici. Le jeune homme lâcha un juron entre ses dents. Ne parviendrait-il donc jamais à les semer ?
Il envisagea alors de se rendre à l'autre bout de la place, la sortie de la ville se trouvant dans cette direction-là. Mais il se ravisa soudainement en voyant que des Miliciens barraient également cette voie. Cette fois-ci, Yume en était parfaitement conscient, il complètement fichu ! Il n'avait aucun moyen de passer la barrière que formait les Miliciens sans avoir recourt à la violence. Yume refusait de faire du mal à des êtres humains, mais cette fois-ci, il n'avait pas le choix. Le jeune homme ne pouvait pas laisser l'Élite gagner si facilement, sans même qu'il essaie de se défendre un minimum face à eux. Yume essaierait de faire de son mieux pour ne pas tuer ces hommes. L'idée de les blesser ne lui plaisait pas non plus, mais c'était l'avenir du Royaume tout entier qui reposait sur ses larges épaules, et il se devait de protéger son Royaume, non pas car il en avait fait le serment en entrant dans l'Élite, mais parce qu'il aspirait à un monde en paix.
Yume fit apparaître magiquement son épée dans une gerbe d'étincelles dans sa main droite à contre-coeur. Il ne s'en prendrait pas à ceux se trouvant derrière lui. Juste les hommes qui lui barraient la route. Limiter les dégâts serait son objectif premier.
Tandis qu'il étudiait la meilleure stratégie à employer, une minuscule balle passa juste à côté de son oreille gauche. Le sifflement qu'émit celle-ci lui glaça le sang. Ils n'hésiteraient apparemment pas à lui tirer dessus, eux ! Ces Miliciens n'avaient aucun sens de l'humanisme !
– Baisse ton arme ! ordonna l'un d'eux, à l'arrière.
Notant les fusils levés dans sa direction, Yume constata qu'ils profitaient de ce moment de confusion pour se rapprocher petit à petit de lui, effectuant des pas lents et calculés, magnifiquement coordonnés entre eux. Que c'était beau, le travail d'équipe ! Ou pas tellement que cela dans cette situation-là...
Yume réfléchissait à la vitesse de l'éclair, chose inhabituelle venant de sa part. Que faire pour parvenir à passer les défenses des Miliciens sans les tuer ou au minimum les blesser ? Les soldats s'approchaient de plus en plus, ils n'étaient plus qu'à une dizaine de mètres.
Ses yeux se tournèrent alors vers la fontaine. De l'eau... Que pouvait-il faire avec... ? Ses sourcils se froncèrent de concentration, tandis que ses pupilles turquoise passaient sans arrêts des hommes face à lui à l'étendu aqueuse à proximité. « Mais oui bien sûr ! », s'écria-t-il en son for intérieur. Il venait de trouver un plan, qu'il espérait infaillible et non prévisible par ses adversaires. Si cela fonctionnait... Les Miliciens ne s'en sortiraient qu'avec quelques séquelles, rien de plus.
Le jeune homme attendit patiemment que ses ennemis soient assez proche de lui avant de tenter quoi que ce soit. Ils avançaient. Ils y étaient presque. Yume sentit subitement la pointe d'un fusil contre son dos. Sur le coup, il sursauta, ne s'attendant pas à ce contact soudain. Le blond leva les bras en signe de reddition, sans pour autant lâcher son épée.
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