Chapitre 5.2 : Astrid

 Son rêve ne s'acheva pas là.

Astrid se trouva de nouveau dans un espace noir. Elle regarda tout autour d'elle. Rien. Juste du noir. Infini de noires ténèbres mais aussi de néant. Aucun son. Aucune image. Juste du néant. Des ténèbres à l'état pur.

La jeune fille essuya ses larmes d'un revers de bras. Les images de cette petite fille la hantait encore, et sans doute la hanterait-elle pour toujours. Ce genre de vision ne s'effaçait malheureusement pas d'un simple claquement de doigts. L'horreur restera présente un bon moment, à tout jamais.

Tout à coup, une forme se matérialisa peu à peu devant Astrid. Elle ne semblait pas très grande. Entourée d'un faible halo de lumière blanche, il s'agissait de la même petite fille, celle qui était morte sous ses yeux. Mais ses iris avaient de nouveaux changés de couleur, retrouvant leur éclat verts émeraude une fois encore. Ce devait forcément être la même fille. Même cheveux blonds. Même robe blanche. Même âge. Seuls les yeux contredisaient cette hypothèse. Peut-être avait-elle une sœur jumelle ? Enfin, pas tellement jumelle puisque les yeux dénotaient. C'était une autre possibilité.

Astrid serra les poings de rage et détourna son regard, honteuse de se retrouver face à elle.

– Je suis désolée, lâcha-t-elle presque dans un murmure. Pour ne pas avoir pu te sauver je veux dire...

– Tu ne pouvais rien y faire.

La petite fille lui adressa un sourire bienveillant. La brune sentit un certain poids s'enlever de ses épaules. Mais elle s'en voulait toujours. Il s'agissait de son rêve, alors pourquoi n'avait-elle rien pu faire pour empêcher cela d'arriver ?

– Non, tu ne pouvais rien faire.

Astrid écarquilla les yeux. Venait-elle réellement de lire dans ses pensées ?

La petite blonde eut un léger rire amusé face à sa réaction. Elle s'attendait à ce qu'elle réagisse de la sorte. N'importe qui le ferait.

– Je t'ai montré mon passé, lui expliqua-t-elle sur un ton qui se voulait doux. Pour que tu sauves ce qui doit être sauvé.

– Pour que je sauve... ce qui doit être sauvé... ? répéta la lycéenne, les sourcils froncés, sans en comprendre le sens.

La fillette croisa ses mains derrière le dos, ce même sourire amusé toujours ancré sur son charmant petit visage d'ange.

– Ça commence. Mais ne sois pas effrayée.

Tout devint de plus en plus flou autour de la brune. La blondinette disparu progressivement, mais son sourire resta profondément ancré dans la mémoire d'Astrid.

La fin du rêve.

****

Astrid ouvrit petit à petit les yeux. Elle papillonna plusieurs fois des paupières, la lumière artificielle des néons lui piquant la rétine, tentant de reprendre connaissance.

Son rêve était terminé ? Enfin ? Plutôt un cauchemar lorsqu'elle y repensait bien !

La jeune fille se releva difficilement et s'assit dans son lit. Son lit ? Mais ne se trouvait-elle pas dans son lycée lorsqu'elle s'était endormie ? Plutôt écroulée. Alors elle devait être à l'infirmerie. Le blanc des murs qui l'entouraient lui affirmait le contraire. Mais où était-elle donc bon sang ?

– Elle se réveille..., murmura alors la voix d'une femme.

Astrid fronça gravement les sourcils en la reconnaissant. Il s'agissait de sa mère. Mila Somiar. Elle l'aperçu alors au bout de son lit, ses longs cheveux blonds encadrant sévèrement son visage ridé par l'âge mais aussi, peut-être, de l'effroi. Leur regard se croisèrent un instant. La jeune fille cru y lire de l'inquiétude dans ses grands yeux marrons chocolats. Sa mère, qui daignait enfin se soucier d'elle ? C'était une première. Dommage, mais elle arrivait trop tard.

Sa mère n'était pas seule. Avec elle se trouvait également son père, évidemment. Marius – c'était son prénom – avait posé une main rassurante sur l'épaule de sa femme. Ses courts cheveux bruns en brosse lui donnait un air négligé et désordonné, ce qui n'était pas à la hauteur de son personnage, travaillant jusque tard dans des bureaux. Personne ne l'aurait jamais cru, en le voyant ainsi. Ses pupilles noires obsidiennes, dont avait hérité Astrid, débordaient eux aussi d'inquiétude. Pour lui aussi, c'était trop tard, ils auraient dû se soucier bien avant de leur fille.

Avec eux se trouvait également Amy et... « Pot-de-Colle ». Astrid voulut protester sa présence, lui demander de partir car sa personne n'était pas voulue en plus de la rendre mal à l'aise, mais étrangement, elle se sentait comme vidée de ses forces. La jeune fille n'en fit rien savoir. Elle n'avait pas le cœur à cela.

Sa mère vint alors se placer à côté d'elle. Elle s'assit doucement sur le lit, cherchant à ne pas heurter sa fille.

– Tout va bien, ma puce ?

Mila passa une main affective dans les cheveux bruns de la jeune fille. Cette dernière lui sourit gentiment. C'était sa maman quand même, elle devait lui montrer une marque affective, même si elle savait pertinemment que sa génitrice jouait la comédie avec elle. Sa mère devait montrer son rôle exemplaire de mère parfaite puisqu'elle avait des spectateur tout autour d'elle qui l'épiait. Astrid avait juste envie de vomir face à cet attitude.

Puis ce fut au tour de son père d'approcher. Marius se plaça de l'autre côté du lit, mais lui préféra rester debout. Tout comme Mila, il adressa un regard ainsi qu'un sourire bienveillant à sa fille. Ils jouaient tellement bien leurs rôles. Ils auraient fait d'excellents acteurs. Dommage qu'ils passaient leur vie dans des bureaux, sans même prendre un petit peu de temps pour Astrid.

– Je crois, oui, répondit froidement la jeune fille.

– Tu as pleuré ? reprit Mila d'une voix faussement douce.

L'adulte essuya une larme sur la joue de la brune. Astrid fronça les sourcils. Elle avait pleuré, mais dans son rêve seulement. Les larmes versées dans le monde onirique, avaient-elles été également versées en même temps dans la réalité ? Ou alors était-ce dû à la lumière des néons dont elle n'était pas habituée ? Astrid n'en savait rien.

– C'est rien, dit-elle, un mauvais rêve.

La jeune fille s'essuya les yeux d'un revers de bras, honteuse de savoir que tous avaient assisté à sa peine, dont elle seule comprenait le sens. La mère adressa une dernière étreinte à son enfant avant de se tourner vers Amy et « Pot-de-Colle ».

– Vous voulez sans doute lui parler sans qu'on ne soit dans vos pattes.

Mila se releva et lança un regard à son mari qui lui indiquait qu'ils devaient laisser les enfants tranquilles. Main dans la main, les adultes sortirent de la pièce, non sans avoir lancé un dernier regard attendrissant à leur fille.

– Tu nous as fait drôlement peur, tu sais ! s'exclama Amy qui avait pris la place de sa mère sur le lit. François aussi avait peur pour toi tu sais !

Astrid fronça les sourcils. « François » ? C'était qui, celui-là ? Elle comprit au moment où sa meilleure amie adressa un sourire à « Pot-de-Colle ». Alors c'était ça, son prénom. Il fallait dire qu'il collait parfaitement à son style vestimentaire. « Aussi moche et laid que lui ! » pensa perfidement la brune. Elle pouvait être vraiment mauvaise, parfois.

– On est devenus un peu plus proches, continua Amy, car on s'inquiétait tous les deux pour toi.

Astrid hochait lentement la tête de haut en bas. Elle n'en avait rien à faire en réalité. Cependant, un détail lui échappait. Comment avaient-ils pu devenir aussi proches en seulement quelques heures ?

– Combien de temps j'ai dormi ? se risqua Astrid, sentant que la réponse ne sera pas celle qu'elle pensait.

La jeune fille s'attendait à une chose comme environ deux heures ou un petit peu plus. Mais sa présence à l'hôpital l'inquiétait tout de même sur la durée de son sommeil. Ce sentiment s'intensifiait à l'annonce de la proximité nouvelle entre Amy et François.

– Une semaine, répondit la blonde de but-en-blanc.

Astrid écarquilla grand les yeux de stupéfaction. Venait-elle réellement de dormir sept jours d'affilés ? Pas étonnant qu'elle soit branchée à cette horrible machine qui faisait « bip bip » à la vitesse des battements de son cœur !

J'en faisais tout un plat pour une minuscule petite semaine. A l'époque, sept jours me paraissaient énormes ! Maintenant, une semaine me semble bien court. Toi même tu sais. Combien de temps s'est écoulé dans mon monde ; et combien s'en est écoulé dans le tiens ? La vérité c'est que je n'en sais rien. Je n'ai pas fait de réel calcul. Avec toi, le temps me semblait comme arrêté. Une éternité qui pourtant me filait doucement entre les doigts au fur et à mesure que notre quête avançait. Elle me manque, cette éternité. Je finirai bien par la rattraper. Et cette fois-ci, je te promets de ne pas la laisser filer. Un jour...

Astrid ne fit cependant aucune remarque sur le temps incroyablement long qu'elle avait gaspillé à dormir. Quoiqu'elle préférait cela plutôt que de passer ses journées clouée sur une chaise à écouter le baratin incessant de ses professeurs ; et cela peu importait la matière. Ce n'était pas une réelle perte de temps, au final.

– Je me suis occupée de tes cours, t'en fais pas pour ça ! ajouta Amy, le regard devenu soudainement plus pétillant.

La brune lui sourit gentiment, pour ne pas lui dévoiler le fond de sa pensée, qui se résumait à cela : « Je m'en fous royalement. »

– Merci, c'est gentil, répondit-elle en se grattant nerveusement l'arrière de la tête.

Astrid fut étonnée par ce geste. Jamais elle n'avait fait cela auparavant. Peut-être parce qu'elle n'avait jamais été gênée ? La jeune fille ne savait pas vraiment ce qu'il se passait actuellement dans sa vie. Si elle commençait par être étonnée à chaque nouveau geste qu'elle faisait, elle n'était pas encore sortie de l'auberge !

– Je t'ai apporté des fleurs, déclara alors François resté muet jusque là.

Effectivement, Astrid ne l'avait pas remarqué tout de suite, mais sur sa table de nuit reposait, silencieux, un magnifique bouquet de roses rouges. Elles étaient également accompagnées d'une grosse peluche de type nounours au pelage clair. Celle-ci semblait d'ailleurs toute douce au toucher. Le nounours portait autour de son cou un large collier rose avec un cœur en terme de pendentif où il était inscrit les lettres suivantes : « I Love You ».

La brune comprit instantanément que le nouvel ami d'Amy ressentait encore des sentiments à son égard, ce qui la mit extrêmement mal à l'aise de nouveau. Savoir qu'il avait passé une semaine entière à son chevet l'angoissait un petit peu également. Qui savait ce qu'il avait essayé de lui faire ? Peut-être s'était-il senti l'âme d'un prince charmant et qu'il l'avait embrassée durant son sommeil ! Non, là, elle partait un peu trop loin.

Et puis, la peluche ne venait peut-être même pas de lui. Autant il s'agissait juste d'un cadeau de ses parents, ou même d'Amy, pourquoi pas !

– Elles sont jolies, dit Astrid, feignant l'ironie.

– C'est vrai, elles te plaisent ?! s'enjoua François en souriant de toutes ses dents, dévoilant ainsi ses affreuses et dégoûtantes bagues. La peluche aussi, elle est de moi !

Astrid se contenta d'un petit rire gêné. Finalement, elle venait vraiment de lui, cette peluche. La jeune fille la trouvait affreuse, au bout du compte. Elle la revendrait bien gentiment sur internet.

Une infirmière entra quelques minutes plus tard dans la salle. Elle était vêtue d'une simple blouse verte pâle, et ses cheveux bruns étaient attachés en une queue de cheval basse. Les rides visibles aux coins de ses yeux et de ses joues témoignaient d'une certaine gentillesse. Son petit sourire collé au visage également.

– Je suis désolée, dit-elle avec sympathie, mais les visites sont terminées pour aujourd'hui.

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