Chapitre 3.1 : Fileya
Ce qui caractérisait le mieux Fileya ? Son incroyable beauté. Il n'était pourtant pas rare de croiser une belle créature dans l'immense cité portuaire qu'était Fikternand, mais Fileya dépassait sans doute même les plus sublimes d'entre elles, et de loin ! En dépit de son jeune âge – à peine quinze ans – la jeune fille ressemblait déjà à une déesse.
Ses longs cheveux blancs et soyeux, très souvent attachés en un chignon haut sur le côté droit de sa tête, attirait le regard de plus d'un. Elle parvenait à les nouer grâce à un ruban rose qu'elle enroulait autour de ses boucles. Celui-ci était par ailleurs tellement long que deux bouts pendaient sous sa coiffure, se déposant bien souvent délicatement sur son épaule dénudée. Mais cela ne la dérangeait pas. Au contraire, ils lui conféraient un petit effet mignon qui la rendait d'autant plus jolie et coquette. Et puis, quand la jeune fille s'ennuyait ferme, elle aimait bien s'occuper les doigts avec ce doux bout de tissu.
Ses yeux, quant à eux, étaient sans doute ce qu'il y avait de plus étrange chez Fileya. Il émanait de sa pupille droite une étincelle aussi sombre qu'un calot de sang, tandis que son iris gauche brillait pareillement que les rayons éclatants d'un soleil d'été en azimut. N'importe qui pouvait rester des heures à contempler ses yeux, deux perles bicolores scintillantes telles des étoiles.
Pour finir, la robe que portait Fileya ressemblait légèrement aux tenues japonaises traditionnelles que portaient les femmes. Longue, rose, elle ne comportait aucunes manches. Deux larges bouts de tissus blancs raccrochés à son obi rouge autour de sa taille (qui se terminait dans son dos en un gros nœud flamboyant) lui cachaient la poitrine. On pouvait également deviner une partie de son soutient-gorge noir, dans son dos et sur les côtés, entre deux plis du tissu blanc. Même si sa robe à proprement parler n'avait aucunes manches, Fileya avait pris le soin d'y ajouter deux larges bouts de tissus blancs, dont les extrémités déteignaient sur une couleur rose pastel, petit rappel de sa jupe de même teinte.
Pour finir, Fileya portait des bottes rouges plutôt simples, bien adaptés à la marche cependant. Mais la simplicité lui allait à merveille ! Même si la jeune fille s'était retrouvée habillée de sacs poubelles, rien ne pouvait empêcher les regards de se poser sur elle.
Tout chez Fileya avait de quoi séduire un inconnu au premier regard. Et cela l'agaçait. Elle n'aimait pas attirer le regard des autres sur elle, car cela l'oppressait grandement, car elle savait les pensées qui traversaient les esprits à ce moment-là. Les femmes la détestaient pour sa beauté surnaturelle, tandis que les hommes appréciaient grandement la vue d'une telle créature.
Même si cela ne lui plaisait guère, la jeune fille devait vivre avec ; Fileya était née sublime, et elle le resterait sans doute en grandissant.
****
Assise autour de la table disposée en U dans l'immense salle de réunion, Fileya écoutait sans vraiment faire attention de quoi la discussion posée en retournait.
Les Anciens de son peuple avaient insisté pour tenir une réunion sur l'avenir de Fikternand qui, selon eux, allait très mal. Mais la jeune fille n'en avait que faire. De son point de vue, les affaires de la ville ne la concernaient pas. Ceci n'était pas de sa branche, pas de son domaine, il fallait laisser cette question aux adultes, aux dirigeants du Royaume d'Onyrik. Pourtant, elle se trouvait bien là, assise, à participer à ce débat des plus ennuyants, sans qu'elle ne comprenne un fichtre mot de tout ce charabia politique et administratif.
Fileya entendait vaguement les plus jeunes dénoncer un manque d'activités touristiques dans la capitale, tandis que d'autres affirmaient que la ville était moins attractive à cause de la Forêt des Hiboux qui regorgeait de monstres. Quoi qu'il en soit, les membres de la réunion étaient tous en accord sur un point : la population fuyait drastiquement vers Aristofée, le Royaume voisin, gouverné en majorité par les Elfes. Fileya ne pouvait que comprendre d'un point de vue totalement théorique cet exode : elle avait lu et vu dans de nombreux ouvrages des représentations d'Aristofée, et cette contrée était décidément bien plus belle et mystique que ne l'était Onyrik. Elle semblait moins dangereuse, également, car les monstres ne semblaient pas proliférer comme ici.
Malgré tout, Fileya avait bien rapidement renoncé à écouter un traître mot de plus, prétextant dans son for intérieur que tout ce débat ne la concernait pas.
Le domaine de Fileya, c'était plutôt l'Invoquation. La jeune fille adorait les meurs et les coutumes de son peuple : à partir d'un certain âge, les Invoqueurs acquéraient l'autorisation d'entreprendre la découverte du monde, dans l'espoir de tomber sur un Hybride et de l'adopter. Ou plutôt capturer, car ces créatures étaient, pour la plupart, loin d'être très dociles.
Un Hybride, c'était une sorte de créature qui pouvait prendre une forme différente selon l'espèce – soit humanoïde, soit animale. Ils dégageaient une aura qui leur était propre, que les Invoqueurs, comme Fileya, pouvaient ressentir. C'était grâce à cette espèce d'odeur magique que le peuple des Invoqueurs parvenait à repérer un Hybride qui se trouvait dans un périmètre proche. Ils arrivaient ainsi, après des négociations plus ou moins houleuses et difficiles, à apprivoiser la créature mystique.
Le seul Hybride que possédait Fileya à ce jour était un petit chat au pelage bleu nuit qu'elle avait depuis sa plus tendre enfance, qui répondait au nom de Neko. Elle l'avait obtenu bien par hasard, grâce à son meilleur ami qui faisait du bénévolat dans une association pour animaux en détresse. Pris pour un chat ordinaire, l'ami de Fileya l'avait trouvé dans une rue de Fikternand, et l'avait rapporté à l'Invoqueur. La petite fille qu'elle était à l'époque était parvenue à sentir pour la toute première fois l'âme magique de l'Hybride en dépit de son jeune âge, et avait demandé conseil à son mentor pour parvenir à l'apprivoiser. Depuis, Neko et elle étaient inséparables !
Généralement, le rôle d'un Hybride consistait à aider son propriétaire dans les tâches difficiles, notamment dans les combats face aux créatures démoniaques du Royaume. Mais ils pouvaient tout aussi bien servir de compagnie, comme c'était le cas de Neko, le petit chat de l'adolescente. Mais ces derniers n'étaient pas toujours très utiles en combat, bien qu'ils savaient tout de même se battre !
Fileya sentit soudainement ses paupières se fermer. Réalisant qu'elle piquait du nez à cause de cette réunion barbante qui semblait ne pas s'en finir, elle lutta de son mieux pour ne pas céder à la tentation du sommeil. Mais c'était une tâche ardue. S'ennuyait-elle à ce point ?
La jeune fille releva systématiquement la tête. Pas question de montrer à qui que ce soit qu'elle s'ennuyait ferme ! Qui savait ce que les Anciens en penserait, par la suite ? « Fileya n'écoute rien ! Fileya s'en fiche de nous ! Fileya ci ! Fileya ça ! » Pas question de passer pour une fainéante alors qu'elle représentait le plus jeune espoir de son peuple ! Il était vrai de dire que, dans cette salle, Fileya était la plus jeune de tous les Invoqueurs, du haut de ses quinze ans...
Sentant comme une pique désagréable au niveau de sa nuque, Fileya claqua sa langue d'agacement. Machinalement, son regard vint tout à coup se poser sur la personne assise juste en face d'elle.
Teki. Il s'agissait d'un jeune homme d'une vingtaine d'années environ. Fileya ne connaissait pas son âge exact, et cela ne la préoccupait pas le moins du monde. Comme elle, Teki possédait des yeux de couleurs différentes. Le gauche, vert, possédait l'éclat d'une émeraude. Le droit, de couleur bleue, semblait refléter toute la beauté de l'océan au moment où le soleil était au plus haut dans le ciel, au zénith. Ses cheveux noirs, coiffés vers l'arrière, le faisait paraître un peu plus âgé et lui conférait un air assez strict qui ne donnait clairement pas envie de converser avec lui. Cet homme était vêtu d'une longue veste bleue marine à col haut. Teki l'avait refermé au niveau de son cou, ce qui renforçait son côté autoritaire, en plus de sa posture complètement droite et solennelle.
Fileya ne savait pas trop quoi penser de cet homme. Elle n'avait jamais réellement discuté avec lui, et elle n'en voyait aucunement l'intérêt de le faire. D'autant plus que la jeune fille n'aimait pas la façon dont il la regardait : comme tous les autres hommes qu'elle croisait. Le regard admiratif, plein d'amour – ou plutôt de désir. C'était exactement ce qu'il faisait en ce moment même, et la jeune Invoqueur sentit un frisson de dégoût, d'effroi, et d'humiliation parcourir tous les membres de son corps, jusqu'à redresser les poils des ses avants-bas et sur sa nuque.
Fileya détourna son regard, espérant que Teki en ferait de même. Mais elle savait que ce qu'elle souhaitait était peine perdue. Il ne la lâcherait pas de sitôt. Elle frémit à nouveau de dégoût. Elle avait encore plus hâte désormais que cette affreuse réunion touche à sa fin !
Les yeux de Fileya se posèrent alors sur un autre homme, si situant juste à côté du brun. Celui-ci, elle le connaissait parfaitement. Pour rectifier : toute la cité de Fikternand connaissait cet individu.
Il était grand, presque trop pour être classé dans la catégorie des Invoqueurs. Fileya s'était très souvent demandée s'il ne descendait pas d'un croisement entre deux peuples, celui des Invoqueurs et des Géants. Ses deux yeux jaunes, à l'image de l'iris iridescent de Fileya, semblaient lire dans votre âme et brûlaient d'une lueur inquiétante. Qui savait ce qui pouvait bien se passer dans la tête de ce singulier personnage ?
Il possédait des cheveux blancs cascadant droitement au-dessus de ses épaules, aux reflets très argentés. Deux mèches rebelles et fines lui tombaient devant son large visage aux traits étrangement fins, mais incroyablement charmants. Sa mâchoire carrée attirait sur lui les regards des femmes curieuses, et son côté ténébreux et toujours renfermé sur lui-même ne faisaient qu'attiser son penchant mystérieux.
Malgré la ressemblance capillaire entre Fileya et ce grand homme, la jeune fille savait pertinemment qu'ils n'étaient pas de la même famille, tous les deux. Comment pouvait-elle l'affirmer ? Tout le monde dans ce pays connaissait l'horrible histoire de cet homme.
Ce dernier venait du même peuple d'Invoqueur que Fileya. Il se disait qu'il faisait partie d'une fratrie de sept frères, lui étant le petit dernier. A l'heure d'aujourd'hui, personne ne savait où étaient réellement passés le reste de sa fratrie. Certains racontaient qu'ils avaient fui le pays, laissant derrière eux leur petit frère, alors trop jeune pour les suivre dans leur folie. D'autres pensaient qu'ils étaient morts durant une chasse à l'Hybride – l'un des plus puissants qui soit –, une véritable tragédie. Mais seul cet homme savait la vérité, et il se gardait bien de la révéler. Aucune marque de son passé n'était visible, que cela soit dans l'attitude de l'homme, ou bien même dans les archives des Invoqueurs.
Mais qui savait ? Peut-être bien qu'un jour, la vérité éclaterait au grand jour ? Chacun possédait de sombres secrets qu'ils se refusaient à révéler, le but même d'un secret, en somme. Fileya, elle, n'avait rien à cacher. Du moins... pour l'instant en tout cas.
Personne ne connaissait le véritable prénom de ce géant. Il aimait tout simplement se faire appeler Seven, en écho à son rôle de septième frère dans sa fratrie.
Cet homme était respecté dans tout le Royaume mais aussi ceux voisins, pour une raison importante : il était le dirigeant de l'Élite, l'organisation en charge de surveiller Fikternand, ainsi que les villages alentours, et le Royaume d'Onyrik tout en entier.
L'Élite contrôlait parfaitement tout, et il semblait que Seven était le seul homme à sa tête. Bien sûr, il avait Teki à ses côtés pour le seconder (d'où sa présence dans cette pièce bien qu'il ne soit pas un Invoqueur, lui), mais il n'avait pas un rôle aussi important que son supérieur. Teki avait pour charge de diriger les armées, en plus de son propre escadron, sur le terrain en cas de guerre et représenter son maître lors de voyages d'affaires dans les Royaume voisins.
Fileya aussi faisait partie de l'Élite, mais d'une façon différente. Elle était un Invoqueur, ces personnes ayant le don d'apprivoiser les Hybrides, miracle que seuls les membres de son peuple pouvait accomplir. La jeune fille ne savait pas très bien en quoi avoir un tel pouvoir pouvait servir pour le bien du pays, mais elle se devait de rester ici. Si du jour au lendemain, Fileya venait à se désister de ses fonctions au sein de l'organisation, refusant de rester dans l'Élite, elle aurait interdiction de pratiquer des Invoquations sous peine d'être accusée de hors-la-loi. Pour rien au monde Fileya ne souhaitait connaître la sensation de ne plus se sentir chez soi, d'être bannie, traquée. Aussi suivait-elle les ordres sans rien dire, de peur de subir un châtiment trop lourd qu'elle n'était pas certaine de pouvoir supporter.
Seuls les membres de l'Élite avaient l'autorisation de pratiquer la magie, et invoquer les Hybrides était considéré comme tel. Les sorts de magie, qu'ils soient noirs ou blancs, n'étaient pas autorisés au reste du peuple, de peur de répéter les erreurs du passé.
Cependant, les Humains normaux naissaient généralement sans pouvoirs magiques, à l'exception de quelques cas isolés. Les autres peuples, comme les Invoqueurs, les Elfes, ou encore les Fées, en étaient plus sensibles. De ce fait, il s'était progressivement mis en place au fil des ans un marché de magie, qui proposait de vendre pour un prix exorbitant des orbes de pouvoirs magiques créés en laboratoire et destinés aux Humains sans pouvoirs.
Même si cette pratique avait fait polémique et débat pendant un certain temps dans l'enceinte de l'Élite, cette violation de loi était bien rapidement passée à la trappe. De plus en plus de marchands vendaient leur magie, des fois même dans la capitale en signe de provocation. Dépassée, l'Élite n'était finalement par intervenue pour une raison évidente : les sphères de magie étaient vendues à un prix bien trop coûteux pour que le bas-peuple parvienne à s'en emparer aussi facilement.
Seven, qui venait de finir de parler, déplaça son regard vers celui de Fileya, se sentant sans doute observé par cette dernière. Instantanément, la jeune fille baissa les yeux. Elle n'aimait pas rencontrer son regard à lui en particulier, parce qu'il y avait cet éclat si déroutant dans le fond de ses pupilles ensoleillées qui la mettait mal à l'aise. Cependant, même la tête baissée, l'adolescente sentait son regard perçant sur elle, et cela la déstabilisait profondément.
Fileya sentit ses joues devenir rouges, tandis qu'elle serrait ses poings sur ses cuisses, priant intérieurement pour que la réunion s'achevât au plus vite.
– La réunion d'aujourd'hui est terminée, annonça subitement une voix gutturale.
Un vieil homme octogénaire, avec presque autant de rides sur le front qu'il comptait d'années, se leva lentement, et il fut bien rapidement imité par ses confrères.
Fileya connaissait bien ce dernier. Il s'agissait de River, le plus vieux des Anciens de son village et peuple d'Invoqueurs et en cela, il était fortement respecté au sein de l'Élite. River n'avait presque plus aucun cheveu sur la tête et il souriait tout le temps, ce qui rendait bien souvent son entourage de bonne humeur. Ses petits yeux jaunes pétillaient constamment d'enthousiasme, et Fileya ne se souvenait pas de n'avoir jamais rien vu ternir leur éclat.
River était bien souvent vêtu d'une longue soutane verte et blanche – les couleurs portées par la plupart des Invoqueurs – aux longues manches recouvrant une majeure partie de ses mains toutes ridées par les âges, qui disparaissaient derrière les nombreux plis du vêtement. Le vieil homme avait enroulé une longue écharpe rouge et or autour de son cou raide ; les couleurs de son pays natal, la Cité des Invoqueurs, dont il ne restait aujourd'hui que ruines.
Fileya aimait beaucoup ce vieil homme. À la disparition prématurée de ses parents, River l'avait recueillie chez lui, et lui avait donné toute l'éducation nécessaire pour qu'elle puisse devenir une Invoqueur digne de ce nom, loin des enseignements qu'apportait l'Élite. Fileya était ainsi différente des autres Invoqueurs formés dans l'enceinte de l'organisation, et n'avait pas besoin de porter le tenue obligatoire des apprentis.
Cependant, lorsque l'adolescente atteignit l'âge d'entrer dans l'Élite, elle devint un peu plus autonome, et dépendit de moins en moins de son vieux mentor. Fileya eut alors son propre appartement et quitta le domicile du vieux River. Mais cela ne l'empêchait pas de retourner de temps en temps chez l'Ancien pour lui passer le bonjour, ou dîner en sa compagnie. Ils étaient devenus un peu comme grand-père et petite-fille, au final.
À l'annonce de la fin de la réunion, Fileya ne se le fit pas dire deux fois. Elle se leva précipitamment, manquant au passage de faire tomber sa chaise (qui lui avait paru inconfortable durant toute la durée de l'assemblée) et fut la première à quitter la salle. La jeune fille en avait plus qu'assez de cette discussion où elle ne comprenait quasiment rien et des regards perturbants de Teki et de son supérieur. Rien que d'y songer, elle en avait encore des frissons partout dans les membres !
Fileya n'avait plus qu'une idée en tête : s'enfuir le plus loin et le plus rapidement possible de ces deux-là ! L'idée de savoir Seven ou pire encore son second à seulement quelques mètres d'elle la mettait plus que terriblement mal à l'aise.
La tête baissée pour ne croiser personne, la jeune fille ne regardait pas où elle mettait les pieds. La jeune Invoqueur ne risquait de toute façon pas de se perdre, même si elle ne visualisait pas très bien où elle se rendait : le bâtiment principal, le Quartier Général de l'Élite, de la grande cité qu'était Fikternand, ressemblait à un cercle géant. Au centre de ce disque de briques se trouvait une grande cour ouverte au public, encerclée à la manière d'un cloître. Elle servait également de parc où les personnes extérieures à l'organisation pouvaient se donner des rendez-vous, ou bien juste se promener. L'accès au reste du bâtiment n'était autorisé que pour les membres de l'Élite.
Sans le faire exprès, Fileya percuta soudainement quelqu'un. Même si la rencontre ne fut pas brutale, la jeune fille se sentit légèrement désorientée. Elle sentit ses joues devenir rouges de honte.
– Excusez-moi... bafouilla-t-elle en baissant les yeux, confuse, et profondément gênée.
Elle n'espérait qu'une chose : qu'il ne s'agissait pas de Teki ou Seven !
– Ha ! Fileya ! Je te cherchais, justement ! déclara la personne qu'elle venait de bousculer involontairement.
L'adolescente releva subitement la tête, reconnaissant immédiatement ce timbre de voix si particulier.
Le visage de son interlocuteur ne lui était pas inconnu, ce qui fit naître sur son charmant visage un sourire radieux. Il s'agissait de Yume, son meilleur ami. Comme à son habitude, le jeune homme arborait sa fameuse coupe en bataille blonde, qui le faisait paraître bien plus jeune que son âge véritable. Il semblait avoir le même âge que Fileya alors qu'il avait pourtant déjà atteint sa majorité. Ses beaux yeux bleus lagon pétillaient d'impatience. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir, et pourquoi une telle précipitation ? En tout cas, Fileya était ravie d'être tombée sur lui plutôt que sur n'importe qui d'autre dans Fikternand !
– Ça va ? T'as l'air bizarre, remarqua le blond en fronçant légèrement les sourcils, visiblement inquiet.
La jeune fille lui adressa un sourire bienveillant, puis lui expliqua qu'elle sortait d'une des fameuses réunions barbantes dont il avait le privilège de ne pas assister.
Tout comme elle, Yume faisait parti de l'Élite, en tant qu'Épéiste, une autre branche composant l'organisation de Seven, spécialisés dans les combats au corps-à-corps. D'ailleurs, son meilleur ami était l'un des plus compétents dans son domaine ! Il était le deuxième meilleur Épéiste de l'Élite, pas très loin derrière Seven et très, très loin devant Teki.
Ses compétences au combat lui valaient d'être connu dans la capitale. Surtout auprès des jeune filles qui appréciaient beaucoup sa personne, ce qui n'était certainement pas au déplaisir de Yume qui aimait lui aussi passer du bon temps en bonne compagnie. Mais jamais le jeune homme n'avait une seule fois fait montre d'orgueil démesuré parce qu'il était fort d'une part, et qu'il plaisait aux jeunes filles de l'autre.
– Et sinon, tu me cherchais ? reprit Fileya pour changer de sujet et ainsi oublier les horribles souvenirs liés à la réunion.
La jeune fille avait pris le soin de ne pas mentionner les regards de Teki et Seven durant l'assemblée, car elle savait que le blond répugnait ne serait-ce que leurs noms. Il les détestait tous deux, pour une raison que Fileya ignorait véritablement. Elle savait que Yume n'appréciait pas beaucoup les manières d'être de Teki en public, avec son air prétentieux et supérieur. Quand à Seven... Peut-être était-ce son regard troublant impossible à analyser qui le dérangeait lui aussi ?
– Ah, oui ! J'ai quelque chose à te montrer ! lui annonça-t-il, débordant d'enthousiasme. Viens !
Yume attrapa subitement sa meilleure amie par le poignet sans lui en demander l'autorisation et l'entraîna à sa suite jusqu'aux jardins publics, à l'intérieur du dôme. Il n'y avait rien de véritablement extraordinaire, là-bas. Juste deux petites fontaines de part et d'autre du parc représentant l'une un Invoqueur et l'autre un Épéiste. Sans doute deux personnalités connues, mais Fileya ne s'était jamais intéressée à l'histoire de l'Élite, bien qu'elle aimait beaucoup se renseigner sur les histoires du Royaume d'Onyrik dans les livres. Il y avait également quelques haies qui délimitaient des espaces comportant des bancs de couleurs blanc et or. Un ou deux arbres avaient été plantés çà et là, pour ajouter un semblant de verdure, mais on se savait encore dans la ville, en témoignait l'agitation encore forte au-delà des murs du Quartier Général malgré l'heure tardive. Enfin, un cloître entourait les jardins, ce qui permettait à leurs visiteurs d'obtenir un aperçu de la vie dans l'enceinte même de l'Élite.
Il était tard – environ 22H00 – donc il n'y avait pas âme qui vivait dans le parc. Pourtant, le blond insista pour qu'ils aillent se mettre légèrement à l'abri des regards. Cela étonna fortement Fileya, mais elle le suivit tout de même, gardant ses questions pour elle. Elle finirait par avoir la réponse en temps voulu, elle le savait. Elle devait juste faire montre d'un peu de patience, même si c'était compliqué.
Les deux meilleurs amis s'assirent dans un espace ne comportant qu'un seul et unique banc. Ce petit coin se trouvait sous le toit contrairement au reste du parc qui était majoritairement ouvert sur le ciel, ce qui assombrissait légèrement l'espace. C'était exactement ce dont ils avaient besoin pour discuter tranquillement, sans attirer les regards sur eux, même si rares étaient les personnes qui travaillaient encore à cette heure-ci.
Quelques personnes – que Fileya devina être des apprentis Invoqueurs – passaient de temps en temps derrière eux, mais ils ne leur adressaient aucune attention. Les ombres des apprentis renvoyées par les flambeaux dorées accrochés aux parois du bâtiments tombaient avec gravité sur les deux adolescents, ce qui assombrit légèrement leurs mines fatiguées.
– Alors, qu'est-ce qui se passe ? demanda Fileya, qui n'hésitait plus à faire déborder son impatience.
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