Chapitre 2 - Alyss remonte la pente (6)
Le compte à rebours se poursuivit. Porte 8. Porte 7. Porte 6. Nouveau point de contrôle. C'était le terminus réservé aux travailleurs, qui permettait d'accéder à l'usine et à la mine de magnite, situées au cœur du tell. Ce soir, aucune équipe ne descendit de la rame pour assurer la troisième rotation du jour. Pas de bips de sortie ni d'entrée émis par les validateurs. Mais tout à coup, deux Cycones se présentèrent, et avec eux le souffle glacé du métal refroidi. Alyss n'en n'avait jamais vu d'aussi près. Chacun retint sa respiration tandis que les deux miliciens commençaient leur inspection, fusil chargé, visière baissée, quincaillerie de connexion en sustentation derrière leur crâne. Leurs casques s'allumaient en vert, à chaque scan valide, alors qu'ils visaient les biopuces individuelles des occupants du train. Mais un claquement de bottes en tixtane interrompit le rituel de contrôle. Un passager se retrouva sous les feux de leur suspicion :
— Toi ! Ouvre ta caisse et vide-la par terre!
Cette voix synthétique interpella Alyss sur ce qui pouvait encore faire de ce Cycone un être humain. Le voyageur s'exécuta et déversa le contenu de sa boîte à outils sur le sol. Des éclats verts s'allumèrent à mesure que le milicien examinait les objets : gants, pics, lampe rechargeable, instruments divers. Son binôme tenait en joue les autres voyageurs dans un mouvement circulaire. Personne n'osait bouger et encore moins parler. Alyss commença alors à sentir ses genoux trembler. La lumière resta subitement fixée au rouge quand le regard dissimulé du Cycone s'attacha à un petit boîtier noir.
— C'est quoi, ça?
L'interpellé garda la tête baissée, les mains sur le sol. La sueur commença à goutter de son visage. Le Cycone lui remonta le menton avec le canon de son arme. Le silence était pesant, mais personne n'osait s'interposer. Alyss ne contint plus les grelottements de peur qui la secouaient. Elle s'appuya aussi discrètement que possible contre la paroi de métal pour se soutenir. Le contact soudain de ses paumes sembla transmettre ses tremblements à la rame, qui s'agita comme une bête piquée par un taon. Les soubresauts du wagon surprirent tout le monde, certains en perdirent même l'équilibre. L'homme à la caisse à outils profita des secousses pour saisir le boîtier noir et le brandir en direction des Cycones. Clic. Les lampes magnec vacillèrent pendant une demi-seconde.
Un grilleur. Plusieurs reliés à proximité de la scène saisirent leur tête entre leurs mains en gémissant de douleur. Les deux miliciens, quant à eux, tombèrent lourdement sur le sol, pris de convulsions magnéciques. Des costauds se précipitèrent alors sur les soldats et arrachèrent, à l'arrière des casques, les câbles de l'holoscan et du système de translation des profils personnels. Les membres et têtes furent également sectionnés à l'aide des pics et des marteaux. Alyss, fascinée, resta à observer ce spectacle macabre. Les coups portés contre les armures semblaient s'éterniser, repris par leurs échos lugubres dans la station déserte. Ils ne cessèrent que lorsque les articulations furent complètement déchiquetées par les outils. Un liquide huileux brun mêlé de rouge avait repeint l'intérieur de la rame autant que les visages.
Le dernier mineur affairé se redressa, contempla le carnage avec un rictus, puis cracha sur les corps.
Le cercle s'élargit autour des êtres hybrides disloqués. Ils ne pourraient plus faire de mal. La violence de la riposte des ouvriers avait saisi tout le monde, dans un étrange mélange d'euphorie et d'angoisse. Entre l'arrivée inopinée des miliciens dans le wagon et le massacre, quelques minutes à peine s'étaient écoulées. Les hommes le savaient désormais : ils étaient capables de tuer du Cycone. Jusqu'à les tuer tous. Un par un. Même s'ils devaient y laisser leur peau. Mais par superstition, personne ne souleva les visières pour voir quelles monstruosités composites se cachaient derrière.
Dehors, les équipes à relever sortaient du cœur laborieux du tell et accouraient vers la bouche du funiculaire. Les nouveaux arrivés se joignirent alors aux ouvriers qui évacuaient à coups de pied les deux dépouilles hors du wagon. Ils durent se mettre à plusieurs pour soulever les centaines de kilos de tixtane et planquer les corps dans un recoin de l'usine. Il serait toujours temps de les recycler plus tard.
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