Chapitre 3 : Rêverie était une femme douce...

Alaric se demandait comment elle avait fait pour ne pas avoir tant changé. Ses cheveux, d'ordinaire noirs, était désormais bleu méchés de noir. Son visage était plus pâle qu'il ne l'avait été, et elle avait un œil caché par plusieurs mèches de cheveux, laissant l'autre, d'un bleu-vert intense, l'étudier en silence. Quand elle prit la parole, il fut frappé par le fait qu'elle avait perdu le ton enjoué qui la caractérisait habituellement :

-Je sais que tu te poses des questions et que tu m'en veux sans doutes de ne pas avoir donné signe de vie, mais par pitié, évite de me faire une crise d'adolescence à ce sujet maintenant, on est légèrement dans la merde.

Le jeune homme était resté bouche bée. Il se trouvait dans une voiture conduite par un inconnu en compagnie de sa sœur disparue après avoir vu cette dernière tuer deux hommes de façon horrible. Il ne savait pas quoi penser ni quoi faire. Alors il décidait d'attendre en essayant de récupérer un minimum de sang-froid.

Rêverie se retourna sur son siège pour fixer le pare-brise arrière d'un air neutre. Elle lança d'un ton fort :

-Je ne les vois pas !!

-Et merde, grommela le conducteur, dont la voix semblait également modifiée. On fait quoi du coup ?

-On suit le plan de base, abruti !! Alaric, continua-t-elle d'un ton plus doux, je vais te demander de te baisser et de te cacher aux pieds des sièges. Surtout, tu ne bougeras pas de là jusqu'à ce qu'on te le dise, compris ?

Le jeune garçon hocha frénétiquement la tête de haut en bas et obéit en tremblant. Sa sœur passa la main dans ses cheveux pendant une seconde, en lui murmurant :

-Tout va bien se passer, ne t'en fais pas. Je te laisserai appeler maman quand on sera en sécurité.

Il se coucha sur le dos pour pouvoir voir en partie ce qu'il se passait. Rêverie remit masque et capuche et continua de fixer le pare-brise arrière. De longues minutes défilèrent dans un silence des plus complets, aussi stressant qu'envahissant, tapant sur les nerfs du jeune garçon qui usait de toute sa volonté pour arriver à se détendre, jusqu'à ce que le conducteur hurle :

-BARRAGE DE FLICS !!!

-Surtout, crie plus fort, ça arrangera la situation, grogna le passager avant.

-Vos gueules, lâcha Rêverie d'un air énervé, je monte, continue à foncer dans le tas.

La jeune femme ouvrit sa portière en se tenant grâce au toit de la voiture et sembla triturer quelque chose sur ses semelles avant de monter sur le toit, fermant la porte d'un coup de pied.

Alaric était tétanisé. Est-ce-qu'elle mesurait au moins le danger de la situation ? Comment pourrait-elle survivre à cela ?

Son instinct protecteur prenant le dessus sur sa peur, le jeune homme se releva lentement, tentant d'atteindre la porte de voiture le plus discrètement possible. Mais les mots du passager le coupèrent dans son élan :

-T'inquiète pas trop, le gamin, ses semelles peuvent adhérer au toit sans problèmes. Elle sait ce qu'elle fait. Retourne à ta place et attend que ça passe.

L'adolescent hésita quelques secondes avant de se rallonger sur le dos, fixant le toit sur lequel sa sœur se trouvait, ignorant totalement ce qu'elle faisait.

Il entendit un grondement sourd, suivi de longs cris de douleur humains. Malgré sa peur, le jeune garçon avait obéi aux ordres et était resté immobile. Il entendit les vibrations des voix des deux autres occupants de la voiture, sans pour autant comprendre ce qu'ils se disaient.

-OPÉRATION 7, hurla Rêverie !!

-Ouvre la porte, ordonna le passager à Alaric.

Le jeune homme mit quelques secondes à comprendre que c'était à lui que l'on parlait et s'empressa d'obéir. Rêverie se laissa tomber à l'intérieur du véhicule et referma expressément la porte. L'autre passager monta à son tour sur le toit.

-Alors, demanda le conducteur ?

-J'ai épuisé Karken pour faire péter leur barrage, mais il y a de fortes chances pour que nous soyons suivis.

-Et merde !!

-Tu croyais quoi ? Qu'ils allaient nous laisser partir bien gentiment après avoir enlevé un potentiel pensionnaire ? Ils sont bien trop cons pour ça !

-Arrête de les sous-estimer, ça va te retomber sur le coin de la gueule un jour.

-Je les sous-estime si je veux, grommela-t-elle. Contente-toi de conduire, j'aimerai qu'on arrive à mettre le plan à exécution le plus tôt possible. 

-Ok connasse, soupira l'homme.

Rêverie lui fit un doigt d'honneur dans le rétroviseur intérieur. Alaric était toujours allongé sur le dos, et il détaillait le profil renfrogné de sa sœur avec une forme d'admiration et de peur. Cette dernière continuait de fixer ce qu'il se passait droit devant elle. Était-ce parce qu'elle souhaitait voir la route, ou simplement pour voir la réaction du conducteur suite à son doigt d'honneur ?

Elle finit par se tourner vers son petit-frère et lui offrit un sourire gentil en lui disant :

-Tout ira bien, nous sommes presque arrivés. Contente-toi de ne plus bouger.

Alaric hocha la tête de haut en bas de façon frénétique, toujours aussi effrayé par la situation. Rêverie continua :

-Je t'aurais bien offert un sédatif pour t'épargner tout ce stress, cependant nous aurons besoin de ta réactivité plus tard. Une fois que ça sera fini on te laissera te reposer, d'accord ?

-On est arrivé, la coupa le conducteur.

-Parfait. Alaric, je veux que tu sortes de cette voiture et que tu t'allonges sur le sol de la voiture qui est à gauche de la nôtre, c'est compris ?

Le jeune garçon acquiesça, ouvrit la porte et tituba de son mieux jusqu'à la voiture indiquée par sa sœur. Il remarqua qu'elles étaient toutes identiques avant d'entrer et de s'installer au sol. À côté de lui se trouvait un homme qui portait le même uniforme au masque à gaz que sa sœur et ses amis. Ce dernier le salua d'un signe de main et ordonna à la conductrice de démarrer.

Alaric resta allongé au sol pendant plusieurs minutes. Il avait réussi à se calmer un minimum et se contentait d'attendre, des questions plein la tête.

Des questions sans réponses. C'était presque tout ce qu'il avait en tête depuis la veille au soir. Elles étaient incrustées dans son mental, s'amusant à le torturer, encore et toujours, lui faisant comprendre que la situation lui échappait. Et il détestait cela. Une situation qu'il n'arrivait pas à contrôler lui faisait toujours peur. Désormais, il se rassurait en se disant que Rêverie aurait des réponses à ses questions.

Il n'y eut aucun mouvement particulier dans la voiture, mis à part quand le passager du siège arrière se retournait pour vérifier qu'ils n'étaient pas suivis.

Le trajet lui semblait durer des années, mais il se retenait de demander l'heure de leur arrivée aux autres personnes présentes dans la voiture. Il trouvait le silence pesant. Il aurait aimé pouvoir ne serait-ce qu'écouter un peu de musique. Cela l'aurait aidé à se détendre.

-Nous arrivons, clama la conductrice d'un ton surexcité !!

-Calme, répliqua son passager d'un ton blasé.

Alaric laissa échapper un soupir de soulagement. Lorsqu'ils finirent par s'arrêter, il devina sans problèmes qu'il se trouvait dans une sorte de parking souterrain. Le passager descendit de voiture et laissa le jeune homme se dégourdir les jambes dans le petit coin de sous-sol dans lequel ils se trouvaient. Une autre voiture identique les rejoignit à peine 2 minutes plus tard, de laquelle descendirent deux autres personnes, un homme et une femme.

La voiture dans laquelle se trouvait Rêverie arriva une dizaine de minutes après la deuxième. C'était elle qui conduisait. Elle demanda :

-Vous avez réussi à les semer ?

-Affirmatif, répondit la conductrice de la voiture où se trouvait Alaric. Nous sommes en sécurité pour le moment.

-Parfait.

Rêverie s'approcha de l'unique porte présente dans le sous-sol.

-Allez, dépêchez-vous d'entrer, nous avons un cours à donner pour mon adorable petit frère.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top