❉ IV ❉
♫ Can't pretend - Tom Odell ♫
09 janvier 2017
✗Angelina Blake ✗
Je regardais la pluie s'abattre sur la vitre de la voiture, appuyant ma tête contre cette dernière. Il y a deux ans, ma vie avait changé du tout au tout. L'attentat qui avait causé la mort de mon frère et de mon père avait été un énorme bouleversement dans ma vie, et avait surtout été la cause de nombreux choix qui avaient été pris, certains lourds de conséquences.
J'avais difficilement terminé mon année à l'internat, évitant de justesse d'être envoyée en commission disciplinaire pour mon comportement rebelle qui devenait ingérable. J'avais par la suite quitté l'école, encore âgée de seize ans pour me consacrer à la boxe et trouver quelque chose qui me permettrait d'évacuer toute cette haine que j'avais emmagasinée.
Du côté social, il ne me restait plus rien. J'avais quitté Nick, notre relation étant une perte de temps dans laquelle je ne voulais plus m'investir. Nat m'avait proposé de l'accompagner au Canada où elle voulait se rapprocher de sa famille, et recommencer une nouvelle vie. Il en était hors de question pour ma part, alors je l'avais laissée partir.
La seule personne que je tolérais était Amber, ma meilleure amie que j'avais rencontrée à mon arrivée à l'internat. Nous avions quitté l'établissement ensemble pour s'installer dans un appartement, toujours à Atlanta. Et aujourd'hui, elle m'accompagnait encore une fois dans un choix qui m'avait beaucoup fait réfléchir, mais que j'avais quand même pris le risque de faire.
- T'es certaine que c'est la meilleure solution ?
Me retournant vers elle, je me posais à moi même la question. La meilleure, je n'en étais pas sure. Mais c'était déjà une solution, et ça, Dieu savait qu'il n'y en avait pas beaucoup pour mon problème. C'était un peu ma dernière chance.
Je hochais la tête, tentant de sourire pour la rassurer. Elle s'inquiétait, et je le comprenais. Mais Amber savait bien qu'elle n'avait pas de soucis à se faire pour moi, j'étais maintenant grandie et je savais ce que je faisais, du moins, je le pensais.
C'était pas commun pour une jeune fille de dix huit ans de rejoindre les rangs de la CIA, mais ça arrivait. L'idée m'était venue lorsque nous avions reçu les cousins éloignés d'Amber à l'appartement, qui avaient évoqué un contact avec quelques agents et ce qu'ils avaient l'habitude de faire là bas : ils pirataient des sites pour lutter contre les opérations clandestines, ils s'occupaient de trouver des renseignements et surtout, ils traquaient les terroristes.
J'avais cherché jour et nuit un moyen de me détacher de cette colère et cette impuissance qui s'abattaient chaque jour sur moi, et j'avais enfin trouvé la solution. Je savais très bien que je ne pouvais pas crier victoire trop vite, mais j'avais des cordes à mon arc, et je comptais bien m'en servir pour intégrer cette prestigieuse firme secrète.
La voiture s'arrêta, et je regardais à travers la vitre pour constater que nous étions arrivées à la gare. La pluie s'écrasant toujours sur le béton froid, je tournais le visage vers Amber qui semblait perdue.
- Je vais m'en sortir, tu le sais, la rassurai-je, et je préfère mourir en essayant de les avoir vengés que survivre en ne faisant rien.
Elle hocha la tête, comprenant ma décision. Puis elle se pencha, enroulant ses bras autour de moi. Amber était devenu mon chez moi, et je m'apprêtai encore une fois à le quitter pour de nouvelles aventures. Je resserrai notre étreinte, m'approchant de son oreille.
- Merci pour tout.
Elle frotta mon dos de sa main avant de se reculer, ses yeux larmoyants.
- Allez, m'encouragea t-elle, tu vas louper ton train.
Regardant ma montre, je constatai qu'elle avait raison. Sans plus attendre, je quittai la voiture, promettant à Amber de l'appeler dès que je serais sur place, et de la tenir au courant de l'évolution de ma situation. Puis je partis, en direction d'une nouvelle vie.
⁂
Je coupais le contact de la voiture louée après mon arrivée. Mon corps bouillonnait, le mélange d'appréhension et d'excitation le faisant trembler. Regardant une nouvelle fois ma montre, je réalisais que mon rendez vous n'était que dans dix minutes. J'allais donc monter au cas où l'on puisse me prendre en avance. Déjà, je jouais la carte de la ponctualité.
Pour rentrer dans les locaux, il fallait un code confidentiel qui nous était donné après plusieurs tests et un entretien téléphonique. Évidemment, je les avais réussi avec brio. Je pénétrais dans la vaste cour, suivant le chemin indiqué par une des techniciennes quelques jours auparavant.
Relevant la tête, je tombais nez à nez avec le bâtiment C, celui dans lequel se trouvait le bureau d'une certaine Irène Kennedy, qui devait me recevoir dans huit minutes. Je suivais encore une fois les indications, me rendant dans l'ascenseur qui me mena au dernier étage.
Au fond du couloir se trouvait une sombre porte sur laquelle les lettres dorées indiquant le nom de Kennedy se trouvaient. La pression se faisait ressentir. Je pris place sur un des sièges, attendant nerveusement qu'on daigne me recevoir.
La vérité était qu'après l'attentat, ma vision du monde avait changé. Je ne ressentais plus les mêmes émotions, plus les mêmes sentiments à l'égard des gens qui m'entouraient. Je ne retrouvais pas ce que j'éprouvais pour Nick à mon retour de San Francisco, ne pouvant pas prétendre l'aimer et faire comme si je n'étais pas déchirée de l'intérieur. De même pour Nat. Je ne l'appréciais pas, et même si je ne la supportais pas, je ne pouvais pas l'empêcher de redémarrer une nouvelle vie loin de tout ça. Ma décision et ma rage ne devaient pas impacter la vie des autres.
J'avais enfin trouvé une raison de me battre, un sens à ma vie, une clé dans ma quête de vengeance. Après avoir tourné en rond jours et nuits, revoyant sans cesse le mystérieux homme qui m'avait sauvée, et tous les corps au sol, les innocents tués, j'avais puisé assez de colère pour me motiver à faire quelque chose qui pourrait être utile.
Comme j'avais dit à Amber, je voulais mourir en ayant essayé.
La porte s'ouvrit soudainement, me tirant à mes pensées. Je me levais immédiatement, m'approchant pour être accueillie par une femme que je présumais comme Irène Kennedy.
Ses cheveux étaient noirs comme l'ébène, sa peau foncée et ses yeux en amande faisaient de cette femme quelqu'un de classe, mais lui donnant aussi un air redoutable. Son tailleur était fait sur mesure, retombant sur son corps au millimètre près.
- Angelina Blake ?
- C'est moi, madame Kennedy.
Elle sourit, me tendant une main que je m'empressais de serrer.
Elle s'écarta de la porte, m'invitant à entrer.
- Prenez donc place, mettez vous à l'aise.
Je hochais la tête, m'asseyant sur un des fauteuils face à son bureau.
- Très bien, commença t-elle, j'ai cru comprendre que vous vouliez intégrer nos rangs. J'ai lu votre dossier, mais j'aimerais vraiment que vous me parliez de vous, votre histoire.
Je pris une grande inspiration, ne sachant pas par où commencer.
- Je m'appelle Angelina Blake, j'ai dix huit ans et j'ai grandi à San Francisco avant de partir étudier à Atlanta à l'age de quatorze ans, mais ça vous le savez surement. Elle hocha la tête, ses yeux n'ayant toujours pas quitté les miens. J'ai eu une enfance quelque peu difficile, avec un divorce qui m'a incité à faire des choses m'ayant valu un aller simple pour Atlanta. Ma mère nous a abandonné mon frère et moi, nous laissant avec notre père. J'ai toujours eu des problèmes de comportement, n'acceptant pas de recevoir de l'autorité.. Et cela s'est empiré après ce jour là..
- L'attentat ?
- Oui l'attentat, confirmai-je en regardant mes mains, cet attentat qui a tué mon père et mon petit frère de huit ans. J'ai complètement dérapé après ça, j'ai manqué de me faire virer de mon école, j'ai refusé toute aide, refoulé toute personne qui voulait s'approcher de moi, je me suis entièrement renfermée sur moi même. Chaque jour était pareil, je me réveillais avec cette culpabilité qui n'a pas cessé de me hanter depuis l'attentat. J'ai commencer à pratiquer différents sports de combats, commençant par la boxe puis m'initiant aux arts martiaux que je pense maitriser maintenant. J'y voyais par là un échappatoire mais avec le temps, ce n'était plus suffisant.. J'avais besoin de plus que ça...
- C'est donc pour cela que vous souhaiteriez vous joindre à nous ?
J'acquiesçai.
- Pourquoi devrais-je vous prendre vous, et pas le candidat qui est passé juste avant ?
- Je pense, Madame Kennedy, avoir tout ce qu'il faut pour intégrer la CIA. J'ai envie de me venger, je veux montrer ce dont quoi je suis capable. J'ai une rage en moi qui n'attends juste qu'à prendre le contrôle, et je sais que je ne vous décevrais pas, je ferais tout pour faire de chaque mission un succès. Avoir une place parmi vous serait la plus belle chose qui pourrait m'arriver, et j'y vois par là une solution pour me débarrasser de ma culpabilité, mon chagrin et ma haine.
Elle hocha la tête, se penchant pour regarder de plus près mon dossier. Les minutes passaient comme des heures.
- Je pense que j'ai quelqu'un qui pourrait vous convenir, déclara t-elle, c'est un de nos meilleurs agents, et bizarrement, votre dossier est très similaire au sien.
Je la regardais, cherchant où elle voulait en venir.
- Je.. bafouillai-je, ça veut dire que je suis prise ?
Elle releva son visage vers moi, un sourire étirant ses lèvres.
- Bienvenue parmi nous mademoiselle Blake.
Je tentais de contenir ma joie, enfin heureuse d'avoir accompli quelque chose en dix huit ans d'existence. Je savais que je venais de prendre un engagement, et je n'étais pas prête à abandonner.
- Faites monter Rapp dans mon bureau, ordonna Irène en appuyant sur un des boutons de son téléphone, maintenant.
Je la regardais curieusement, comprenant qu'elle allait surement me présenter à son agent.
- Si vous voulez bien, reprit-elle, passez dans la pièce à côté, mon assistant va vous faire signer votre contrat et vous donner les clés de votre chambre.
Je hochai la tête, bien que j'aurais voulu voir le mystérieux Rapp. Ce n'était qu'une question de temps.
Je disparaissais dans la pièce mentionnée par Irène, accueillie par un jeune homme surement du même âge que moi, qui tenait déjà une pile de papiers dans la main.
Il me montra la où je devais signer, me résumant rapidement les termes principaux du contrat. Il me remit une clé que je mis dans mon sac à main, et me passa les exemplaires de différents dossiers que j'allais devoir lire pour le lendemain. Surement des règles à respecter et des clauses de confidentialité.
La voix d'Irène interrompit notre échange.
- Angelina, vous pouvez entrer !
Ne perdant pas plus de temps, je revenais dans son bureau, pour être accueillie par des yeux marrons d'une profondeur déconcertante.
Des yeux marrons qui ne m'étaient pas inconnus.
⁂
« And I wanna fight but I can't contend »
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