Apparences Trompeuses

La cloche retentit une nouvelle fois au lycée de Brookfield, marquant le début d'une journée de cours. Les élèves se déversaient dans les couloirs comme une rivière, chacun poursuivant son propre chemin, chacun portant ses propres secrets. Parmi eux, Emma, Liam, Sophia et Aiden continuaient à naviguer dans la mer agitée de leurs pensées, cachant leurs luttes intérieures derrière des sourires bien rodés. Emma se réveilla avec difficulté, ses paupières lourdes de fatigue malgré une nuit entière de sommeil. Chaque matin était une bataille pour sortir du lit, et aujourd'hui ne faisait pas exception. Elle s'assit sur le bord du matelas, fixant le mur blanc de sa chambre. L'idée même de se lever et de faire face à une nouvelle journée semblait insurmontable. Elle se força finalement à se lever, traînant ses pieds jusqu'à la salle de bain. En se regardant dans le miroir, elle vit des yeux cernés et un teint pâle. Elle appliqua un peu de maquillage pour masquer les signes visibles de sa dépression, mais rien ne pouvait vraiment cacher la tristesse dans ses yeux. Après s'être habillée, elle descendit lentement les escaliers, chaque pas résonnant comme un rappel de son fardeau invisible.

Sa mère, occupée à préparer le petit-déjeuner, lui jeta un regard préoccupé. « Bonjour chérie, tu as bien dormi ? » demanda-t-elle avec une douceur teintée d'inquiétude.

Emma hocha la tête, évitant le regard de sa mère. « Oui, maman. » Elle prit une pomme et sortit rapidement, n'ayant pas la force de s'engager dans une conversation. Le trajet vers l'école se fit dans un silence pesant. Elle s'arrêta un moment au parc en chemin, regardant les autres adolescents rire et discuter joyeusement. Elle ressentait une distance insurmontable entre elle et eux, comme si elle observait la vie à travers une vitre épaisse. À l'école, elle se rendit directement à son casier, évitant le plus possible les interactions.

Sa meilleure amie, Lily, l'attendait déjà, un sourire radieux sur le visage. « Emma ! » s'écria-t-elle en lui donnant un câlin.

« Tu m'as tellement manqué cet été ! Comment ça va ? »

Emma sourit faiblement, renvoyant une image d'elle-même bien différente de ce qu'elle ressentait à l'intérieur. « Ça va, et toi ? »

Lily commença à raconter ses aventures estivales, mais Emma peinait à se concentrer. Elle hocha la tête et fit semblant d'écouter, tout en luttant contre les pensées sombres qui l'envahissaient. Elle ne voulait pas inquiéter Lily, ni paraître faible. Alors elle portait son masque, espérant que personne ne verrait les fissures. En classe de littérature, M. Andrews demanda aux élèves de partager leurs pensées sur le chapitre qu'ils avaient lu. Emma savait qu'elle avait des choses intéressantes à dire, mais sa voix lui faisait défaut. Elle se contenta d'écrire ses idées dans son carnet, un exutoire silencieux pour ses émotions refoulées.

Liam se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre. Il avait fait un cauchemar, encore un. Les cris de la foule, les attentes écrasantes, et puis le silence terrifiant de l'échec. Il prit quelques instants pour calmer sa respiration, se rappelant les techniques de relaxation apprises en thérapie. Inspirer, expirer, inspirer, expirer. Une fois son pouls revenu à la normale, il se leva et se prépara pour la journée. Il devait être parfait, comme toujours. Chaque détail comptait. Ses cheveux bien coiffés, son uniforme impeccable. Il ne pouvait se permettre aucune faille. En descendant les escaliers, il trouva ses parents déjà attablés.

Son père, toujours si fier de son fils athlétique, lui fit un signe de tête approbateur.

« Prêt pour l'entraînement ce soir ? » demanda-t-il.

Liam acquiesça, cachant son appréhension. « Oui, bien sûr. »

Les mots semblaient sortir de sa bouche sans qu'il les pense vraiment. Il avala rapidement son petit-déjeuner, chaque bouchée lourde dans son estomac noué. Les attentes de son père pesaient sur ses épaules comme une montagne. Chaque match, chaque entraînement était un test, non seulement de ses compétences mais aussi de sa valeur. À l'école, il fut immédiatement entouré par ses coéquipiers et les fans de l'équipe. Il échangea des blagues et des accolades, jouant parfaitement son rôle de leader charismatique. Mais derrière ce sourire éclatant, une angoisse constante le rongeait. Chaque interaction sociale était une performance soigneusement calibrée pour masquer ses insécurités. En cours de biologie, il peinait à se concentrer. Les mots du manuel semblaient flous, et il devait les relire plusieurs fois pour en comprendre le sens. Son esprit dérivait sans cesse vers les matchs à venir, les stratégies de jeu, et surtout, la peur de faillir. Une fois, il sentit une crise de panique monter. Ses mains commencèrent à trembler et il ferma les yeux, se concentrant sur sa respiration. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle. Après les cours, il se dirigea vers le gymnase pour l'entraînement. Là, entouré de ses coéquipiers, il se sentait un peu plus en sécurité. Les mouvements répétitifs des exercices physiques l'aidaient à canaliser son anxiété, mais seulement temporairement. La pression ne disparaissait jamais complètement.

Sophia se réveilla avec une énergie débordante. C'était l'un de ces jours où elle se sentait invincible, capable de conquérir le monde. Elle se leva rapidement, presque avec frénésie, et se précipita vers son chevalet. Les idées fusaient dans son esprit à une vitesse vertigineuse, et elle devait les capturer avant qu'elles ne s'évanouissent. Elle passa une heure à peindre avant de se rendre compte qu'elle devait se préparer pour l'école. En se regardant dans le miroir, elle sourit à son reflet. Aujourd'hui, ses yeux brillaient d'une lueur passionnée, et elle se sentait belle, prête à affronter la journée. Elle choisit soigneusement ses vêtements, optant pour une tenue colorée qui reflétait son état d'esprit exalté. En arrivant à l'école, elle se sentait presque euphorique. Chaque interaction, chaque sourire échangé avec ses camarades semblait amplifié par son humeur élevée. Mais au fond d'elle-même, une petite voix lui rappelait que cette phase ne durerait pas. La peur de la chute, de l'obscurité qui suivait toujours ces périodes de lumière, la hantait. En cours d'art, elle travailla avec une intensité fébrile. Son professeur, Mme Evans, la regardait avec admiration. « Sophia, tes œuvres sont vraiment inspirantes. As-tu déjà pensé à postuler à une école d'art prestigieuse ? »Sophia sourit, ravie de l'encouragement. « Oui, c'est mon rêve. »Mais en disant ces mots, une ombre passa sur son visage. Elle savait combien il était difficile de maintenir ce niveau de créativité et de productivité. Les phases maniaques lui donnaient une énergie inépuisable, mais elles étaient toujours suivies par des périodes de dépression où elle se sentait vide et incapable.

Après les cours, elle se rendit à la bibliothèque pour retrouver Aiden. Il était l'une des rares personnes à comprendre ses hauts et ses bas, et elle appréciait leur amitié silencieuse et sans jugement. En feuilletant ses croquis, elle sentit une pointe d'inquiétude. Et si la prochaine phase descendante arrivait trop vite ? Et si elle ne parvenait pas à terminer ses projets ?

Aiden se réveilla avec une sensation de malaise familière. Chaque matin, il passait en revue mentalement tous les rituels qu'il devait accomplir pour se sentir en sécurité. Vérifier la porte trois fois, toucher chaque coin de son bureau, réciter mentalement une série de mots dans un ordre précis. Ce n'était qu'après avoir terminé ces rituels qu'il pouvait enfin commencer sa journée. En descendant les escaliers, il fit attention à ne pas marcher sur les fissures du sol.

Sa mère, préoccupée par son comportement, l'observait souvent avec une inquiétude silencieuse. « Bonjour, Aiden. Bien dormi ? »

Il hocha la tête, évitant son regard. « Oui, merci. »

Il prit son petit-déjeuner rapidement, chaque bouchée suivant un ordre précis. Toute déviation par rapport à sa routine lui causait une anxiété insupportable. Sa mère voulait l'aider, mais elle ne savait pas comment, et il n'était pas encore prêt à partager ses luttes avec elle. À l'école, il se fondait dans la masse, préférant rester invisible. Ses camarades le connaissaient comme le garçon tranquille, toujours perdu dans ses pensées. En cours, il était attentif, mais ses TOC interféraient souvent avec sa concentration. Il devait régulièrement vérifier que ses affaires étaient bien rangées, que ses notes étaient prises de manière symétrique, que tout était parfait. Pendant le cours de musique, Aiden trouva un peu de répit. Assis devant le piano, il laissait ses doigts courir sur les touches, créant des mélodies apaisantes. La musique était son refuge, un endroit où ses pensées obsessionnelles se calmaient un peu. Mais même là, les rituels le suivaient. Chaque note devait être jouée correctement, chaque accord devait être parfait. Après les cours, il rejoignit Sophia à la bibliothèque. Elle lui montra ses derniers dessins, et il l'écouta avec attention. Il admirait sa capacité à créer, à exprimer ses émotions à travers l'art.

Il se demandait souvent comment elle faisait pour naviguer dans ses propres tempêtes intérieures.

« Tes dessins sont incroyables, Sophia, » murmura-t-il. « Tu as un don. »

Sophia sourit, mais il pouvait voir une lueur d'inquiétude dans ses yeux.

« Merci, Aiden. Parfois, j'ai peur de perdre cette inspiration. »

Il comprenait cette peur. Lui aussi avait peur de perdre son équilibre fragile, de se laisser submerger par ses obsessions et ses compulsions.

« Je suis sûr que tu trouveras toujours un moyen de créer. Tu es forte. »Ils passèrent un moment en silence, chacun absorbé dans ses pensées. La bibliothèque était un havre de paix, loin du tumulte de l'école. Mais même ici, les luttes intérieures des quatre amis étaient présentes, toujours en arrière-plan, toujours prêtes à refaire surface. L'après-midi s'étira, et les élèves quittèrent progressivement l'école. Emma, Liam, Sophia et Aiden se retrouvèrent à la bibliothèque, un lieu où ils pouvaient échapper un moment à leurs démons intérieurs. Ils s'assirent ensemble à une table, chacun plongé dans ses propres pensées.

Emma sortit son carnet de notes et commença à écrire. Les mots coulaient sur le papier, exprimant ce qu'elle ne pouvait pas dire à haute voix. Chaque phrase était une catharsis, une manière de libérer une partie de la tristesse qui l'étouffait. Liam, assis à côté d'elle, feuilletait son manuel de biologie, essayant de se concentrer sur les chapitres à venir. Mais son esprit vagabondait sans cesse, retournant à ses angoisses et à la pression qu'il ressentait. Il se surprit à jeter des coups d'œil à Emma, se demandant comment elle faisait pour rester si calme en apparence. Sophia dessinait, ses mains se déplaçant rapidement sur le papier. Elle créait des mondes colorés, des échappatoires à sa réalité. Mais même en pleine création, une part d'elle-même redoutait le moment où l'inspiration la quitterait, où elle se retrouverait face à une toile blanche, incapable de peindre. Aiden jouait du piano, les notes résonnant doucement dans la bibliothèque. La musique l'aidait à se concentrer, à oublier un moment ses rituels. Mais il savait que cette paix était temporaire. Dès qu'il quitterait le piano, les TOC reviendraient, plus forts que jamais. Ils restèrent ainsi un moment, chacun trouvant du réconfort dans la présence des autres. Aucun d'eux ne parlait de ses luttes, mais il y avait une compréhension tacite entre eux. Ils savaient que, malgré les apparences, chacun d'eux combattait des batailles invisibles.

La journée touchait à sa fin, et les quatre amis se levèrent pour partir. Ils se dirent au revoir, chacun retournant à sa propre vie, à ses propres défis. Mais il y avait un sentiment d'espoir, une lueur de solidarité entre eux. Emma rentra chez elle, son carnet de notes serré contre elle. Elle savait que la route serait longue, mais elle se sentait un peu moins seule. Liam se prépara pour l'entraînement, déterminé à surmonter ses peurs. Sophia continua de dessiner, cherchant à capturer chaque instant de lumière. Et Aiden, après avoir accompli ses rituels, trouva un moment de paix en jouant une dernière mélodie avant de dormir. Chacun d'eux avançait, un pas à la fois, cherchant à trouver un équilibre dans un monde où les apparences étaient souvent trompeuses. Ils savaient que les jours à venir seraient pleins de défis, mais ils étaient prêts à les affronter, ensemble et individuellement, avec courage et détermination.

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