Au début, tout est noir. Puis, il commence à distinguer quelque chose. Pas vraiment des couleurs... Pas vraiment une image... Juste une source de lumière qui le réchauffe. Il attend. Rien ne change. Il semblerait que ce soit à lui d'agir. Alors, Max soulève ses paupières. C'est la couleur des draps qui lui fait comprendre la situation. Blancs. Il n'a pas de draps blancs. Sa housse de couette habituelle est une image de Typhlosion. Ce n'est pas du tout le cas de celle ci. Blanche. Qui met des draps blancs dans une chambre d'amis ? Même ses potes n'en ont pas.

Il se lève d'un coup. Trop vite. Mal de crâne. Qu'est ce qu'il a fait hier ? Il regarde autour de lui, et se rend compte de l'ampleur du problème. C'est une chambre d'hôtel. Il est nu. Il n'est pas seul.

- Mmmh... ?

- AAAAH !
* BOUM *

Ce ne doit pas être un hôtel de très haut standing, car le lit est très petit. Tellement petit qu'il est tombé par terre. De là où il est, Max ne voit plus l'inconnu qui se réveille. C'est pas plus mal, ça lui évite de devoir se confronter à lui trop vite. Qu'est ce qu'il fait là ? Il s'est passé quelque chose ?

Doucement, il se relève pour observer l'autre. Lorsqu'il croise ses yeux, Max est à deux doigts de tomber à nouveau. Ses paupières sont écarquillées, et sa bouche est entrouverte. C'est sûr, le jeune homme est aussi choqué que lui.

Se rappelant sa nudité apparente, il tente un coup d'œil dans la chambre. Pas de caleçon en vue. Par contre, il ne peut que voir le préservatif usagé jeté à quelques centimètres de la corbeille. Il fait une grimace face à la réalité de la chose. Un frisson parcourt son corps. Il n'y a plus vraiment de doutes sur ce qui s'est passé. Désireux de se protéger un petit peu, il s'assit, couvre son corps de la couette avant de se tourner vers son voisin.

- Tu m'as fait quoi ?

Le visage de l'autre est fermé, colérique. Pourquoi l'inconnu demande-il ? C'est pas comme si Max va pouvoir l'éclairer. C''est lui qui s'est retrouvé sans souvenir de la soirée. Pas l'inverse ! Il fronce les sourcils avant de répondre.

- Comment ça ?

- Qu'est ce qu'il s'est passé hier ? Tu m'as fait boire ? J'ai rien voulu de tout ça. Qu'est ce que tu m'as fait ?

Sa voix devient de plus en plus pressante, énervée. Ou paniquée ? Max ne parvient pas à interpréter son expression. Il a les genoux remontés contre son torse, mais, emporté par ses paroles, il se redresse au fur et à mesure.

- Tu sais pas... Tu te rappelles pas ?

- Non putain ! J'ai aucun souvenir. Rien. Nada. Trou noir. T'as profité que j'étais bourré ! ...Alors explique moi.

Sa dernière phrase était presque un murmure. L'inconnu s'est calmé, d'une certaine manière, et a tourné la tête. Max ne parvient plus à voir ses yeux. Est ce qu'il pleure ? Vu la situation, c'est bien possible. Lui ne pleure pas. Il sent sa poitrine se serrer. Il tente de retracer le chemin de sa soirée. Sans succès. Mais il ne pleure pas. Alors il répond. Il hésite. Il tente de le rassurer. Il essaye.

- Je... Je suis désolé, je ne peux pas te dire grand chose. Ma... mémoire de la nuit a disparu. Je sais juste que j'ai beaucoup bu... Que tu es là, nu, à côté de moi... Et qu'il y a une capote par terre. C'est con, comme situation, hein ? Aucun de nous ne voulait de ça. Aucun de nous deux ne se souvient de quoi que ce soit. Ça fait un peu...

Peur. Le dernier mot ne sort pas de sa gorge. Il veut rire. Détendre la situation. Tout reste coincé au fond de sa poitrine. Le léger sourire qu'il avait formé, par politesse, disparaît. Il se sent sale.

- Je vais aller prendre une douche je pense.

Son partenaire de chambre acquiesce. Il a l'air perdu dans ses pensées. Max se lève rapidement. Son mal de crâne a diminué, mais il est remplacé par de multiples pensées qui bourdonne dans sa tête. Une douche l'aidera. Il ramasse ses affaires, tentant de cacher son corps de la vue de l'autre. Peine perdue. Il doit se mettre à genoux pour récupérer son boxer. Sous le lit. Qu'a il fait pour mettre un tel bazar ?

Il pensait que de l'eau brûlante l'aiderait à se sentir plus propre. Désinfecter. Mais il sent toujours sa peau poisseuse. La sueur de quelqu'un d'autre qui lui colle à la peau. Est ce que cette sensation disparaîtra ? Il finit par sortir de la cabine et se sécher. Il ne peut pas fuir éternellement. Qu'est ce qu'il va se passer maintenant ? Il effleure la poignée qui le relie à la chambre. Une pensée traverse son esprit. Est ce que l'inconnu est toujours là ? Que va-t-il lui dire ? Je suis désolé d'avoir profité de toi, je n'étais pas conscient non plus, on est quitte ? Je te laisse la douche, par contre y a plus de savon, j'ai tout pris pour me débarrasser de ton empreinte ? Tout ira bien s'il est parti. De toute façon il ne peut rien n'y faire. Il prend une grande inspiration. Ouvre la porte.

L'autre est assis sur le lit, son téléphone à la main. Il n'est pas parti ? S'il veut utiliser la douche, c'est à son tour. Pourtant, il n'a pas l'air de bouger. Il ne pleure plus. Peut être qu'il ne pleurait pas tout à l'heure non plus. Son visage reste tout de même éteint. Inquiet.

- Hey, euh... Max ?

- Tu... Tu connais mon nom ?

- Ouais. Moi c'est Noé. Justement... Je suis désolé de t'avoir accusé tout à l'heure. Si tu te souviens de rien toi non plus, alors y a pas vraiment de responsable. Par contre... Faut que je te montre un truc. Mon... Mon mec m'a envoyé la story de quelqu'un. Pendant la nuit. Ça doit être un ami à toi. T'es identifié, c'est comme ça que j'aie eut ton nom. C'est une vidéo... de nous deux.

L'inconnu... Non, Noé lui tend son téléphone. La vidéo est courte. Bancale. Son ami doit déjà avoir quelques grammes dans le sang. Pourtant on les reconnaît du premier coup d'œil. Impossible de se tromper. Impossible de douter de ce qu'ils font. Ils dansent sur la piste. Ou du moins, bougent. Ils se soutiennent l'un l'autre pour rester debout. Ils sont tout aussi soûls que le filmeur. Voire plus. Leur corps se collent. Max pose sa bouche contre le cou de Noé. La story se ferme et laisse apparaître une conversation. Il lève les yeux du cellulaire. Une marque rouge trône bel et bien le long de sa clavicule. Bien visible. Qu'est ce qui lui a pris ?

- Oh non... Non non non... C'est pas possible... Je peux pas...

Il ne finit pas sa phrase et fait plusieurs pas en arrière. Il se laisse glisser contre le mur. La tête entre ses mains. Pourquoi il a fait ça ? Tout est fini.

- C'est pas possible. Ça n'aurait jamais dû arriver. Je peux pas. Je suis pas capable de... C'est la pire chose qui pouvait se passer. C'est pas...

- Ça va ?

- À ton avis ! Je me réveille dans un lit inconnu. Black out. J'ai couché avec mec, qui panique autant que moi. Et maintenant, je découvre que tout circule déjà sur les réseaux ? Tout le monde doit être au courant à l'heure qu'il est ! C'est quoi ce bordel !

- Ça va... ça va se calmer... On est dans le même bateau.

- Non ! Ça va pas. On est clairement pas dans la même situation toi et moi. Je... Je suis pas out à mes potes. Ils savent pas que je suis pan. Ils savent même pas ce que c'est ! Je suis foutu...

Pourquoi lui avoir dit ? Ça sert à rien. De toute façon Noé peut pas l'aider. Tout est fini. Jamais ses amis ne resteront. Ils les connaît. Il supporteront jamais un truc comme ça. Qu'est ce qui lui a pris de faire ça ! Avec un mec ! Il doit exister une solution. Un moyen de rester au placard. C'était juste une blague, un pari pour les faire rire. Mais lui faire un suçon ? Disparaître avec lui ? C'est sûr, quelqu'un les a vus partir ensemble. Il y a peut être même d'autres vidéos ! Jamais il ne goberont une excuse comme ça ! Tout va faire le tour de l'université, et il ne peut rien y faire.

Sa respiration s'emballe. Il la laisse faire. De toute façon, il ne maîtrise plus rien. Son corps... Ses actions... Sa vie... Plus rien ne lui appartient désormais. Il paniquer un peu plus. Qu'est ce qui va lui arriver ? Il est sale. Fatigué. Trahi par lui même. Tout...

- Je sais pas vraiment ce qu'est ta situation, mais... Ça va aller, ok ?

Noé pose sa main sur son épaule. Signe de réconfort. Ses pensées se bousculent. S'arrêtent.

- NE ME TOUCHE PAS ! Je... Je...

Max recule d'un bond. Des odeurs, des goûts lui reviennent en tête. Il ne veut pas se souvenir. Un haut le cœur le prend. Il le retient. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas. Pourquoi fallait il que ça lui arrive, à lui ? Il voulait juste profiter d'une soirée. Boire un peu avec ses potes. Pas ça. Surtout pas ça. Il essuie ses larmes. Quand est ce qu'elles ont commencé à couler ? D'autres coulent à nouveau.

- Max... Tu paniques à cause de tes amis, c'est ça ? Tu sais, tu ne peux pas vraiment savoir ce qu'ils vont penser. Tu étais soûl. Beaucoup de gens ont l'alcool... Euh... excité, disons. Tu peux leur dire que tu n'étais pas au courant... Que tu as cru que j'étais une fille... Ou quelque chose comme ça. Attends de voir comment ils ont réagis... Et agis en fonction.

Seul le silence lui répond. Max se calme doucement. Réfléchit à ses paroles. Il n'avait pas tort. Est ce que ça allait vraiment aller ? Il fallait qu'il sache. Qu'en ont ils pensé ? Est ce qu'ils se sont parlés, hier ? Ont ils essayé de le contacter ? Il lui fallait son téléphone.

* Vbrrrr Vbrrrr Vbrrrr Vbrrrrr *

- Oh merde.

La sonnerie continue, puis s'éteint. Personne n'a bougé. Noé fixe son téléphone. Il a les yeux écarquillés. Pétrifié. Stupeur.

- Il y a un problème ?

- Non... Enfin, peut être. C'est... mon petit ami. Il a dû voir que j'avais ouvert ses messages. Maintenant il va vouloir des explications. Je sais pas quoi lui dire. Je veux pas le perdre.

Le cellulaire vibre à nouveau. Noé met le met en silencieux. Le retourne. Maintenant, il ne verra plus les notifications.

- C'est comme tu m'as dit, non ? Tu devrais lui expliquer la situation. T'étais pas... Conscient, disons. Tu peux lui dire que c'est ma faute si tu veux. Il a pas le droit de t'en vouloir. C'est pas ta faute.

- Ouais, je... Je vais voir. Je suis pas prêt pour l'instant. Tu sais, c'est pas con ce que tu dis. Tu devrais l'appliquer à toi même.

- Si tu le dis...

La pièce replonge dans le silence. Ça ne sert à rien de rester là. Les vêtements sur le sol ont disparu. Noé a dû ouvrir la fenêtre pendant que lui était sous la douche. L'air s'engouffre. Ça rafraîchit les idées. Le lit est toujours là. Draps défaits. Froissés. Il dévie son regard.

- Je vais y aller. Bon courage avec ton mec, je... Je suis désolé aussi.

Ils se souhaitent une bonne journée. Enfin, la moins pire possible. Noé s'enferme dans la salle de bain. Lui récupère son téléphone. Plus de batterie. Il n'a plus qu'à rentrer chez lui. Max ouvre la porte. La referme. Ce doit être un vieil hôtel. Il fait noir. Puis une lumière clignote. Détecteur. Elle s'allume vraiment. Il n'a plus qu'à continuer son chemin.