- CHARLINE !! VIENS METTRE LA TABLE !!

- JE MANGE PAS ICI MAMAN !!! JE VAIS MANGER AVEC DES COPINES ! ET APRÈS ON VA VOIR EVA !

Je descend vite les escaliers et ouvre la porte d'entrée. Ma mère pose sa main sur mon épaule et me dit :

- Embrasse la pour moi ma chérie.

- Oui oui t'inquiète ! Mais elle dort souvent...

- Dormir aide à lutter contre la maladie...

- Elle est blessée, pas malade.

- Un patient m'a dit pareil, hier... Vous les ados, vous vous ressemblez tellement!

- Maman, je vais être en retard...

- Demain on passe la journée entre filles, j'ai deux jours de congés, j'en profite... On s'arrête pas à l'hôpital...

- Si tu veux, mais pas aujourd'hui !!

- Profite bien de tes amis chérie.

Elle m'embrasse sur le front et je m'éclipse dehors, ou le vent souffle. Je vois Maëlle, Lou et Inès qui m'attendent en me faisant de grands signes des bras devant le Macdo. Je les rejoins en courant et dis :

- Désolée, ma mère voulait pas me laisser partir !

- On a failli attendre ! dit Lou.

On entre dans le fast-food et on s'installe sur une de ces banquettes rétros vintages, typiques des restaurants de ce genre. On commande, et on discute. J'entends la sonnette du fast-food sonner, et les filles se mettent à pouffer. Je me retourne, et Benoît est là, avec trois autres potes. Il s'approche et je me lève pour lui faire la bise, puis, il salue mes amies et repart avec ses potes.

- Tu le connais ? demande Inès.

- Oui, c'est un bon ami à Eva, on s'est croisés au commissariat.

- Ben dit donc ! T'as pas choisi le plus moche !!

- La ferme!!!

- Elle a raison, tu t'es pas foulée! dit Maëlle.

- C'est juste un pote!

- Oui oui, ça commence comme ça et puis ça fini en mariage !

- J'ai honte d'avoir des amies comme vous!

- Ben dit que tu préfères Eva aussi tant que t'y est !

- Ben... c'est ma meilleure amie, et elle a rien à voir dans la discussion...

- Comment ça c'est Eva ta bff ??

- Vous êtes géniales mais Eva c'est vraiment ma meilleure amie...

- Donc en fait tu fais semblant de passer du temps avec nous ??!

- Mais non, ça me fait plaisir...

- Mais vas-y dégage ! dit Lou.

- Quoi ??!

- Dégage !

Je me lève et pars. Dans la rue, tout va très vite. Je cours, jusqu'à l'hôpital, et demande à voir Eva au plus vite.

Quand j'arrive à son chevet, elle dort, comme toujours. Elle me manque vraiment. Je me met à pleurer contre son lit, sur son épaule.

- Charline ! crie une voix.

Je me retourne, et vois Benoît.

- T'es partie et t'as oubliée un carnet...

Il me tend l'objet, et toujours en train de pleurer, je le remercie. J'essaie de la contourner, et il m'attrape pour me serrer dans ses bras. Je continue à pleurer. Cette étreinte me fait du bien et je me calme, petit à petit, mes hoquets et mes sanglots se font remplacer une respiration sifflante mais régulière. Il me propose d'aller boire un café en face de l'hôpital, puis de revenir voir Eva plus tard, car "ça me fait trop mal" comme il dit.

Arrivés au café, il me tend une serviette en papier pour me moucher. Il me parle du lycée pour me faire oublier ma meilleure amie. Au bout d'un moment je lui demande :

- Pourquoi t'es aussi gentil avec moi ? Tu pourrais être avec tes potes mais tu décides de traîner avec moi...

Il se lève et vient s'asseoir sur la banquette à côté de moi. Après avoir enroulé son bras autour de mon épaule, il me dit :

- Parce que mon meilleur ami est déjà mort, et que je sais comment ça fait mal. Et depuis je traîne avec une bande d'idiots mais ça me fait passer le temps. Et j'ai pas envie que quelqu'un ressente la même sensation de vide intersidéral dans tout le corps, cette impression de flotter juste avant de devenir trop lourd pour supporter son poids, et être obligé de s'effondrer tout le temps. D'avoir envie de crier mais de ne pas pouvoir. D'avoir envie de bouger mais de ne pas pouvoir... Parce que c'est atroce.

On est restés là, pendant de longues minutes. Puis on est retournés voir Eva. Je lui chuchote quelques mots avant de partir :

- Bats-toi, tu vas guérir, ce ne sont que des plaies...