Chapitre 1

Il me reste un peu de temps avant de partir au travail. Je finis mon déjeuner en pensant au programme de la journée. Je m'occupe de jeunes en difficulté, essayant de leur montrer une autre voie que la violence. Je n'étais pas destiné à me tourner vers les autres du fait de mon caractère assez bourru mais ça m'est littéralement tombé dessus.

C'était il y a plus d'un an. J'étais dans mon loft, luttant pour trouver le sommeil qui avait décidé de me fuir une fois encore. Je contemplais ma baie vitrée abîmée par le temps, les rayons de la lune perçaient faiblement à travers elle. J'aimais ce moment de flottement, l'astre possédait le pouvoir de me réconforter dans les moments les plus difficiles, un compagnon fidèle dans ma profonde solitude.

Je baillai, commençant à rejoindre les bras de Morphée lorsque j'entendis des bruits de pas dans le couloir. Je me concentrai pour tenter de comprendre qui s'approchait. Malheureusement, je ne reconnaissais pas cette odeur, un mélange de gel douche et de parfum iodé. Je me levai d'un coup, près à bondir en cas d'attaque. Nous n'étions jamais totalement tranquilles à Beacon Hills. L'intrus s'arrêta devant ma porte, j'entendis un cliquetis étrange provenir de ma serrure. Les battements cardiaques de l’individu étaient d’un calme olympien. Quelqu’un était vraisemblablement en train de s’introduire chez moi. Deux choix s’offraient alors à moi, soit l’accueillir comme il se devait, soit patienter dans l’ombre pour jauger mon adversaire. La deuxième option me paraissait la plus sage, mon expérience personnelle m’avait déjà prouvé qu’il valait mieux être trop prudent que pas assez. Je m’étais déplacé sans bruit jusqu’à un renfoncement afin d'y attendre patiemment. La faible protection de la porte céda et l’intrus se faufila dans mon appartement avec pour seule source de lumière, une lampe de poche. D’un geste de la main, il balaya la pièce.

– Vide ! Parfait, murmura l’inconnu. Bien, Derek Hale, paraît-il que t'es riche.

Rien en lui ne me paraissait surnaturel. Il s’avança doucement me permettant ainsi de distinguer sa silhouette : grande, élancée et masculine. Je souriais en coin, son désir de richesse ne serait jamais comblé ici. Le seul bien luxueux que j’avais reposait au sous-sol, en dehors de ça, le confort matériel m’importait peu. Il fouilla mon salon en soupirant. Je me décidai enfin à agir. Personne ne s’immisçait ici sans en payer le prix, sauf peut-être Scott et sa bande. Mes aptitudes me donnaient un avantage certain, je me rapprochai de lui sans un bruit alors que, dans un excès de confiance, il baissa sa garde.

– Surprise, grondai-je dans son dos.

Il sursauta, se retourna et laissa tomber sa lumière à terre. Il resta quelques secondes immobile avant de tenter de fuir. Il passa habilement à ma droite, hélas pour lui, il était trop lent. Je le saisis par le col et l’entraînai contre un mur.

– Que crois-tu faire ? demandai-je méchamment.

– Je faisais juste une petite balade nocturne.

– Chez moi ?

– Je pensais que l’endroit était délabré, vu la décoration…

– Dommage, ça ne l’est pas. Et tu as choisi la mauvaise victime.

Dans la pénombre, je pouvais distinguer son visage, c’était un adolescent, il était blême. Je relâchai un peu ma prise.

– Tu t’appelles comment ? repris-je.

– Simon.

Son cœur manqua un battement, m'arrachant un rictus sadique.

– Ne joue pas à ce petit jeu avec moi « Simon ». Je peux savoir quand tu mens. Ton vrai nom ? Je ne suis pas réputé pour être patient, alors tu as intérêt à parler et vite.

– … Charlie.

– Bien, tu vois quand tu veux. Bon, Charlie, flics ou parents ?

– Je n’ai plus de parents, ça risque d’être compliqué, railla-t-il.

– Dans ces cas-là, direction le bureau du shérif. Ça m’arrange, je les connais plutôt bien.

– Non ! Désolé m’sieur Hale. S’il vous plaît, pas la police. Si jamais je retourne dans cette maison de correction j’en crèverais.

– Pas mon problème. Fallait y réfléchir avant.

– Il y a un centre pour mineurs à problème, j’ai un référant là-bas. Je vous en supplie, tout sauf les flics…

– Mmh. Tu as de la chance, je suis d’humeur clémente.

Il soupira de soulagement et me remercia silencieusement. Je le traînais jusque dans ma voiture, une coupée sport noire. Ma Camaro dormait dans un garage. elle représentait une partie de ma que j'avais décidé d'oublier.

– Woah, siffla Charlie impressionné. Et ben… Vous êtes vraiment riche.

– Pourquoi « vraiment » ?

– Avec votre appartement miteux, je me posais des questions… C'est votre bolide que j'aurais dû voler…

– Tu peux me croire, il ne vaut mieux pas. J’aime les belles voitures et je déteste quand on touche à ce que j'aime.

Je le jetai sur le siège passager avant de prendre place derrière mon volant. Je pus détailler un peu plus son physique, ses cheveux noirs et frisés tombaient autour de son visage long. Ses yeux sombres cachaient une souffrance sous une lueur condescendante. Si ses traits se voulaient juvéniles, leur fermeté indiquait qu'il avait été précipité trop tôt dans un monde sans saveur.

Sortis du parking, nous roulions en direction de son foyer. Il essaya de faire la conversation, je ne répondis que par des réponses évasives n'ayant aucune envie d’élargir mon cercle social. Il finit par comprendre et se tut, à mon plus grand bonheur. Une fois arrivés, un homme se présenta à nous. Il avait la cinquantaine, ses cheveux étaient grisonnants et de grosses cernes habillaient ses yeux. Il leva les yeux au ciel lorsqu'il aperçut Charlie. Il se rapprocha de lui, frappa l'arrière de son crâne avant de râler :

– Qu'est-ce que tu as encore fait comme connerie ?!

– Rien, Rick… Je…

– Il s'est introduit chez moi, expliquai-je.

– Désolé monsieur, répondit l'homme en baissant la tête. Je ne sais pas ce qu'on va faire de lui… C'est un cas désespéré et on manque cruellement de personnel… Il y a des dégâts ?

– Ma serrure.

– … Charlie tu…  C'est ta dernière chance. Après, on ne sera plus en mesure de t'aider. Tu sais ce que ça veut dire ?

« Rick » se frotta le front la mine exaspérée. Charlie, à côté, arborait un demi-sourire, comme s'il savait que son avenir s'apprêtait à être laborieux.

– C'est pas drôle tu sais, rétorqua Rick. Je sais pas pourquoi tu te sabotes comme ça. C'est du gâchis avec l'or que tu as dans les mains… Pff… Bref. Monsieur, nous payerons pour les désagréments.

– De l'or entre les mains ?

– Charlie, en plus d'être un sale gosse, est très doué en menuiserie. C'est pas un mauvais gars… Juste, il a pas eu de chance.

– Donc, tu saurais changer ma serrure, lui demandai-je.

– Ouaip, lança Charlie.

– Demain, huit heures. Sois pas en retard.

C'était ma dernière recommandation avant que je parte retrouver mon loft. Le lendemain, il se présenta à l'heure prévue, il travailla avec une précision sans pareille. Peut-être avais-je été touché par ce jeune en difficulté, ou peut-être était-ce par curiosité, quoi qu'il en soit, je ne pus me résoudre à le laisser à son triste sort. Aussi, je lui proposai plusieurs petits travaux au sain de mon appartement. D'abord méfiant, il avait finalement accepté. Petit à petit, il s'était ouvert à moi et ses écarts diminuaient fortement. Si bien que Rick m'offrît un poste que je ne refusai pas, devenant officiellement l'éducateur de Charlie et d'autres gosses présentés comme chaotiques.

Oui, cette voie s'était imposée à moi. Étonnement, maintenant, j'en trouve une certaine satisfaction. Les voir s'épanouir est, pour moi, la meilleure des récompenses. J'ai moi-même fait des erreurs aux conséquences terribles, alors si je peux apporter mon expérience à ces ados, ça me va. Toujours perdu dans mes pensées, je saisis mes clés quand une sonnerie de téléphone me stoppe dans ma lancée. Je grogne de mécontentement. Toutefois, me sentant obligé et craignant un impératif au boulot, j'appuie sur le bouton vert.

– Derek Hale.

– Derek, c'est moi.

– Oh salut shérif ! Me dis pas que l'un de mes jeunes a encore…

– Non… C'est… Scott.

– Quoi ?

– Hier il n'est pas allé travailler et on l'a retrouvé inconscient chez lui.

– Comment va-t-il ?

– Il n'a toujours pas repris conscience. Il est à l'hôpital. Derek… Toutes ses constantes sont bonnes. C'est à ne rien comprendre…

– Je vois…

– Comme vous étiez proches tous les deux, j'ai préféré te prévenir.

– J'arrive.

– Merci.

Sa voix est tremblante, presque éteinte, mélange de peur et d'infinie tristesse. Peu étonnant, il le considère comme son deuxième fils. Je n'ose imaginer l'état de Melissa. Je contacte Rick pour lui expliquer la situation. Sans rechigner, il accepte de prendre mes rendez-vous et me souhaite bon courage. Je le remercie avant de mettre fin à notre communication. Légèrement anxieux face à l'état de santé de mon ami, je file jusqu'à l'hôpital. Sans Scott, notre ville est privée de son protecteur. Sans Scott, nous sommes à la merci d'une déferlante de surnaturel.

Je me gare sur le parking visiteur et je me présente à l'accueil. La secrétaire me donne le numéro de sa chambre. Je la rejoins précipitamment. Noah m'attend devant la porte, la mine sombre.

– Bonjour Derek, souffle-t-il.

– Il est…

– Oui… Et Stiles est à l'intérieur, je l'ai appelé hier soir.

– D'accord.

Stiles, je ne l'ai pas vu depuis trois ans. Il a coupé les ponts avec la plupart des gens de la meute suite à sa séparation avec Lydia. Je crois que seul Scott avait de ses nouvelles. J'inspire profondément pour calmer mes pulsations cardiaques et je pénètre dans la pièce.

Les stores sont relevés, la lumière du jour se réverbère sur des murs trop blancs. Scott gît dans son lit, comme endormi. Des tuyaux sortent de son nez et des fils le connectent à une grosse machine. Sur une chaise, Stiles, l'air sévère, ne relève pas la tête vers moi. Il fixe le visage inerte de son meilleur ami.

– Stiles, lancé-je gravement.

– ‘Lut, répond-il sans même me décrocher un regard.

Je perçois directement l'aura sinistre qui l'accompagne. Ses yeux ne brillent plus de cette lueur malicieuse qui les caractérisait tant. Une barbe négligée habille sa figure et ses lèvres, défaites de tout sourire narquois, se déforme sous son inquiétude. Il paraît presque plus âgé que moi.

– Tu vas rester longtemps à me regarder ? demande-t-il sèchement. Que tu sois surpris de me voir, je le conçois, mais tu ne crois pas qu'il y a plus important là ?

Son assurance est déstabilisante. Il a changé, bien plus que ce que je ne peux l'imaginer. Je passe la main dans mes cheveux, cela ne me regarde pas. Seul l'état de Scott est préoccupant. Je m'assois face à Stiles pour prendre la main de notre alpha. Je tente vainement d'absorber sa douleur.

– Merde, marmonné-je.

– Quoi ?

– Je n'y arrive pas.

– Il ne doit pas souffrir.

– Merci pour ton intervention Stiles.

– Ne me crache pas ton impuissance à la gueule.

Il daigne enfin poser ses iris noisette sur moi. Ils sont froids, dénués d'émotions. Je ne connais que trop bien ce regard, je le vois presque tous les jours au travail. C'est le manteau d'indifférence que revêt les âmes tourmentées. Retorquer par de l'agressivité n'apporterait rien de bon.

– Je suis là pour la même chose que toi Stiles. Je suis aussi inquiet pour lui.

Il se mord la lèvre inférieure, ses traits se radoucissent légèrement. Il joue frénétiquement avec ses doigts.

– Ouais, soupire-t-il. Je sais. J'espère qu'il se réveillera bientôt… Scott c'est…

L'espace d'un petit instant, je retrouve le Stiles d'avant. J'ouvre la bouche pour lui répondre quand la porte s'ouvre. Malia, Liam et Jordan nous interrompent. Les seuls à être restés à Beacon Hills. Ils me saluent d'un hochement de tête puis, leur pupilles alternent entre Scott et Stiles. Ce dernier esquisse un faux sourire en murmurant un « Ça fait longtemps ». Les nouveaux arrivants discutent des différentes hypothèses qui auraient pu mener notre meneur dans ce lieu aseptisé. Stiles ne décoche pas un mot, sa longue absence l'avait éloigné de notre monde dangereux et de ses énigmes. C'est, du moins, ce que je pensais jusqu'à ce qu'il redresse la tête accaparant l'attention de toutes les personnes présentes ici.

– Aucun signe d'agression physique, énumère-t-il. Vous comme moi, on sait très bien que ce n'est pas une maladie. Tout porte à croire qu'il s'agit là d'une origine plus… Particulière. De toute manière, il n'y a que ça dans cette foutue ville. Il faut parler à Deaton,

– Content de te revoir sur le terrain, sourit le chien de l'enfer.

– Ne t'y habitue pas trop. Une fois qu'il est réveillé, je repars.

La personnalité acerbe de Stiles laisse tout le monde sans voix. J'observe des échanges visuels furtifs entre eux. Malia m'interroge silencieusement, je décide alors de me lever et de prendre la parole :

– Peu importe. Si l'hyperactif choisit de repartir, c'est son choix. En attendant que Scott reprenne ses esprits, il nous faut un leader de substitution. Sans alpha, on est vulnérable.

– Et j'imagine que tu parles de toi, me coupe brutalement Stiles. Pff. Tu n'as pas changé. Scott n'est même pas mort que tu penses déjà à le remplacer. Tu es vraiment…

Sa colère est palpable, ses poings fermés tremblent et l'ambiance devient électrique. S'il croit que je vais le laisser déblatérer toutes ces absurdités, il se trompe lourdement.

– À vrai dire, c'est plus à toi ou à Malia que je faisais allusion. J'ai déjà assez d'ados rebels à gérer. Mais vas-y, je t'en prie, termine ta phrase.

– J'ai rien à voir avec tout ça, je n'ai pas les épaules pour et Scott va s'en sortir.

Il se presse hors de la chambre, la mâchoire serrée. Je touche mon front, expire fortement et lui emboîte le pas. Finalement, l'arrivée de Stiles sera plus une source de stress que d'aide. Cela me fatigue déjà. Dehors, je vois sa silhouette s'évanouir au bout d'un long couloir. Le shérif me détaille, une tasse de café à la main.

– Qu'est-ce qui lui arrive, le questionné-je. Ce n'est pas « Stiles ».

– Mmh… Les gens évoluent en fonction de ce qu'ils vivent. C'est bien mon fils, il passe juste un moment difficile. S'il y a bien quelqu'un pour le comprendre, je crois que c'est toi.

– J'ai d'autres choses à faire.

– Je sais. Mais, s'il te plaît, ne sois pas trop dur avec lui.

– Ok.

Stiles réapparaît avec un gobelet dans la bouche tandis que ses mains s'affairent sur son téléphone. Il lorgne son écran les sourcils froncés, fait une grimace de désapprobation et le range dans sa poche. Il s'approche pour se planter devant moi.

– Désolé Derek, marmonne-t-il. Je t'ai mal jugé.

– On va avoir besoin de toi. Tu es le plus intelligent d'entre nous.

– Je sais pas, je…

– S'il te plaît, Stiles.

M'entendre lui demander de l'aide aussi désespérément le fait tiquer, un éclat amusé ne durant que quelque seconde illumine ses yeux ambrés. Il se gratte la nuque et son attention se pose sur la porte de la chambre.

– Pour Scott, abdique-t-il.

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Nouveau petit Sterek du point de vue de Derek, j'espère que cela vous plaira. 💜

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