Chapitre 1


À l'aube de cette première journée, Amina se prépare. Il est 5h45, et pourtant, elle est déjà debout. Enfin... Il serait plus exact de dire qu'elle ne s'est pas couchée. Comme d'habitude, en somme. La routine... 

À quand remonte la dernière fois où elle a réussi à dormir ? Eh bien, il y a environ 5 ans. À ses 15 ans. L'époque où tout a commencé... 

C'était un matin hivernal, Amina marchait, tête baissée, le long du trottoir la menant à son établissement. 

Elle n'allait pas trop mal, si on éclipsait le fait qu'elle commençait à craindre le groupe de garçons qui, au lycée, la maltraitait sans raison apparente. Qu'avait-elle fait pour mériter un tel traitement et une haine si intense de la part de ses camarades ? Sa réponse était la même à chaque fois : « Rien. » Et pourtant, par leur comportement envers elle, ses camarades lui faisaient payer une mauvaise action complètement fictive. 

Depuis peu, certes, mais c'était déjà trop au goût d'Amina. Elle ne voulait pas se laisser faire, elle en avait marre d'être faible face à eux. Aujourd'hui, elle essayerait de le leur faire comprendre, par quelque manière que ce soit, et elle ferait tout pour stopper ça. 

Quoi qu'il arrive, elle ne regretterait rien. Enfin, si elle avait su... 

C'était avec cette intime conviction qu'elle était arrivée à son lycée, déterminée à ce que rien ne gâche cette journée. Elle commençait déjà si bien, car elle n'avait pas encore vu un seul garçon de la bande qui la harcelait, alors il n'y avait pas de raison pour qu'elle continue mal. 

À peine eut-elle franchi le portail du bâtiment qu'une sonnerie stridente retentit, signifiant le début du premier cours. 

Amina faisait toujours exprès d'arriver juste au moment où l'heure de cours débutait, pour enlever tout risque de confrontation avec ses harceleurs. Cette technique semblait d'ailleurs plutôt bien marcher... 

Avec un grand manque de conviction, Amina se dirigea vers son cours de Physique, où l'attente que le cours se termine allait être longue. Sans plus réfléchir, elle posa son sac sur la table et laissa tomber lourdement sa tête dessus. 

Non pas qu'elle comptait se reposer, elle essayait juste de se soustraire à l'agitation permanente qui régnait et menaçait de lui vriller les tympans. Elle essayait de plonger dans sa propre bulle, là où rien ne pouvait l'atteindre, et s'y faisait un cocon douillet, accessible à elle seule, isolé de la réalité et de toutes ses obligations et ses déceptions. 

Une cage protectrice dans laquelle elle s'enfermait, mais qui la rendait plus distante, froide... Elle se mûrait dans le silence, ne sachant jamais quelle décision prendre, guidée par un besoin pressant de fuir ses responsabilités, comme un lâche. 

Ce qu'elle était, vu ainsi. Mais pour elle, elle n'avait rien à se reprocher. Non, pour elle, elle ne faisait que se protéger des horreurs de son passé, et elle s'empêchait de sombrer dans le désespoir qui l'envahissait en permanence. 

Alors qu'elle s'enfonçait de nouveau dans ses sombres souvenirs, un bruit lointain de sonnerie la fit revenir sur Terre, et elle constata que le cours était terminé et que déjà, presque toute sa classe était partie vers le bâtiment où se trouvait sa pire matière : l'anglais ! 

À quoi bon parler une autre langue, se disait-elle, si les autres ne se donnaient pas la peine de faire eux-aussi des efforts ? Et pourquoi ne pas avoir instauré une seule langue pour le monde entier, histoire de faciliter la vie à tous, au lieu de se diviser en une multitude de pays, avec des populations qui ne se comprenaient pas, ce qui créait encore plus de tensions que nécessaire ? La vie serait tellement plus facile s'il n'y avait pas toutes ces histoires de puissances et ces guerres sans intérêt entre pays ! Ce qui désolait le plus Amina était le fait que les êtres humains s'entretuent. Ils tuaient leurs propres congénères. Leurs frères, leurs sœurs ; peut-être même aurait-ils pu être leurs amis s'ils étaient nés au même endroit ! 

Ses pensées s'entrechoquaient par dizaines, et plus elle réfléchissait, plus la bêtise des Hommes lui faisait honte et la laissait dans la plus totale incompréhension et le plus grand désarroi. Décidément, elle ne comprendrait jamais ce qui se passait dans leur tête, et leur lubie à toujours tout vouloir conquérir et régner sur le monde en tant que maître ultime... Ils paraissaient si... stupides !

Mais l'heure n'était pas aux apitoiements. Elle avait un cours à suivre, que ça lui plaise ou non, alors autant garder ses réflexions pour elle pour plus tard. 

C'est avec une absence de motivation non dissimulée qu'elle entra dans le cours, avec pas moins de cinq minutes de retard. Mais la prof la remarqua à peine, trop occupée qu'elle était à expliquer à un élève l'importance de l'emploi de l'accent anglais ; et aussi bien trop habituée à ses retards fréquents. 

Comme d'habitude, Amina s'assit tout au fond, et laissa ses pensées vagabonder et l'emmener dans un monde merveilleux et magnifique, où régnait sans cesse la paix et une symbiose parfaite. 

Une utopie unique en son genre, qui ne pouvait être possible que dans son esprit débordant de créativité et d'imagination. 

Se passèrent ainsi les deux cours suivants, jusqu'à ce que la cloche de la délivrance, comme Amina s'amusait à l'appeler, ne retentisse pour annoncer l'heure de manger. 

Amina n'avait pas particulièrement faim, mais elle était certaine qu'elle serait mieux au réfectoire que confinée dans une salle de cours. 

C'est avec cette intime conviction qu'Amina prit la décision de se diriger vers le bâtiment allongé où étaient disposées une quantité étonnante de tables collées les unes aux autres. Aurait-elle mieux fait de choisir de ne pas aller à la cantine, et plutôt s'allonger sur l'herbe tendre du parc du lycée ? Ça, elle ne le saurait sans doute jamais... 

Après, elle n'avait qu'un vague souvenir des événements qui s'étaient ensuivis. Elle se rappelait cependant avoir croisé le regard d'une paire d'yeux vert d'eau et avoir entendu résonner un rire méprisant. Puis, le son d'une voix s'était élevé, cette même voix qui la hantait depuis quelques temps, et un coup sourd s'était répercuté dans chaque parcelle de son être. Avant même qu'elle ait pu comprendre ce qui lui arrivait, sa vision s'était troublée, ses oreilles avaient cessé de fonctionner, puis le monde autour d'elle s'était mis à tourner, et elle s'était sentie tomber lourdement, puis s'écraser violemment contre le sol, avant que sa vue ne s'éteigne. 

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