rêve.
"Ma vie était parfaite.
J'étais populaire, beau, intelligent, en un seul mot, parfait.
Le "beau gosse" du lycée.
Souvent, les filles tournaient autour de moi, et ça avait vraiment le don de m'énerver.
Je n'avais jamais aimé être populaire pour être populaire, mais j'aurais plutôt aimé être populaire pour avoir fait quelque chose de bien. Mais pas haï pour avoir fait quelque chose de mal. Malheureusement...
Pourtant, juste parce que j'étais beau, agréable, gentil, me voilà propulsé a la tête de l'école. A la tête du BDE. Délegué.
Mais ne croyez pas que ma vie ne me plaisait pas, au contraire !
J'aimais vraiment beaucoup ma vie, elle était parfaite. Des parents riches, aimants, ayant du temps pour moi, des bonnes notes, des amis. La seule tâche dans ce magnifique tableau était que je n'avais aucune petite copine, malgré toutes les filles qui tournaient autour de moi, espérant me conquérir, tel un trophée qu'elles auraient ramené chez elles.
Mais je n'étais pas dupe.
Elles ne voulaient pas mon coeur, mais mon argent.
C'était pour ça que je ne préoccupais pas d'elles.
J'aimais à me moquer de ceux que j'appelais les "losers" en compagnie de ma bande.
Les plus pauvres de l'école, qui "puaient l'urine et la boue", qui n'avaient pour seuls habits que des guenilles. Qui ne prenaient pas de douches. Alors que nous, on se baignait dans le plaisir, la richesse, et nos vêtements étaient toujours à la dernière mode.
Oui, j'ai harcelé quelqu'un. Mais ce n'est pas pour faire mon mea culpa que j'écris cette lettre.
Je me souviens encore de ce jour, en primaire. J'étais déjà un pourri gâté, arrogant comme pas deux, qui croyait que le monde était mien. Maman, papa, pourquoi m'avez vous créé comme ça ?
J'embêtais les petits dans la cour de récré. Et là, je m'en étais pris à une petite fille sans défense, car elle avait osé me défier, que je m'acharnais à torturer de mes mots et de mon compas. Je trouvais ça marrant de faire des coupures sur son petit corps tout frêle et tout tremblant, alors qu'elle me suppliait d'arrêter avec les larmes aux yeux, qui coulaient sur son visage pâle et effrayé.
Puis, la pire erreur que j'ai commise arriva.
Alors que je m'attaquais à son visage, plus précisément le côté de son oeil, elle qui était sans défense et à ma merci collée contre le mur, la cloche sonna. Cela me fit sursauter, et donc louper la coupure que je m'apprêtais à faire.
Je me souviens encore des cris déchirants qui ont résonné dans la cour ce jour ci, du sang qui coulait à flots sur mes vêtements, mes mains et mon compas. Je me souviens avoir regardé mes mains et d'y avoir vu une inscription, imaginée par mon esprit. Meurtrier.
Je me souviens avoir éprouvé une vive culpabilité.
Quand j'ai crevé son oeil par erreur.
Je n'aurai jamais dû faire ça. Je me souviens encore de son air décomposé, alors qu'elle hurlait "je ne vois plus !".
Je lui avais ôté un des sens les plus importants et ce, sans faire exprès.
Je ne l'avais pas reconnue lorsqu'elle est entrée dans ma classe, à l'école. Je n'avais pas compris pourquoi son air était devenu noir alors qu'elle me lançait des petits regards, ni pourquoi elle possédait un cache-oeil.
Mais notre train-train quotidien reprenait.
Harceler les jeunes, ah que c'était marrant !
Jusqu'à ce que cette même fille s'interpose entre nous et eux, les défendant.
J'avais vraiment été énervé par cette fille, et elle semblait l'être aussi contre moi.
Je peux presque me refaire la scène. . .
"- Pourquoi tu protèges les losers ?! Dégage !"
"- Mon petit, je te conseille de dégager de mon chemin tout de suite, où tu le regretteras."
Elle avait souri, d'un air profondément maléfique, qui m'avait fait douter sur le coup. Mais j'avais persévéré.
Sur le coup, elle est partie, mais le lendemain, elle me l'a bien fait comprendre.
Le lendemain, tout le monde me regardait mal. Mes amis m'ignoraient, les filles aussi.
Je me sentais vraiment mal vis à vis de ces regards, ce qui m'avait fait mettre ma capuche plutôt timidement, ce qui n'était pas dans mon habitude.
Je détestais tous les regards noirs braqués sur moi. Mais j'avais rapidement compris que c'était la faute de cette fille.
J'avais eu du mal à la trouver, mais, j'avais marché directement vers elle et l'avais choppée par le col alors qu'elle discutait avec deux de nos camarades.
"- Qu'est ce que tu as fait ?!"
Elle avait ri. Un rire froid, dénué de toute émotion. Je me rappelle encore du frisson qui m'avait parcouru à ce moment là, alors qu'elle me regardait dans les yeux :
"- J'ai révélé le petit secret de ton père à la presse !"
J'etais resté interdit. Mon père était l'un des hommes les plus incroyables que je connaisse, entrepreneur, passionné, dynamique, il avait créé une des entreprises les plus connues du pays.
Je ne pensais pas qu'il avait un sombre, sombre côté !
"- De quoi tu parles ?!"
Elle ria une fois de plus, cette fois-ci avec joie.
"- Quoi, tu ne sais pas ?"
"- Mon père est l'homme le plus incroyable que je connaisse !"
A ce moment là, des regards de dégoût ont envahi la salle, et rapidement, je fus apostrophé de cailloux, me faisant lâcher cette fille, et tomber à terre pour me protéger.
"- C'est bien, il faut raconter des histoires aux enfants pour les aider à dormir. Maintenant écoute moi. Écoute ma voix."
Je m'étais tu. Mes camarades semblaient me détester, et je ne savais pas la raison.
-" Ton père a violé une fille. Une petite fille. Ma soeur. De 5 ans."
Sa voix était emplie de haine, envers moi et mon père. J'étais resté muet, la bouche ouverte en O sous le choc et l'horreur. Je ne pouvais pas y croire. Mon père était adorable.
Mais, que penser des regards de ces personnes ?
Alors, je fus bien obligé de la croire.
"- Sans compter ce que tu m'as fait."
A ces mots, je relevai la tête, que j'avais gardé baissée : je ne lui avais rien fait a ce que je sache ?
C'est en croisant mon regard qu'elle enleva son cache-oeil et que j'y vais un œil percé.
Son identité me sauta alors aux yeux. C'était elle.
Pourquoi n'avais-je pas compris dès le début ? Elle cherchait clairement la revanche envers moi et mon père, elle avait le même prénom... Merde.
Je m'étais alors relevé, couvert de honte, les larmes aux yeux, alors qu'elle me couvrait d'un regard provocateur et content de son petit effet. Puis j'étais parti à la course, partant loin, loin d'eux, de mes camarades, loin de la vie, loin de la réalité qui me semblait absurde et irréelle.
En effet, elle avait de quoi.
Premièrement, ma vie a l'école est devenu un cauchemar. Moi qui aimait me sentir fort, tout-puissant, me voilà la victime incapable de se défendre et blessée. J'étais comme un petit animal, sensible aux chasseurs. Ici, les élèves.
Comment avais-je pu passer si facilement de dominateur à dominé ? À cause d'elle.
Mais je ne lui en veux pas. Après tout, elle avait ses raisons. . .
Harcèlement. Moqueries. Coups.
Les professeurs eux aussi me regardaient avec dégoût.
Honte. Tristesse.
Je me haissais désormais, ainsi que toutes les actions que j'avais commises jusqu'à présent. Comment j'avais pu être un si grand enculé ?
L'entreprise de mon père avait coulé, était noyée sous les abysses de la honte.
Il avait été emprisonné. 20 ans de prison. Sans liberté conditionnelle.
Malgré tout l'argent qu'il leur a proposé, tout le monde avait refusé, trop scandalisés pour être corrompus aussi facilement. Et ce, malgré tous ces efforts.
Ma mère avait quitté mon père. Jamais elle n'avait accepté ce viol et était même honteuse d'être sortie avec lui. Elle m'avait laissé en plan, tout seul. Ayant honte de cette union et de ce que j'étais. Un horrible enfant.
Je la comprenais aussi.
Je n'avais plus de parents : plus d'argent : plus d'amis : plus de popularité, même si elle était déllusoire.
Il ne me restait que la tristesse derrière laquelle me réfugier. J'étais alors sombré dans une sévère dépression, ce qui me conduit ici.
Alors, il ne me reste qu'à écrire cette lettre, en priant pour que quelqu'un la lise un jour, et découvre le point de vue d'un petit gamin pourri gâté, qui a commis des erreurs, beaucoup trop d'erreurs pour être pardonnées.
Alors, il ne me reste plus qu'à déposer mes chaussures sur le sable. A entrer dans l'eau, mon corps rempli de bleus et blessures en tout genre non soignées. J'ai toujours aimé la mer et les poèmes. J'imagine que c'était un bon compromis.
Alors, il ne me reste plus qu'à mettre fin à cette lettre. Exprimer mon âme poétique si souvent refoulée. La laisser avec mes chaussures, sur le doux sable du crépuscule.
Les pieds pataugeant dans l'eau, je rédige la fin de ma lettre.
Que diront-ils lorsqu'ils retrouveront mon corps au fin fond de l'océan ?
Peut-être qu'ils s'en voudront. Ou peut-être qu'ils riront, heureux d'entendre cette nouvelle. Peut-être regretteront-ils. Mais personne ne le sait.
Alors, je ferai du reste de ma vie un doux rêve, et non un mauvais rêve."
XX/XX/2023.
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