Le minable magnifique


« Qu'est-ce que tu as ? Tu as l'air au plus bas Phœnix.

- Ah bon ? Non, j'ai juste pas beaucoup dormi.

- Toi aussi ? Bande de porcs, vous faites quoi de vos nuits les mecs ? »


Il n'avait franchement pas envie de sourire ou mentir. Il avait trop mal, trop mal qu'on lui fasse ça. Rosalyne, qui plus est, Rosalyne ! Il ne gagnerait jamais contre ce genre de fille, aurait-il voulu se battre un jour pour lui...

Une once d'espoir le saisit brutalement : Declan restait son âme-sœur. Phœnix aussi loin qu'il s'en souvienne l'a toujours désiré mais lui ? Il n'était pas gay et sortait avec Rosa, son mètre soixante-dix, son allure, son charisme...


Rosa, cette fille qu'il n'était pas.



Et ce soir, il allait devoir aller chez les Night pour fêter son retour ! Il serra le poing à en faire blanchir ses phalanges ; cette colère se dissimulait de plus en plus difficilement derrière ce visage de sociabilité qu'il s'était créé.

Dans son nouvel environnement scolaire, malgré tout, Phœnix était devenu l'alpha dominant : beau, sportif, intelligent. Les filles l'adoraient et les garçons aimaient le détester. Il n'avait aucun rival, aucun détracteur, aucun tourmenteur. Le sommet, il avait atteint le sommet.

Pas d'amis, pas de groupe, pas d'attache. Seul. Seul face à lui-même et dire qu'auparavant il recherchait désespérément la compagnie des autres. Ça lui faisait bien rire car maintenant il s'auto-suffisait. Sur le terrain de basket, il mettait tout les paniers : les coast to coast, slam dunk, alley-oop, drive etc.

On aurait dit un chien fou avec une balle.


Rosalyne, comme la plupart des filles, assise sur les gradins était bouche-bée. Tout bonnement incroyable cette façon de jouer, cette rage qu'il dégageait ! Sa copine Cassy, assise à côté d'elle, ne cachait pas sa stupéfaction.

« Clay !, hurla le prof de sport. T'es pas solo sur le terrain ! »

Rappel à l'ordre inutile, l'exaltation qu'il ressentait était trop forte pour qu'il puisse se modérer. Il fallait que ça sorte, le sport serait pour aujourd'hui salvateur.

« C'est impressionnant, même les meilleurs de l'équipe n'arrive pas à le maîtriser ! », commenta Cassandra

Rosalyne retenait son souffle. Son appareil photo dans les mains, elle ne put s'empêcher de capturer l'expression de cette force brute par divers clichés.


Fin du match, le sifflet signe l'arrêt du jeu. Phœnix alla dans les vestiaires, laissant derrière lui tout un public estomaqué et admiratif. Rosalyne le voyant partir, décida de le suivre discrètement pour le surprendre.

« Phœ... »

Les nerfs brûlant à vifs, il avait mis sa tête sous l'eau froide. Son pouls reprit une cadence normale, le calme gagna à nouveau son être. Ses yeux durs comme l'airain croisèrent ceux de la jeune femme. Il n'avait pas besoin de parler pour qu'elle comprenne le message ; la jeune femme s'en alla sans demander son reste.


***


Les invités commençaient déjà à affluer, Declan retenait son souffle. Dans la cuillère de métal qu'il avait dans la main, il pouvait voir son propre reflet.

« J'ai plus cinq ans pour avoir peur de la maîtresse. »

Il la reposa violemment sur la table puis se tourna vers ses congénères pour engager une discussion. Un verre de vin dans la main, il se questionnait encore sur comment s'y prendre pour confronter « cette âme-sœur » qu'il avait refusé ; cette crevette, trop imparfaite pour lui ; un faible au bas de ...

« Phœnix Clay est devenu impressionnant à ce qu'il paraît ; certains disent l'avoir croiser et ne pas en croire leurs yeux .

- Quoi ? J'étais perdu dans mes pensées, je n'ai pas entendu, s'excusa Declan

- Je parlais du roi de la soirée, reprit son interlocuteur. Je disais que Phœnix Clay allait nous subjuguer ! »


Ce membre de la meute, qu'il ne connaissait même pas, le saisit vigoureusement par l'épaule. Un autre réagit du tac au tac avec un ton méprisant :

« Je ne pense pas qu'il puisse nous arracher une réaction. Le bêta-récessif, ce sont des légendes qu'on nous raconte pour que les plus faibles ne désespèrent pas.

- Ce n'est pas une tare de vouloir aspirer à l'élévation, rétorqua Declan. Nous sommes peut-être déterminés par les dons de la Nature mais la volonté nous pousse à être meilleur. Excusez moi messieurs. »


Il laissa derrière lui les deux hommes pour retourner à ses tumultes de pensées.

« J'espère que je ne l'ai pas vexé...

- Ha!Ha!Ha ! C'est ce qui s'appelle se faire fermer sa gueule. Le petit Declan cause comme un chef ! »


Non, il ne parlait pas comme un chef ; il ne savait même pas d'où ça lui est venu.


En fermant les yeux, il sentait cette bête latente hurler dans les tréfonds de son cœur. Bien qu'il ne voulait pas le voir, bien qu'il l'ait rejeté ; son désir de posséder ce quelqu'un fait pour lui était trop... vital.

Une blessure cicatrisée qu'il ouvrait lui-même sciemment. S'il voyait Phœnix, il le tuerait de ses propres mains pour que se taise à jamais cette voix suppliant le destin de remonter le temps.


« Attention ! »

Declan s'excusa, son verre de rosée maintenant vidé sur le costume de l'inconnu. Celui-ci lui sourit, disant qu'il n'y avait pas de mal. Leur ton était amical, ils avaient le même âge. Declan réalisa alors que cet inconnu ne l'était pas tant que ça et le besoin de fuir fut plus fort que tout. Cet homme à la poigne de fer ne lâchait pas son poignet, cet inconnu mémorable balbutia confusément son nom :

« De... Declan... »


Phœnix se retourna alors, apostrophé par les membres de sa famille. Declan profita de cet instant d'inattention pour se défaire de son étreinte.

Devant ses responsabilités en fin de comptes, il avait choisi la voie empruntée par beaucoup d'autres : la fuite.

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