9. Le souvenir houleux
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Des martèlements qui semblaient lointains, très lointains, obligèrent Akko à se couvrir les oreilles. Les bruits étaient répétitifs, si répétitifs qu'ils en donnaient un mal de crâne insupportable au garçon. Tout autour de lui était sombre et il peinait à distinguer quelques objets ; tables, commodes, chaises... Il ne connaissait pas cet endroit. La disposition des meubles, les teintes des tapisseries, les fleurs fanées reposant dans des bocaux translucides ; non, il ne connaissait pas cet endroit. Akko se trouvait dans l'entrée d'une demeure plutôt spacieuse, d'après lui. Deux murs sur ses côtés étaient scindés en quatre portes, deux de chaque, et l'une sur sa gauche était ouverte. Il voyait une salle à manger généreuse et très élégante, avec des chaises de couleur crème aux accoudoirs dorés luisants, et... La porte se referma dans un bruit sourd, faisant cesser les martèlements. Un frisson parcourut l'échine d'Akko, et il se hâta de monter quatre à quatre les marches de l'escalier situé face à lui.
Un long corridor aux murs briqués d'un joli gris clair s'imposa à Akko. Il avança à pas lents, faisant craquer sous ses pieds le parquet. Trois portes se dressaient le long du couloir à sa gauche, enfoncées dans les briques, séparées de quelques mètres chacune. La seconde s'ouvrît doucement sur une petite fille dont le visage cloua Akko sur place, déformant ses traits. Ses cheveux très blonds aux boucles parfaites tombaient juste en-dessous de ses épaules, dans son dos, et elle fixait de ses yeux en amande grisonnants une grosse peluche noire qui représentait un chat. Elle avait un nez finement retroussé et des lèvres aussi pincées qu'Akko ; c'était lui, sa copie exacte, en plus jeune et en efféminé.
La petite fille, en revanche, contrairement à Akko, n'était pas trop maigre. Ses mollets étaient galbés, et on ne voyait ni ses veines, ni ses os à travers la chair de ses bras. Elle portait une robe légère lui arrivant pile au-dessus des rotules, blanche avec de la dentelle, aux manches ballons courtes. Akko voulut lui effleurer la paume de la main pour vérifier qu'elle était bien réelle, or il la traversa. Avait-il cette fois encore la possibilité de faire vibrer ses cordes vocales pour user de sa voix rauque et doucereuse ? Un vague souvenir de ce genre lui revenait, mais il s'évaporait dès qu'il essayait de se rappeler sa provenance. Akko essaya d'articuler quelque chose, mais rien ne sortit d'entre ses lèvres. Il tenta encore, même résultat. La situation ne lui laissa pas le temps de recommencer ; trois coups résonnèrent. Comme si on avait frappé dans un mur... mais certainement pas dans un mur fait de briques.
- Penses-tu que l'un finira par tuer l'autre ? »
Akko tourna vivement la tête vers la fillette, euphorique à l'idée qu'elle s'adresse à lui et qu'elle le voie. Or elle s'adressait à sa peluche. Une vague de déception rongea la gorge d'Akko. La blondinette retourna dans sa chambre, et Akko s'attendît à ce qu'elle ferme sa porte, or elle s'immobilisa et fit marche arrière. Elle se rendit devant la porte tertiaire pour poser son chat juste à côté et l'étreindre, puis devant la première porte. L'enfant toqua plusieurs fois, jusqu'à ce qu'un garçon ne lui ouvre. Un garçon qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à Akko, mais qui semblait avoir dix ans à peine. La fille paraissait attendre que l'autre ne prenne la parole, mais il n'en fit rien.
- Lenore.
La copie rajeunie d'Akko baissa la tête, serra les poings. Elle avait l'air prête à exploser ; Akko s'attendait presque à voir son corps se fendre en des milliards de larmes. Cependant, rien ne se produisit.
- Lenore. » insista la petite fille.
Elle voulut lui attraper la main, mais le garçon s'en écarta, le visage tordu par une intense et apparente colère refoulée.
- Il va la tuer.
- Len...
- Il va la tuer, je te l'ai déjà dit, il va la tuer ! » la coupa l'enfant.
- Je... »
Il ne semblait pas décidé à la laisser placer ne serait-ce qu'un mot ;
- Tu ne fais rien, tu ne fais jamais rien. Je dois m'en charger tout seul.
- Non, Lenore. Je suis là.
- Mais tu ne sers à rien.
Ses paroles firent tressaillir la petite fille, et Akko, même si cette phrase ne lui était pas destinée, tiqua.
- Tu ne peux pas dire ça, petit frère !
Akko venait à peine de la voir pour la première fois, mais il aurait cru que la fillette ne se serait indignée qu'uniquement grandement poussée à bout. Elle lui avait semblé très, très calme.
- Pourtant, tu m'avais dit de ne pas mentir.
- Je ne sers pas à rien ! Je veux qu'on s'en sorte, tous les deux, je veux qu'on s'entraide ! Ce ne sont ni Hannibal ni Rudd qui vont le faire pour nous, et encore moins papa et maman.
- Vouloir, c'est bien, mais ça ne mène à rien. C'est le mot 'agir' qui doit t'entrer dans le crâne.
C'était certain ; Lenore n'était pas Akko jeune. Jamais il n'aurait eu le cran de parler de cette manière. Akko fut soudain soulagé. Il ne s'agissait bêtement que d'un rêve étrange.
- Je ne peux pas agir contre eux, et tu le sais. Ils vont me soupçonner et me punir.
- Moi, je suis prêt à prendre le risque. Avec ou sans toi.
- Tu n'as pas de cœur, ou quoi ?
- Au contraire, j'en ai un. Pour maman. Et c'est bien dommage que tu sois trop égoïste pour mettre de côté ta lâcheté légendaire.
Les paroles acides de Lenore résonnèrent dans le crâne d'Akko. Il ne sut pas pourquoi, mais il le prit comme l'une des leçons du Maître. Un jour ou l'autre, elle allait lui servir, il en était bizarrement persuadé.
- C'est parti.
Lenore adressa un léger sourire à la fillette ; à présent, il rayonnait, revigoré d'une force invisible, et c'était sa présumée sœur qui paraissait prête à se dissoudre en une myriade d'éclats.
- Tess n'a pas eu de chance, mais moi j'en aurai. Et ça vaudrait finalement mieux pour toi si tu restais dans ta chambre, au lieu de faire foirer mon plan. Prépare toi à appeler les secours, si tu veux servir un minimum. Si non, reprends la lecture de ton joli petit album, et continue à fermer les yeux sur tout ce qui se passe pour te croire en sécurité.
Lenore et sa sœur n'étaient-ils simplement que des personnages oniriques ? Et qui étaient donc Hannibal, Rudd et Tess ?
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