8. Le souhait de mort

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Akko déposa le bol de céramique à motifs floraux sur son chevet blanc scintillant, dépourvu de toute once de saleté. Le Maître s'appliquait à le nettoyer chaque jour, désirant ardemment - Akko n'en connaissait pas la raison - conserver la pièce dédiée au garçon complètement propre.

- C'est l'heure de la leçon. » dit doucement le Maître d'une voix rauque. Les battements du cœur d'Akko s'accélérèrent. Il acquiesça lentement et s'assit en tailleur près de son oreiller, sur son lit. Le Maître fit de même, un peu plus loin que le garçon.
- Aujourd'hui, nous allons parler de Roxane. » Il marqua une pause, s'assura qu'Akko était bien attentif, puis reprit :
- Roxane était une très bonne amie pour un garçon. Ils s'amusaient souvent dans les champs et dans les rivières. Roxane a apprit au garçon à faire des ricochets, et le garçon a apprit à Roxane à lire et à écrire. D'ailleurs, Roxane a une écriture magnifique, la plus belle de toutes. » Akko arqua un sourcil, curieux.
- Mais un jour, Roxane cesse de lui parler. Totalement. Elle se met à l'ignorer, elle ne veut plus du tout le voir. » Akko prit une expression triste.
- Comment réagirais-tu ?

Akko garda le silence un moment. Il ne souhaitait pas décevoir le Maître, il n'avait pas le droit à l'erreur. Le garçon déglutit. Il saisit l'ardoise aux contours cyan installée sur son chevet, à côté du bol, et s'empara d'un feutre noir. Après quelques secondes d'écriture, il la tendit face au Maître.
- Tu chercherais par tous les moyens de lui demander ce que tu as fait. Bien, et encore. Pas parfait, loin de là. Ce n'est pas quelque chose que toi, tu aurais forcément fait. Cela vient peut-être d'elle. Rappelle-toi que c'est elle qui t'as abandonné.

"Mais peut-être l'ai-je contrainte à l'abandonner.„

- Non. Vous en discuterez, mais tu ne dois pas la laisser t'en convaincre. Ce n'est pas toi le fautif, pas avec Roxane. » Akko, perplexe, acquiesça avec lenteur.
- Elle dit qu'elle ne t'apprécies plus beaucoup et que ta présence la gêne. Tu dois... » Les couleurs du monde s'assombrirent soudainement, et le visage du Maître, anciennement chaleureux, prit des couleurs froides et grisonnantes. Un sourire effroyable écarta les contours de sa bouche d'une manière ignoble, et des yeux globuleux remplacèrent les belles prunelles azur du Maître. Akko recula précipitamment, voulant hurler de frayeur - mais aucun son ne s'échappa d'entre ses lèvres.
- Tu dois la tuer... » La voix sépulcrale de la contrefaçon du Maître fit vibrer les murs. Non, toute la pièce. Tout commença à trembler étrangement, jusqu'à ce que le monde ne redevienne normal. Le Maître le scrutait d'un regard inquiet, avec sa beauté habituelle et ses teintes. Akko analysa sa chambre, pivotant rapidement dans tous les sens comme s'il était fou et délirant. Les mains du Maître se posèrent sur ses bras et les serrèrent.
- Akko ? » Sa voix avait repris son ton classique.

Quoiqu'un peu aiguë, comme s'il avait peur.
- Akko ? Tu es tout pâle. Et tu trembles. Tu es malade ? » Le garçon regarda son grand miroir, face au bout du lit, contre le mur parallèle à celui contre lequel le lit se trouvait. Il était blanc. Tout blanc. Et son corps était agité de spasmes. Akko entendit son souffle irrégulier. Il s'efforça de chasser de sa tête la vision qu'il venait de subir. Le Maître l'étreignit, lui transmettant un peu de chaleur.

- Peut-être n'étais-tu pas tout-à-fait prêt pour cette leçon. Repose-toi. » Akko tenta de se calmer et de reprendre ses esprits. Le Maître le relâcha peu après, et le scruta quelques secondes. Il semblait hésiter à s'en aller. Akko voulut lui indiquer qu'il préfèrerait qu'il reste, mais il était bien trop concentré à ne pas faire éclater son cœur.

- Repose-toi. » répéta finalement le Maître en se mordant la lèvre inférieure. Il parut soudain souffrant, mais Akko était trop occupé sur lui-même pour veiller sur son supérieur pour le moment. Le Maître se leva difficilement en étouffant comme un gémissement, et atteignit la porte à pas lents, avant de quitter la chambre et de la refermer.

Akko n'eut aucune réaction. Il se terra sous sa couette, essaya de ne pas songer à sa vision d'horreur. Mais les scènes revenaient et tournaient en boucle, trouant son âme. Arriverait-il à supporter ? Il serra les poings, appuya contre sa poitrine pour empêcher son cœur de bondir. Pourtant, rien ne s'améliora. Un halo noir rétrécit son champ de vision, assombrissant sa vue de pixels noirs. Il ne s'en sortirait pas. Pas seul. Dans la précipitation, Akko roula en boule jusqu'au sol, se blessant le coccyx. Il ressentait une douleur puissante à la poitrine : une souffrance semblable à un écrasement. Comme si on l'écrasait, on le compressait, on le ballonnait. Sans parler d'une sensation de serrement de plus en plus extrême.

Il rampa quelques mètres, se débarrassant tant bien que mal de sa couette, et atteignit sa porte en suffoquant. Une goutte de sueur coula le long de son visage, perla au bout de son menton. Il fut saisi de nausées : l'anxiété le gagna complètement et il tenta de crier. Il ouvrit la bouche, fit de son mieux pour produire un son, mais rien ne sortit. Il remarqua alors qu'il avait de plus en plus de mal à respirer. Non, il ne s'en sortirait pas. Akko tomba alors nez à nez avec les chaussures cirées du Maître. Le garçon releva la tête avec peine, implorant. Il s'attendît à ce que son supérieur ne se jette à ses pieds pour le sauver, mais il resta planté devant lui, immobile, pareil à une statue. Le regard qu'il lui lançait était... mauvais ? Il ne plaisait pas à Akko. On aurait dit qu'il le dégoûtait, que le Maître le trouvait pitoyable, lamentable.

Les paupières d'Akko s'alourdirent. Il n'entendit plus que les battements effrénés de son cœur, puis le monde s'effaça autour de lui. Et le Maître ne remua pas, il se contenta de croiser les mains dans son dos.

Avait-il souhaité sa mort ?

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