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Les rayons de soleil qui traversèrent la fine vitre de la pièce brûlèrent les yeux d'Akko, mais il les ouvrit sans plus attendre, fermant et rouvrant plusieurs fois ses paupières pour s'habituer à la luminosité. Il trouvait cependant qu'il y'en avait trop ; pourquoi les hôpitaux ne se contentaient- ils donc pas de tirer les maudits rideaux ? Au moins ne serait-ce qu'un petit peu ? Comme il s'y attendait, un drap blanc le surplombait, et il le souleva pour voir si ses vêtements avaient été remplacés : il avait toujours son jogging clair, mais son haut avait été changé par une blouse blanche à col en V. Il souffla un grand coup, regarda la chambre vide dans laquelle il était. Une chaise contre le mur, et rien autour du lit excepté des perfusions et d'autres machines médicales.

Que s'était-il passé, déjà ? Il ne se rappelait que du rêve curieux dont il venait de sortir. Des noms... Il devait se souvenir de noms, quelque chose en lui lui intimait que cela lui servirait. Mais desquels ? Il fouilla dans sa mémoire. Une fille... il avait monté des escaliers, puis il avait vue une petite fille. Une blonde aux cheveux très clairs qui lui ressemblait beaucoup. Et... il y'avait ces martèlements. Un garçon. Comment s'appelait-il, déjà ? Il se souvint de la voix frêle et mélodieuse de la fillette. Le...Lenore. Cela en faisait un de moins à retrouver. Ensuite, elle avait parlé de deux...

Carole.

Ce prénom s'imposa dans l'esprit d'Akko. Il voulut émettre un petit rire à moitié forcé, mais aucun son ne... Un éclat retentit pourtant. Comment était-ce possible ? Akko était muet de naissance. Du moins d'après le Maître. Mais ce n'était pas un menteur. Il devait avoir rêvé. Peut-être qu'il ne s'était pas totalement réveillé.

Carole.

Akko fronça les sourcils. Ce prénom ne lui disait absolument rien, et il savait pertinemment que la petite ne s'appelait pas Carole. Ça ne lui allait pas, il refusait de croire que c'était comme ça qu'elle... et de plus, c'était venu ainsi, rien ne prouvait qu'elle se nommait de cette façon ! Akko se rendit compte qu'il triturait brutalement ses doigts, dont la peau formant le contour de ses ongles s'émiettait. Il réfléchissait trop vite, si vite qu'il n'avait pas le temps de finir ses phrases mentales. Même pas le temps de suivre jusqu'au bout ses fils de pensées. Quel était le plus important à retenir, déjà ? Méditer l'aiderait grandement, mais dès lors qu'il fermait les yeux, son angoisse croissait.

Akko avait l'impression d'être en constante panique depuis quelques temps, bien qu'il n'ait aucun souvenir de ces derniers jours. Tout se mélangeait dans son esprit, et ça se retranscrivait en gros mal de tête. Les noms. Lenore... Et de qui avait parlé la fillette ? Deux personnes, d'après sa mémoire défaillante. Hannibal. Hannibal et... Ru... Rut...Ruth ? Il sentait qu'il y était, mais... il manquait quelque chose. Quelque chose sur quoi il n'arrivait pas à mettre le doigt. Gardons Lenore, Hannibal et... Ruth. Comment s'en remémorer à l'avenir ? LHR ? RHL ? HRL ? Ces trois lettres ne s'assemblaient pas en un mot prononçable. Lenniru..? Non, il perdait la tête, c'était n'importe quoi. De quoi en devenir dingue...

Akko décida de partir à la recherche d'un stylo, ou d'un crayon, tout ce qui puisse rendre possible l'écriture. Il se leva et vacilla, puis se rassit immédiatement en voyant le monde commencer à tourner. Cette sensation était ignoble... Les yeux qui tirent de tous côtés, le crâne prêt à éclater, la nourriture qui remonte. Il s'octroya un coup fort sur la tête, la secoua puis se dirigea vers la porte à pas rapides. Quitte à sombrer, autant le faire plus près du but, s'il pouvait au moins débuter son ébauche. Akko appuya sur la poignée ; un cliquetis métallique retentit... et la porte ne s'ouvrît pas. Il poussa, tira, et finit par donner des coups de pied dedans, puis des coups de poings. S'il avait été capable de hurler, il se serait arraché les cordes vocales.

Des larmes chaudes roulèrent le long des courbes de ses joues. Des larmes brûlantes sur sa chair gelée, qui prenaient de la vitesse en descendant et qui s'écrasaient contre le carrelage blanc à lignes noires en losange qui composaient le sol. Akko détestait se savoir enfermé dans un si petit endroit. Sa chambre était quatre fois plus grande, et la porte n'était jamais verrouillée.

Le monde tournait un peu plus vite qu'avant. Akko se laissa tomber sur son lit après avoir reculé de quelques pas, et il crut qu'il sombrait dans le néant lorsqu'il bascula en arrière, contre le drap soyeux. Il se tourna sur le côté, et eut une désagréable sensation de déséquilibre, comme s'il ne faisait pas que de faire pivoter son corps, mais tout le lit. Voire toute la pièce. Une migraine s'attaquait à lui. N'y avait-il donc rien d'autre qu'un mal-être constant au creux ses entrailles ?

Akko eut l'idée soudaine de dormir. Le temps passerait plus rapidement. Ou alors, il devrait tambouriner à la porte pour qu'on le sache éveillé. Peut-être que les infirmiers patientaient dans l'attente de son lever, et qu'ils pensaient qu'Akko reprendrait connaissance plus tard. Il s'accrocha à cet espoir, mais, vidé de toute force à cause de son découragement, le garçon décida de dormir. S'acharner sur une porte ne serait finalement pas une bonne solution. À peine les paupières closes, il les rouvrit aussitôt. Les vertiges puissants dont il était victime lui donnaient une grosse nausée, et il ne pourrait se reposer sans vomir.

Akko bondit hors du lit et tira les rideaux d'un geste rageur. Il passa une bonne heure à chercher une position confortable, dans laquelle ses souffrances s'atténueraient, puis finit par se sentir légèrement mieux complètement hors du drap, la fraîcheur des tissus contre sa peau trop chaude à son goût. Il entoura l'oreiller de ses bras, et tenta de placer correctement sa tête de façon à ne pas avoir l'impression de se tordre le cou.

Lorsqu'il crut avoir enfin trouvé le sommeil, il entendit le verrou tourner, à son plus grand désespoir.