Chapitre 6

Je fis un énorme effort pour ne pas tomber dans les pommes. Je regardai autour de nous. Toujours personne. J'accourus auprès de Maud.

« Maud ? Est-ce que vous m'entendez ? Répondez... s'il vous plaît... », la suppliai-je, le cœur battant.

Je retournai vers la voiture aussitôt. Peut-être y avait-il une compresse, ou un truc dans le genre pour arrêter le saignement. Je farfouillai dans tous les tiroirs, les mains tremblantes. Ma vue était floue. Enfin, je réussis à dénicher ce qu'il ressemblait le plus à des mouchoirs. Je me précipitai de nouveau vers Maud, manquant de trébucher à chaque enjambée. J'appuyai le mouchoir sur la plaie.

Que fallait-il que je fasse ensuite ? J'essayai de me souvenir au mieux de ce que j'avais appris aux gestes de premier secours. Ah oui, ça me revenait maintenant. Vérifier si la victime respirait en lui ouvrant le bouche. Je m'approchai du mieux que je pouvais du visage de Maud. Le temps qu'il se passa avant que je sentisse un courant d'air venant de son nez me parut interminable. Mais elle respirait, c'était le plus important. Ensuite... placer la victime en PLS. Ce n'était pas évident de me rappeler les détails de chaque mouvement, surtout aussi paniquée que je l'étais.

Pourtant, je suis arrivée à mes fins. Ok, après ça, appeler les secours. Mais il n'y avait aucun téléphone à proximité ! Pas même une cabine ! « Calme-toi, Alice. Respire un bon coup, tout va finir par s'arranger. » tentai-je de me rassurer. Je m'assis à côté de Maud et je vis des gouttes d'eau se poser sur son visage. Mes larmes. Comment vais-je m'en sortir sans elle ? Bien que cette situation ne soit apparemment qu'un rêve, j'avais besoin d'elle. Je ne pouvais pas la laisser mourir.

C'est alors que je sentis sa main se poser sur mon genoux. Ses yeux étaient à demi-ouverts.

« Maud ! Vous êtes réveillée ! Dieu merci, je commençais à perdre espoir ! m'exclamai-je. Est-ce que ça va ? m'inquiétai-je aussitôt.

- Oui, je crois, me répondit-elle d'une voix rauque, sans à peine bouger les lèvres. Que s'est-il passé ?

- Je n'en sais rien. Vous étiez sortie de la voiture, et quelques minutes plus tard, je vous ai retrouvée inconsciente, juste ici.

- Ah. Je suis désolée. Je ne me rappelle de rien. Tu veux bien m'aider à me relever ? », me quémanda-t-elle.

Je n'étais pas sûre que c'était la bonne chose à faire après s'être évanoui. Néanmoins, je la pris par le bras et commençai à la soulever. Une fois debout, Maud poussa un cri.

« Aïe ! Ma cheville ! gémit-elle. Je ne pense pas pouvoir reconduire tout de suite...

- Mais je ne sais pas manipuler un volant et des pédales moi ! m'apostrophai-je tout à coup. Je n'ai que quatorze ans !

- Je ne pense pas qu'on ait vraiment le choix », décréta Maud.

Une fois assises dans la voiture, moi sur le siège conducteur et elle au côté passager, je sentis mon estomac se retourner. C'était à peine si mes pieds touchaient les pédales. Maud m'indiqua comment démarrer la voiture. Évidemment, j'ai calé. On pouvait s'en douter. Je réussis à nous sortir du bord de l'autoroute à la troisième tentative. Maud essaya ensuite de me guider pour avancer et prendre les virages. Sur l'autoroute, je m'en sortais plutôt pas mal. En même temps, c'était une autoroute et on était seules au monde. Mais je me sentais quand même assez fière.

C'est quand il fallut en sortir que les choses se sont corsées. Au premier virage, ça je me suis débrouillée. Au deuxième, par contre, je faillis rentrer en plein dans des barrières de sécurité. Mais nous n'étions pas parties très loin de la maison. Nous réussîmes à arriver à bon port, non sans quelques cabossages sur la voiture. Mes mains étaient tellement moites que le volant était encore humide quand nous descendîmes de la voiture. J'aidai Maud à monter les marches jusqu'au perron, et lui apportai une attelle que je trouvai dans la chambre d'amis.

« Merci, Alice. C'est gentil. Tu t'es débrouillée comme un chef pour le retour ! me félicita-telle.

- Merci, mais je n'en suis pas aussi persuadée que vous. Désolée pour les enfoncements sur la carrosserie, m'excusai-je.

- Bah, ce n'est rien, ne t'en fais pas. » me rassura-t-elle.

Je préparai ensuite le dîner. Au menu, légumes sautés et pâtes. Avec tout ce qui s'était passé, je mourrai de faim. Et Maud aussi.

« Je pense avoir trébuché sur quelque chose cet après-midi. D'où l'entorse à la cheville. Je ne me sentais vraiment pas bien. Je ne sais pas du tout ce qui se passe. Ça m'inquiète, tu sais, me confia-t-elle.

- Oui, moi aussi. Je ne comprends pas non plus », mentis-je.

J'hésitais à lui avouer que tout ça n'était que le fruit de mon imagination. Qu'au fond, elle-même n'existait pas. Mais j'avais intérêt à jouer le rêve au maximum, si non je ne sortirai jamais de l'hôpital. Le cœur lourd, je débarrassai le couvert. Tout en nettoyant la vaisselle, d'obscures pensées m'assaillirent. Je m'en voulais de ne rien lui dire. Après tout, c'était de ma faute si elle était aussi mal. Lorsque je revins dans le salon, Maud était en train d'installer un lit improvisé sur le canapé à l'aide d'un coussin jauni et de vieilles couvertures.

« Je vais dormir ici, m'annonça-t-elle. Ça m'évitera de monter les escaliers.

- Vous voulez de l'aide ?

- Non, merci. Je vais me débrouiller. Va dormir maintenant, me demanda-t-elle, les yeux emplis de larmes. Et, Alice, avant que tu partes te coucher, je voulais te demander pardon, ajouta-t-elle.

- Pardon de quoi ? » m'enquis-je.

Elle détourna la tête. Je m'apprêtais à lui reposer ma question, puis me ravisa. Je ne voulais pas la brusquer, et, au vu de ses yeux rouges lorsqu'elle a levé les yeux sur moi, je préférais ne rien dire.

Je montais me coucher, la gorge nouée. Je ne savais trop que penser de la scène qui venait de se produire.

Ne parvenant pas à trouver le sommeil, je me tournai et retournai dans la tête tout ce qui s'était passé jusqu'ici. Pour résumer, j'ai rêvé d'hommes qui m'enlevaient, puis je suis retournée dans le passé par je ne sais par quel moyen, ensuite je me suis réveillée dans un hôpital avec les mêmes hommes de mon rêve, pour de nouveau retourner dans le passé qui était aussi un rêve. Normal que je n'arrive pas à m'endormir.

Je décidai de descendre boire un verre d'eau, afin de me changer les idées. Je marchai sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Maud.

Une fois arrivée dans la cuisine, je sursautai. Maud était là, debout, les yeux rivés sur un objet qu'elle tenait entre les mains. Elle ne me remarqua pas. Je fis un pas vers l'avant. Le parquet grinça sous mon poids. Maud eut à peine le temps de se retourner, que je surpris le sang sur la lame de couteau qu'elle tenait entre ses doigts.

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