« Co-Comment ça ? bégayai-je. Vous ne seriez pas plutôt sa fille ?

— Ma mère est morte d'un accident de voiture lorsque j'avais neuf ans », me répondit-elle en regardant au loin.

Je me sentis mal à l'aise. J'ouvris la bouche pour m'excuser, mais la femme continua.

« Tu n'as pas pu connaître ma mère. Mon prénom est Maud, si ça peut t'aider.

— Je... je ne me rappelle plus du prénom exact de la Madame Jarte que je connais... je ne saurais pas même dire si je l'ai entendu une seule fois », avouai-je, un peu gênée.

Je me demandai alors quelles questions je pouvais lui poser pour savoir si j'avais en face de moi la même Madame Jarte que dans mes souvenirs. J'étais en train de me creuser les méninges quand un soudain mal de tête m'envahit. Ce fut comme des milliers d'aiguilles qui me transperçaient le crâne. J'entendis comme une sorte de voix au loin, mais le son me parvenait faiblement. Je crus entendre les mots « aide » ou « problème », quand tout à coup, le silence ce fut. Je me pris la tête entre les mains.

« Tu te sens bien ? me demanda la jeune femme, l'air un peu paniqué. C'est étrange, tu es devenue toute rouge puis extrêmement blanche en l'espace de quelques centièmes de secondes.

— Oui, je pense que ça va, merci, lui répondis-je, tout de même peu rassurée. Je ne veux pas vous déranger plus longtemps, madame. Y aurait-il...

— Dors ici cette nuit, me coupa-t-elle. Et pas besoin du « madame ». Je t'en prie, appelle-moi Maud, me sourit-elle.

— Je ne saurais comment vous remercier, Maud », lui souris-je en retour.

Elle m'accompagna à l'étage et me prépara le lit d'une chambre d'amis. De la même façon que dans l'entrée, le mobilier était assez sombre, mais cela ne me dérangeait pas. Je me sentais vraiment en sécurité ici. J'essayai de ne pas trop angoisser, et je me dis qu'après tout, la nuit était censée porter conseil. J'aviserai ce que je ferai le lendemain. Lorsque je m'assis sur le lit, je découvris plusieurs articles de presse accrochés sur le mur.

Chaque photo d'article représentait des manifestations, des hommes et des femmes, tantôt dans la rue, tantôt dans des réunions, tantôt recevant un prix au milieu d'une foule les acclamant. Elles étaient en noir et blanc. Les mots « partis », « gouvernement », ou encore « république » se détachaient des gros titres.

« Vous aimez la politique, à ce que je vois. C'est cool, lui lançai-je.

— Oui, ça m'a toujours intéressée. Les différents mouvements, qu'ils soient communistes, socialistes, capitalistes, libéraux, j'ai toujours aimé les distinguer avec leurs avantages, leurs inconvénients pour notre société. Pourquoi les gens votent-ils pour celui-ci ? Pourquoi l'autre reçoit-il autant de critiques de tel journal ? Je n'en fait pas mon métier car je n'ai jamais réussi à faire des études de droit, faute d'argent, mais c'est un véritable passe-temps. J'aime particulièrement étudier l'évolution de notre politique depuis l'Antiquité, les différents régimes qui se sont succédé, tels que la démocratie, la tyrannie, la monarchie, mais aussi l'absolutisme, les régimes totalitaires, autoritaires, libéraux, ou l'empire. C'est tellement passionnant », soupira-t-elle, les yeux brillants.

Je dois reconnaître que j'étais parfois un peu perdue sur ce qu'elle venait de partager, mais je trouvais ça merveilleux d'avoir une passion dans laquelle on semble tellement s'investir.

« Désolée, je me suis un peu emportée, s'excusa-t-elle.

— Oh, ne vous inquiétez pas. C'est vrai qu'à part Emmanuel Macron et tout ça, je ne m'y connais pas grand-chose à la politique. Mais après ce que vous venez de raconter, je vais sûrement davantage m'y intéresser.

— C'est gentil de ta part. Excuse-moi, mais de qui viens-tu de parler ? Emmanuel... comment ?

— Euh, Emmanuel Macron, lui répondis-je, un peu prise de court. Notre actuel président depuis 2017, il me semble, ajoutai-je.

— Ce nom ne me dit rien du tout », déclara-t-elle en fronçant les sourcils.

C'est à ce moment là que je compris que la question que j'aurai dû me poser depuis le début n'était pas où avais-je atterri, mais à quelle époque.