Chapitre 2

Je rouvris les yeux avec beaucoup de peine. La tête me tournait, ma main s'était alourdie, et je ne parvenais pas à contrôler le reste de mon corps. Mon visage était toujours posé sur le bitume froid. Lorsque je relevais les yeux, je ne vis rien au début. Tout était noir.

Ce n'est qu'après quelques secondes que je distinguai des formes. J'étais entourée d'arbres, dénués de feuilles, et les maisons n'étaient pas les mêmes que celles de la rue de Margot. Pourtant, je me trouvais bel et bien au même endroit. Je reconnaissais les jardins, la route. Un flocon se posa sur mon doigts. Ce n'était pas possible. Pas en plein mois de mars ! J'essayai de me relever, non sans gémir de douleur. C'est à ce moment que je remarquai que tout était blanc. En réalité, de nombreuses couleurs étaient présentes, mais les arbres, les maisons, le trottoir, tout était nappé d'un voile blanc.

Je posai mes doigts dessus, et c'était bel et bien de la neige. Au contact de ce froid que je connaissais, je me sentis plus légère, le poids qui alourdissait ma poitrine s'envola. Mais cela ne dura pas longtemps. Je regardai autour de moi. Il faisait nuit sombre, et il n'y avait personne. Je décidai de me relever en titubant et de sonner à l'emplacement où réside Margot. J'appuyai sur la sonnette. Aucune réponse. Je tentai le coup une deuxième fois. Toujours rien. Je connaissais certains de ces voisins. Je me précipitai vers la gauche, là où habitait une vieille dame très avenante. Madame Jarte. Elle était très gentille, mais avait tendance à perdre un peu la boule. Elle confondait parfois le petit frère de Margot avec son fils. J'eus cru comprendre qu'elle ne voyait plus ses enfants. « Je n'ai plus rien, se lamentait-elle souvent. Mon fils est parti à la guerre en médecin de secours et n'est jamais revenu, ma fille ne veut plus me voir, et mon mari est mort il y a déjà quelques années d'une crise cardiaque. Que vais-je devenir sans eux ? pleurait-elle. Heureusement qu'il me reste mon petit Félix », ajoutait-elle tout en caressant le chat roux au regard perçant qu'elle tenait sur ses genoux.

Il n'y avait pas de sonnette à la porte, mais celle-ci était ouverte. D'un pas hésitant, je rentrai dans l'allée du jardin. C'était le même que celui dans mon souvenir, ce qui ne manqua pas de me rassurer. Je toquai à la porte. Au bout de quelques secondes, quelqu'un vint m'ouvrir. Une jeune femme.

« Qui es-tu ? me demanda-t-elle en bâillant.

— Bonjour, je m'appelle Alice, je me suis perdue. Je ne connais pas grand-monde ici. Pourriez-vous m'aider s'il vous plaît ?

— Comment t'es-tu perdue ? Ce n'est pas normal qu'une adolescente cherche son chemin en pleine nuit, se méfia-t-elle, en fronçant les sourcils.

— Vous avez raison, je suis désolée de vous déranger à cette heure. Je ne me rappelle plus trop de comment j'ai atterri ici. Connaissez-vous une certaine Madame Jarte dans le coin ? »

Ses yeux s'agrandirent. Je vis qu'elle eut un petit mouvement de recul, mais s'empressa de m'accueillir chez elle. La lampe vacillait. Les murs étaient recouverts de papier peint des années soixante-dix, le sol était carrelé, le mobilier construit d'un bois sombre.

« Je t'en prie, assieds-toi, me dit-elle avec douceur. Tu veux manger, ou boire quelque chose ?

— Oui, je veux bien, c'est gentil. », la remerciai-je, me rendant compte seulement maintenant à quel point mon ventre était vide et ma gorge sèche.

J'entendis un craquement derrière moi. Je réprimai un cri, puis m'aperçus que c'était un chat. Il vint se frotter contre mes jambes et je le caressai. Son poil était extrêmement doux et soyeux. Il était roux comme le chat de Madame Jarte, mais n'avait pas les mêmes yeux. J'en étais encore à mes contemplations lorsque la jeune femme apparut, une tasse à la main et tenant une assiette avec une part de marbré. Elle me la tendit, et je la remerciai de nouveau.

« Te souviens-tu d'où tu viens ? m'interrogea-t-elle, tout en s'asseyant sur la chaise à côté.

— Oui, j'habite dans cette ville, 14 rue Simone Veil.

— C'est bizarre, je n'ai jamais entendu parler de cette rue... tu es sûre que c'est dans cette ville ?

— Pas tout à fait, avouai-je. Mais j'en suis quasiment certaine, je connais cet endroit, et il est bel est bien dans la même ville que celle où j'habite. Très bon, votre gâteau, la complimentai-je afin d'alléger l'ambiance.

— Je te remercie, me répondit-elle avec un faible sourire. Au fait, je ne me suis pas présentée. Je ne sais pas de quel moyen tu connais mon nom, mais je suis Madame Jarte. »

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