Chapitre 1

Je me réveillai en sursaut. Un terrible cauchemar avait plombé ma nuit. Des hommes étaient venus m'enlever, et étaient... comment dire... particuliers.

C'était très clairement des humains, seulement ils portaient un masque type La Casa de Papel, mais sans la moustache. Après m'avoir emmenée dans un vaisseau via un faisceau lumineux — on pourrait penser à des extra-terrestres, mais je suis certaine que c'en était pas — ces derniers m'accrochèrent à un lit sans couverture. C'était le genre de lit que l'on trouve chez les médecins généralistes, sur lesquels on n'aimerait pas être allongé plus de dix minutes. L'un deux sortit un outil chirurgical. « Arrête de gémir, tu vas réveiller les autres !» me lança un deuxième. Mais de quels autres parlait-il ? « Calme-toi, je t'assure que tu ne vas absolument rien sentir. », m'encouragea le premier. Il enfonça la pointe argentée de l'outil dans mon bras, et c'est à ce moment là que je sortis de mon rêve.

En général, je ne me souviens quasiment pas de ce dont je rêve. Mais rien qu'en repensant à celui-ci, mes jambes flageolent, un mal de crâne m'envahit, des frissons me parcourent l'échine et... aïe ! Mon bras ! La position dans laquelle j'avais dormi n'arrangeait rien. Je me rassis sur mon lit et tentai de faire quelques étirements, en vain. En espérant que la douleur partirait dans la journée.

Mon réveil affichait huit heures et demie, heure à laquelle je suis censée être en cours d'histoire. Sauf que ce jour-là, les troisièmes passaient leur brevet blanc, le reste de mon collège était donc dispensé de cours. Étant en classe de quatrième, la grasse matinée était de mise. Je me relevai en titubant jusqu'à ma salle de bain pour me laver le visage. Ma mère était déjà partie travailler, et mon père était à l'autre bout du monde pour ses « voyages d'affaires ». Il était chercheur en sciences, mais j'avoue que j'avais dû mal à comprendre de quelles sciences il s'agissait. Il devait toujours être tenu dans la confidence, ce qui ne manquait pas de me déplaire. Je l'entendais parfois parler de patients, ou encore d'illusions — allez chercher le rapport — lorsqu'il était au téléphone avec son patron ou des collègues. Mais j'essayais de ne pas trop y penser.

C'est pourquoi après avoir avalé un bol de céréales et m'être habillée en vitesse, je me laissai tomber sur mon canapé et allumai Netflix. Je visionnai pendant deux heures ma série préférée, et décidai – en tant que personne raisonnable – de faire une activité que mes parents appelleraient « quelque chose d'intelligent ». Heureusement, j'aimais lire. Pas énormément, mais si j'appréciais le livre, j'étais capable de parcourir les pages pendant des heures sans voir le temps passer. Je m'allongeai donc sur mon lit, les pieds en l'air, et je fis quelque chose d'intelligent.

Mon déjeuner se résuma à des pâtes et des morceaux de poulet froids. Pour me donner bonne conscience, je pris une pomme, que je mangeai le long du trajet jusqu'au parc de ma ville. En sortant de chez moi, je manquai de trébucher sur la dernière marche de mon escalier. L'équilibre n'était vraiment pas mon point fort. Arrivée au parc, je vis ma meilleure amie Margot qui m'attendait, portable à la main, assise sur le banc au-dessus duquel les extra-terrestres m'avaient enlevée cette nuit. J'eus presque un mouvement de recul, mais mon cerveau eut bien fait de me rappeler que les rêves, ce sont des rêves, c'est-à-dire qu'ils ne reflètent ni la réalité actuelle, ni la réalité future. « Salut, Alice ! Je suis trop contente de te voir aujourd'hui !» me lança Margot dès qu'elle m'aperçut.

Margot et moi, on se connaît depuis la primaire. C'est en CE1 que notre amitié s'était formée, après un travail de groupe en arts plastiques. Depuis ce jour, nous étions, comme qui dirait, inséparables. Margot, c'est une pépite. Même quand ça ne va pas, elle garde le sourire et rie constamment. Son père avait abandonné sa mère et ses deux frères lorsqu'elle avait six ans, mais elle n'a pas l'air de si mal le vivre. « De toute façon, c'était un con » me répète-t-elle.

Je suis plus du genre introvertie, et je rencontre parfois quelques difficultés à m'intéresser aux autres. Peut-être tout simplement parce que je pense qu'ils n'en valent pas la peine. Dans mon collège, j'ai l'impression que toutes les filles se prennent pour des mannequins, et que les seuls sujets de conversation des garçons sont les jeux vidéos, le football, et les filles populaires. Bon, peut-être que j'exagère un petit peu. Ils ne sont pas TOUS comme ça. J'ai d'autres amies, souvent communes avec celles de Margot, et je les adore. En plus d'être ouvertes, elles prêtent très peu attention aux apparences. Contrairement à ce que je craignais en arrivant au collège, je me sens à l'aise dans mon groupe. Par ailleurs, le garçon à côté duquel je suis assise en latin — parce que oui, je fais latin, après tout, carpe diem, n'est-ce pas ? — est plutôt cool. J'ai l'impression qu'on a plein de goûts en commun, tels que le piano, les films d'aventure, le dessin graphique...

« Alors, qu'as-tu fait de ta matinée ? s'intéressa Margot, coupant court à mes pensées.

— J'ai regardé You et j'ai presque terminé le quatrième tome de Sauveur & Fils. Et toi ?

— Oh, trop bien ton programme ! s'extasia-t-elle. Personnellement, ma matinée s'est réduite à des exercices de grammaire, mais j'ai toujours autant de difficultés... j'ai le sentiment que ma dyslexie augmente chaque jour. C'est vraiment pas pratique cette merde.

— Non, je pense que c'est juste une impression. Tu verras, avec le temps, cette « merde » disparaîtra, j'en suis sûre, la rassurai-je.

— J'espère que tu as raison. »

Nous passâmes le reste de l'après-midi à discuter de tout et de n'importe quoi, c'est-à-dire de films, de livres, de nos professeurs, de notre classe... ce que j'aime le plus avec mes amies, c'est que nous nous permettons de critiquer tout le monde, sans jugement.

Lorsque le soleil commença à se coucher, je décidai de raccompagner Margot chez elle. Sa mère élevant seule trois enfants et travaillant en tant que nourrice, Margot vivait dans un petit appartement éloigné du centre-ville. « A demain ! » la saluai-je avec un signe de la main, tournant en direction inverse. Mon téléphone bipa, et à ce moment précis je ne remarquais pas que j'étais très proche de la chaussée. Tandis que mes yeux étaient rivés sur l'écran, mon pied glissa. Je trébuchai sur le bord de la route et m'étalai de tout mon long. J'entendis vaguement des cris et des klaxons de voiture, puis plus rien.

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