Prologue

Nouvelle Orléans, le 14 Juillet 2018





Il sent si bon la muscade et les effluves naturelles de son corps. Quoi de mieux que ces notes animales, fortes et viriles pour m'enivrer jusqu'à me faire perdre la tête.

Perdre la tête, oui. Il s'agit bien de ça. Cela relève pour sûr de la folie, que de devenir aussi accro à quelqu'un, en seulement trois jours. Nous nous connaissons à peine, et pourtant, j'ai la drôle impression de l'avoir toujours porté, quelque part, là, l'intérieur de moi. Comme une évidence, comme si c'était écrit dans les étoiles.

Je ne suis pourtant pas rêveuse, que m'arrive-t-il ?
Mon corps vibre, sous de violentes ondes. Impitoyables, elles ne me font pas de quartier. Ça a été le cas dès le premier contact. Tout ceci peut paraître absurde, mais je dirais même que je n'ai eu autre choix que celui de soutenir son regard entre les étagères de la supérette de madame Angela. C'était étrange, je n'ai pas su décrocher. Et quand il est venu vers moi, effrontément, j'ai dit oui, sans réfléchir. Il m'a dit qu'il n'était pas du coin, et un pincement au cœur je l'ai tout de même suivi.
Juste une fois, me suis-je dit. Puis il y a eu un autre soir, puis un deuxième et enfin le dernier, celui d'hier.

Je suis peut-être triste, mais je ne regrette rien. J'ai peut-être la gorge nouée, mais je ne lui demanderai rien. J'ai cette épine bien gênante enfoncé dans le cœur, mais je ne pleurerai pas. Je savais. J'ai consenti. Et c'était au-delà de l'imaginable, c'était divin. Tellement que j'en tremble encore, le ventre saccagé par des explosions de bulles si froides, et pourtant plus brûlantes que la lave d'un réservoir volcanique.
Mais c'est qu'il est parfait. Ce n'est pas seulement son physique, et je ne pourrais pas non plus me porter garante de sa moralité. On va le dire en ces termes : j'y suis allée au feeling. Il a ce truc dans le regard. Une mélancolie aussi belle que douce, persiste dans son œil embrasé, désireuse de noyer les flammes qui y crépitent, sans jamais les effacer. Et son sourire, il vaut mille détours, je n'en avais jamais vu d'aussi beau avant. Il ne s'en dégage pas une joie folle, tout en lui est contenu. Je dirais en trois mots qu'il est touchant. D'une sensibilité abstraite, contrebalancée par une virilité désinvolte.

Il m'a touché, et jusqu'à la garde. Et pour une raison qui m'échappe, je crains de ne jamais trouver le soulagement après son départ. Pas sans passer par la morgue des âmes en tout cas. Alors plus j'y pense, plus je m'en rends compte : je suis dans un beau pétrin...

Non, j'exagère. C'est le moment des adieux, et comme j'en ai une sainte horreur, je fais tout pour me mettre encore plus mal qu'à l'accoutumée. Le temps efface tout. Je le sais mieux que personne. Je ne serais pas à même de sourire aujourd'hui si ce n'était pas le cas. Le temps est cette rivière qui coule, circule et emporte tout ce qu'on y jette. Les secondes, les minutes, les heures, puis les jours, les semaines, les mois et enfin les années, et il faudra bien s'y faire.
Au moins cette fois, j'aurais eu le choix. Au moins cette fois, je peux dire au revoir.

-- Rockalia.

Sa voix caverneuse et reposante me tire de mes songes, incite ma main à éloigner le drap parfumé de sa si précieuse odeur de mon nez, pour le rejoindre au salon.

-- Ça y c'est l'heure, souris-je malgré la douleur qui me déchire l'âme à l'instant, le regard clignotant à outrance, pour ne pas me laisser aller. Bah, adieu.


Prenant bien le soin de rester à l'écart, de l'autre côté de la table basse en verre translucide, j'accompagne mes mots d'un geste de la main. Je ne veux pas qu'il s'en aille. Enfin, il a sa vie, je sais... je ne veux pas qu'il m'oublie.

Et si ça allait plus loin ? en viens-je à penser soudain. Entre nous, c'était vraiment génial. Je pourrais supporter la distance. Je ne pourrais pas en dire autant de cette séparation définitive. Aussi étrange puisse cela paraître, je peux le sentir emporter un bout de moi. Pire encore, je me sens hantée par une partie immatérielle de sa personne. C'est bizarre je répète, mais c'est réel... Et ça fait atrocement mal.

-- Oui, grimace-t-il après avoir redéposé son sac de sport sur le fauteuil marron en cuir.

Le malaise pue à juste titre, mon désespoir retentit. Il se gratte la tête et m'appelle dans le silence, en ouvrant simplement les bras. Je m'y refuse, bien décidée ne pas faire d'overdose de tristesse. Un mauvais trip de lui, sachant qu'un sevrage aussi brutal que cruel m'attend.

-- Tu vas me manquer, s'entête-t-il à me martyriser l'esprit, après avoir rangé ses mains dans ses poches, tandis que son regard plissé d'inquiétude et de questionnement reste figé sur moi.

Et c'est là que les paroles de ma mère me reviennent en tête : « Tu ne sauras jamais, si tu n'essaies pas. »
De quoi me remplir d'un courage suicidaire. Ainsi je me retrouve en train de plonger la tête la première. Qu'est-ce que j'y perds après tout ? Un peu de dignité, mais personne n'en saura jamais rien. En plus, il semble si triste. Peut-être qu'il tient lui aussi à moi.


-- Je pourrais venir te voir dans ta ville. Qu'est-ce que t'en dis ? Ça ne t'engage à rien. J'ai juste cette sensation qu'on a pas fini de se dire les choses.

De la nervosité, beaucoup plus d'espoir dans ma voix grelottante. Mon allocution brouillonne est un cri indigent, celui d'un cœur fou et malade. Accablée par une douleur insensée. Ma déraison, ma passion, toute la foi que je n'ai jamais eue jusqu'ici.

Je lis de la frayeur dans son regard exorbité, mais l'oubli aussi vite qu'il ne s'efface pour laisser place à ce sourire envoutant, dont je suis certaine de ne jamais me lasser. Et quand il me fait à nouveau signe d'approcher, déjà dans le bain jusqu'au cou, cette fois je ne me protège pas, et coure dans ses bras. Je me blottis contre lui, et finalement je l'ai mon trip. Il n'est pas mauvais au contraire. J'atterris dans la stratosphère l'espace d'une bouffée d'air. Il m'étreint si fort. C'est pourtant si tendre. Impossible à décrire. Mais je dirais que flotter dans les nuages, devient assez concrète comme expression l'instant de cette minute hors du temps. Ce moment que je voudrais pouvoir immortaliser, ou à défaut, conserver dans une chambre froide, comme un aliment que je pourrais aller goûter lorsque l'envie se fera sentir.

Les battements de mon cœur m'assourdissent, la chaleur de son corps m'irradie. Il y a eu réaction chimique. Assurément, je ne serai plus la même.
Je ne suis pas seulement en transe, j'ai aussi peur. Je viens de m'exposer et il pourrait décider de me briser, sans que cela ne soit sa faute. Nous nous étions mis d'accord.

Défaitiste pour le seul besoin de me sentir couverte, je me soustrais à son contact et change finalement d'avis.

-- Non, laisse tomber. Retourne à ta vie. On suit le plan.

Mais il me retient. Sans douceur, m'irrite même le bras. Je ne m'en plains pourtant pas, trop occupée à trouver des interprétations aux tremblements dont il est pris et à ce refus de me lâcher. Puis tout d'un coup, le monde se fait plus beau, les nœuds dans ma gorge se défont et mon cœur ne pulse plus qu'une chaleur tiède et bienheureuse.

-- Bien sûr, je veux bien. Tu as mon numéro, appelle-moi, et on arrangera ça.

Elle avait raison maman, j'aurais pu ne jamais savoir. J'aurais pu passer à côté de ça. J'aurais pu à côté de lui.

-- Vraiment ?

Il acquiesce, le regard fuyant, puis consulte sa montre et hâte le ton ensuite.

-- Allez, c'est l'heure. Bisou, je t'appelle à mon arrivée.

Un baiser sur le front, et il empoigne son bagage si vite que je n'ai pas le temps de lui offrir un dernier sourire. La porte se referme, sur son geste vague de la main, et je reste là, pantoise, un peu étourdie, toujours heureuse, bien qu'un bien inquiète, dans cette chambre d'hôtel d'où je ne pourrais rien emporter, pas même son parfum. Et sans transition, l'été devient l'hiver, et le sucre de ses lèvres, une saveur bilieuse et glacée.

Peut-être aurais-je dû effectivement passé à côté de ça...








Hello si tu passes par là, voilà le début de cette histoire dont la suite ne tardera pas à venir.
Bonne lecture et surtout, n'hésite pas à me laisser un avis😊. Je l'ai débutée sur Fyctia et le concours étant terminé, je le finis ici avant de lui refaire une beauté.

Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.

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