Gaye Kounye a
–– Rockey !
Aussi frénétique que sa main contre le bois de la porte, et mille fois plus drôle qu’à la normale, la voix de Kyo malheureusement ne m’amuse plus. Terrée derrière le rideau de larmes épousant mes cornées, les bras enroulées autour de mes genoux relevés contre mon buste vouté, je ressens, il me semble, plus de honte que de rage. Et ce n’est pas uniquement parce qu’il est désormais clair pour tout le monde, que je ne représente pas grand-chose pour mon père. C’est aussi et surtout, parce que le visage humide de la petite ne cesse de ramener dans mon esprit, cette vague horripilante de culpabilité. Avec elle et de manière insidieuse, les reproches dont m’aurait pour sûr accablée ma mère, si présente elle avait été.
« C’est mal ma Princess », « sa te ba lanmou mwen », « ce n’est pas comme ça que je t’ai éduqué ma fille », « on ne répond pas à la violence par la violence » « on ne s’en prends pas aux plus faibles, JAMAIS »
Honte à moi, je m’en suis prise à une enfant ! Je suis descendue plus bas que terre. Au nom de quoi ? … Rien ne justifie une telle infamie, je suis impardonnable.
–– Rockey, ouvre-moi, ma sœur ! Tu es en train de me faire de la peine Rockey, s’il te plait !
C’est comme avec ma mère, je n’aime pas la savoir en pleurs, hantée par la douleur. Kyo a une place spéciale dans mon cœur, même si je ne me l’explique toujours pas.
–– Rockey, souffle cette dernière en se jetant sur mon moi.
Ses doigts se referment dans mon dos, contre mon vêtement trop léger pour épargner à ma peau et à ma chair les effets de ce contact musclé. Il serait impossible pour qui n’a pas assisté à la scène de salon, de déterminer laquelle des deux est la consolatrice… ou si après tout. Moins grande, ses larmes s’infiltrent dans le tissu absorbant de mon pull noir à col roulé ––le service séchage express, quoi. Du coup, à première vue, je suis la seule en larmes.
–– Tu ne peux pas partir Rockey, enchaîne mon amie, aussitôt qu’il se crée de l’espace entre nous.
–– Il le faut, c’est l’idéal pour tout le monde. En plus, tu l’as entendu.
Elle secoue la tête, ma réponse je l’ai sous les yeux avant de l’avoir dans les oreilles.
–– Non, non et non. Il va revenir sur sa décision. Ton amoureux l’a dit tout à l’heure, vous étiez sur les nerfs. Il est facile de dire ou faire n’importe quoi quand on est en colère. Je t’en prie ma Rockey, ne pars pas.
–– Ce n’est pas mon amoureux Kyo.
–– Si tu le dis, s’agace-t-elle à une vitesse folle, mais passons, ce n’est pas le plus important.
Puis elle tape une fois des mains en fronçant sa bouche, l’air de s’être souvenue d’une information de la plus haute importance.
–– Ou si en fait, ça l’est ! Votre fils. Tu ne vas pas partir sans lui dire. Ça non, tu ne peux pas.
D’un geste vif, je lui arrache mon bras des mains, et fonce vers la baie vitrée, la nervosité plein les pores.
–– Je ne veux pas en parler Kyo.
–– Et c’est ça tout ton problème Rockey. Tu ne parles jamais de rien. C’est nocif, tu ne peux pas tout prendre sur toi de cette façon. Ça te tue et même si tu te refuses de le reconnaître, tu le sais. Mais je me rappelle que dans ce train, tu y es bien parvenue avec moi. C’est moi Rockey, tu peux me parler. Depuis ce soir où tu l’as revu, tu t’es fermée. Pourtant je te vois mourir un peu plus chaque jour. Libère-toi de ce mal, de tes colères.
–– Et pourquoi devrais-je en parler hein ? Qu’est-ce qui changera après ? Rien, rien et rien. Mes malheurs seront toujours là. Tant d’années à les subir, j’ai fini par perdre l’espoir de les voir disparaître. C’est mon destin.
–– Tu ne peux pas dire ça. Tout peut changer. Tu m’as dit toi-même que tu voulais d’une nouvelle vie pour toi et Ocean. C’est bien le but de ta venue ici, non ?
–– Oui, mais rien ne s’est passé tel que je l’espérais. Tout va de mal en pis, à mesure que les jours passent. Ma mère m’avait prévenue, mais je n’en ai fait qu’à ma tête. Je n’aurais pas dû venir.
–– Tu sais que non. Pour le moment, tu es désorientée, tes rancœurs t’aveuglent. Essaies de remonter à la veille de ton départ. Vas au fond toi, questionner ton cœur sur tes premières motivations. Rockey tu es très intelligente, et tu as eu la maturité de reconnaître les effets néfastes des séquelles de l’abandon dans ta vie, voilà pourquoi tu es là. Tu es venue guérir, tu t’en souviens ? Tu me l’as dit. Tu es là pour ta famille, pour ton futur, pour ton fils. Parce que tu ne veux pas qu’il en souffre. Et tu vois, si tu t’en vas maintenant, tu l’auras abandonné toi aussi. Sans aucune raison, appuie la birmane avec un acharnement diabolique.
Pense-t-elle pouvoir mieux frapper ailleurs que sur ce point ? La réponse est sans appel, un « non » en majuscule. Seulement elle connaît l’ampleur de mes blessures, et ne voudrait pas courir le risque de ne pas en faire assez pour me pousser à réagir tel qu’elle l’espère.
–– Tu avais le choix entre le psy ou venir ici, et tu es venu. Alors reste. Reste et va au bout de ta quête. Soigne ton cœur, dompte tes peurs.
Dorénavant, je n’en ai plus la force. J’aimerais le lui dire, mais mes narines abondent de morves, ma gorge de flammes infernales et mon cœur, d’un air bouillant. J’aurais plus de facilité à gravir le St Helen qu’à ouvrir ma bouche. Ma langue est lourde, colle, là où ma gorge est des plus impraticables. Je ne pourrais placer aucun mot, à moins de décanter chacune de ces voies par lesquelles transitent aussi bien la parole que le vent. Pour le faire, je m’approche du lit et tire sur mon chevet, une dizaine de mouchoir.
La seconde d’après, ils sont hors d’usage, et moi je retrouve la parole.
–– Soigner mon cœur, ricané-je sans joie. Il est trop tard pour mon cœur, tu sais. Je m’en doutais déjà lorsque je quittais ma maison, mais voir Dwayne au bras de cette fille a fini de m’en convaincre. Quelqu’un, ou quelque chose a décidé que je ne suis bonne qu’à ça : à être l’autre. Et tu sais quoi, je l’accepte. Tu vois, moi la seule raison pour laquelle je pleure à l’instant, c’est la gamine. J’ai été injuste avec elle et je m’en veux.
L’impuissance froisse ses traits habituellement lisses.
–– Tu sais ce qu’il te reste dans ce cas.
Je hoche la tête, alourdie par la honte.
–– Je verrai bien si j’y arrive, dès que j’aurais fini de faire ma valise.
–– Tu n’as rien écouté alors ?
–– Si, et c’est une raison de plus pour partir. Être ici me remplit de haine. Je ne me reconnais pas. Et tu as raison, ça va finir par m’achever.
Kyo tique, avant de m’abandonner sur le lit pour se faire plus autoritaire face à moi.
–– Personne n’a dit que ce serait facile Rockey. Les questions sont, qu’est-ce que tu veux ? Et, est-ce que tu le veux vraiment ?
–– Je voulais juste des réponses, pour pouvoir tourner la page.
Le regard plus étrécit qu’à l’accoutumée, elle secoue la tête, à la fois réprobatrice et désolée.
–– Tu n’étais pas venu chercher un père aussi ?
Plutôt mourir que de l’avouer.
–– Pas du tout ! m’offusqué-je, avec dans le corps la sensation d’être balafrée par une lame jusqu’à l’os. Quinze années se sont écoulées, je n’en ai plus besoin, il y a longtemps maintenant.
–– Alors c’est soit tu te mens à toi-même, sois tu ne sais pas t’écouter. Mais je vais juste te dire une chose ma sœur, ton bonheur comme ton malheur, tu es la seule qui le fabrique, l’entretien ou l’efface. Doués de raison et habités par la passion, nous sommes maîtres de notre destin.
Elle m’énerve à jouer les psys. Et quel psy ! Elle m’accable au moment où, soutien et compréhension sont mes seuls besoins.
–– Comment tu peux me dire ça maintenant Kyo ? m’énervé-je en me mettant dans la même posture qu’elle. Je ne méritais pas qu’il m’abandonne pas de cette façon. J’avais besoin de lui ! J’avais besoin qu’il m’aime. Je n’ai rien fait pour mériter ça !
–– C’est exactement ce que je dis Rockey, ne se démonte pas mon amie pas très amicale pour l’heure. Tu devrais commencer par le comprendre toi-même. Arrête de te punir, cesse de te faire du mal en pensant que tu es responsable de son départ. Tu n’y es pour rien, et tu peux être heureuse.
–– Comment ?
–– Pardonne, assène cette dernière, comme si c’était la chose la plus normale du monde, l’œil grand, fixe et imposant.
Je ne ressens rien y aille dans ce sens-là. Elle n’y est pas. Elle n’y sera jamais, elle ne sait pas ce que c’est que d’être moi.
–– Tu ne comprends rien.
–– Peut-être bien, mais il est de plus en plus évident que tu refuses de voir autre chose que ta tristesse. Regarde un peu autour de toi. Tu as une sœur, sa mère est un amour avec toi et sa tante pourrait être une amie, si seulement tu lui en laissais l’opportunité. Les réponses ne sont peut-être pas celles que tu espérais, mais tu as cette fois l’opportunité de dire à ton père ce que tu as sur le cœur, et tourner définitivement la page. Tu n’as peut-être pas trouvé l’amour de ta vie, cependant ton fils pourra avoir un père à présent.
Si seulement je pouvais la jeter par-dessus le balcon. Elle me fait saigner de partout avec ses conseils dont les seuls effets sont une légion d’écorchures atrocement brûlantes. On dirait des coups de fouets, ou même de coups superficiels de lames aiguisées. C’est vif, surprenant, déplaisant.
Et parce que saumâtre, je ne peux en gober davantage.
–– Stop Kyo ! Arrête, car on voit bien que tu n’as jamais été à ma place. Et puis, je te l’ai dit, je ne veux pas parler de Dwayne.
–– Addis.
–– Peu importe, m’enfoncé dans ma colère, nerveuse, les doigts tendus dans le vide. Il y a peu il n’était qu’un rêve, un fantasme, une passade, et tu voudrais que je le ramène comme ça à ma mère, à mon fils ? Il a une vie ici. Une vie remplie, je n’y ai pas de place, parce qu’il a déjà une femme, des enfants et enfin, il y a ce père d’adoption, mon père, que je ne veux plus jamais revoir de ma vie. En plus s’il m’a menti sur son identité, lors de notre rencontre, c’était pour une raison évidente.
–– Tu as un enfant au milieu.
–– Oui, et qui ne manque de rien avec sa mère et ses mamies ! On va en rester là Kyo, me vidé-je bruyamment les poumons, dans l’espoir d’apaiser mes tremblements. Je vais te demander de respecter mes choix. C’est ma vie. Je comprends tes inquiétudes, et te remercie pour ton amitié, mais je le dis et le répète, tu ne sais pas ce que c’est de sentir qu’on a pas été désiré. Et s’il ne l’aime pas ? Sa fiancée, il l’aime. Vas savoir toutes embrouilles que je vais leur causer en révélant l’existence du petit. C’est mon bébé qui en pâtira. Ça c’est hors de question. J’ai commis une erreur, je vais en assumer les conséquences, comme toujours. On s’en sort bien en plus. Ocean ne manque de rien et quand j’aurais mon diplôme, ce sera définitif.
Elle tente une approche sédative vers moi, cependant il est trop tard. Les paumes levées, je ne suis plus réceptive à rien. Au sens propre comme figuré du terme, je ne veux plus rien voir. Ses paroles de verre sont déjà logées dans mon ventre, où d’ailleurs, elles s’attèlent à me cisailler les entrailles, alors ce n’est plus la peine de me boucher les oreilles, pour mieux la mettre à la porte.
–– Ok, je m’en vais. Toutefois, j’insiste, pense à ce qu’on s’est dit.
–– Tout est réfléchi, je t’appellerai de la gare demain. Tu pourras venir me dire au revoir si tu veux.
J’ai beau me refuser la vue, je reste en mesure de ressentir, et devine donc aisément toutes les suppliques sourdes que reflète son visage, ou la désolation soudée à son corps affaissé. Je peux parier, (et gros) sans entrainer mon palpitant sur les sentiers de l’angoisse, qu’elle a la nuque légèrement tirée vers l’arrière, au-dessus d’un cou raide qu’on croirait avoir disparu, si on n’a uniquement accès à son dos. Inconsciemment aussi, elle fronce le menton, ce qui lui donne une moue navrée et un air désespéré affreusement attendrissant.
C’est pour toutes ces raisons, et plus, qu’il faut rester hors d’atteinte. Elle veut peut-être mon bien, ceci n’exclut pas le fait qu’elle puisse se tromper. Ça peut arriver. Par ailleurs, c’est le quotidien de tout parent responsable, de tout amie digne de ce nom et celui de tout être aimant et inquiet, d’où mes retenues.
La porte refermée, je fais tôt de tomber sur mon portable. Maintenant que je rentre, il n’y a plus de raison d’éviter ma mère. Et puis, il me reste une dernière chose de très importante à mener à bout. Ma revanche, je l’aurais, coute que vaille. Puisque Billy veut jouer à « qui blesse plus profondément que l’autre » alors je vais lui montrer de quoi je suis capable.
Bien avant cette fête de bienvenue, placée sur le sceau des apparences et de l’hypocrisie, j’avais déjà commencé à effectuer certaines recherches sur les journaux locaux. Des plus suivis, aux plus scandaleux et en ai constitué une petite liste comprenant, noms et numéros. Pressée par le temps, je compose la première suite de chiffres, une fois mon calepin ouvert, et attend, le corps étrangement calme, le temps de deux sonneries. Je suis accueillie par une jeune femme. Elle présente le journal avant même que je n’expose l’objet de mon appel. Puis, quand je me penche enfin sur ledit sujet, son ton professionnel, joyeux mais désinvolte, devient soudain grave et intéressé.
–– Vous dites avoir des informations à nous fournir sur Billy Davis et sa fille, c’est ça ? Puis-je avoir votre nom s’il vous plaît ?
Un « chut » esquissé par inadvertance de manière audible, m’apprend qu’il y a quelqu’un, voire plusieurs personnes à ses côtés. Je ne peux pas être plus rassurée, la nouvelle fera couler de l’encre comme je l’espère.
–– Je préfère garder l’anonymat pour l’instant, mais je suis prête à vous accorder une interview le moment venu.
Elle se racle la gorge et par la suite, un crissement de meuble s’élève de son côté. En temps normal j’aurais été exaspérée par la longue attente. J’en suis loin à cette instant, certaine et apaisée par l’émulation qu’occasionne mon scoop. Je n’en demande pas moins. Je veux d’un beau scandale, d’une magnifique explosion, je veux le voir suer, brûler et périr de honte, hué, accablé, harcelé et massacré par la presse. Et maintenant que j’y pense, si j’avais donné ma version des faits, tel que souhaité devant ses convives, cela n’aurait pas eu le même impact.
–– Comment être sûre qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Des informations comme celle-là, nous en recevrons tous les jours, vous devez en être consciente.
–– Je peux juste vous assurer qu’étant un proche de la famille, vous en aurai pour votre temps. Mes renseignements sont fiables, mais libres à vous de me croire ou…
On toque à ma porte, ce qui me fait sursauter, bloquer un court instant, avant de reprendre à une vitesse folle, sur une voix de confidence.
–– Ecoutez mademoiselle, je vous recontacte très vite pour fixer un lieu de rendez-vous. Vous pouvez en être certaine, l’information en vaut le coup. Mais je précise, ça se fera à mes conditions.
La messe dite, je mets fin à l’appel, puis rebondit sur une inflexion agacée.
–– Qui est-ce ?
Le grésillement de sa voix lorsqu’il se l’éclaircit, me renseigne, me tord les boyaux, ensable ma langue déjà bien amère.
–– Billy.
S’il n’en tenait qu’à moi, jamais je ne lui ouvrirais. Mais comme je ne suis pas ni chez moi, ni la bienvenue, je ne tarde pas.
–– Je n’ai pas grand-chose à plier, attaqué-je à peine je l’ai en face, je serais loin d’ici peu.
De sa maison oui, de Seattle non. Il l’a lui-même reconnu tout à l’heure, lui et moi avons des comptes à régler. Et je compte plus que jamais l’avoir ma paie.
Aussi éreintée qu’irritée de l’avoir sous le nez, je tourne le dos, sans lui laisser en placer une. Mon déplacement, mes gestes, tout bouge grossièrement, hâtivement. Du dressing à mon lit, ma valise noire atterrit, rebondit, puis disparaît sous une dune de vêtements assez bouffie pour l’absorber. Je fais du boucan, soulève le vent dans l’espace autour d’un homme droit, fixe et silencieux comme une terre paisible. Je n’ai pas juste l’air d’une gamine capricieuse et pourrie gâtée, je le suis. Je l’assume tout autant, car mes raisons pèsent de leur poids. Et ce dernier n’est pas des moindres !
–– Chérie.
Aïe, aïe Billy, en voilà un très… mais très mauvais départ.
Je ne sais pas comme il arrive à être aussi redoutable en affaires que nulle en relations humaines ––du moins, avec moi. Réflexion faite, il n’y a rien de sorcier dans l’histoire. Il ne me connaît simplement pas. J’ai horreur de la flatterie, aussi câline puis-je être. Ce n’est pas par entêtement que ma mère ne se montre jamais conciliante avec moi dans mes moments de colère. Elle va jusqu’au bout, me pique jusqu’à la moelle, jusqu’au stop, jusqu’à ce qu’une des deux en ait marre, se taise ou se défile en bredouillant. Il aurait pu se pointer là en m’insultant, que j’aurais mieux digéré.
Cependant notre récent épisode tempétueux m’a servi de leçon. À ce jeu de mots, je perds toujours. À chaque fois, j’en ressors plus blessée qu’à l’aller. Exceptionnellement aujourd’hui nous avons été deux, Clara et moi, mais dans la majorité des cas, je suis la seule. Alors autant mieux l’ignorer, construire dans le silence, des actions concrètes et solides ; solidement dirigée contre lui, pour être sûre de gagner ne serait-ce qu’une fois face à son insensibilité.
–– Chérie, j’essayais juste de me rapprocher de toi. Je t’ai vu heureuse et j’ai cru qu’une brèche c’était ouverte pour qu’il puisse y avoir un début de dialogue entre nous. Je suis désolé d’avoir crié tout à l’heure, je ne voulais pas te faire de peine. Il faudra bien qu’on se parle toi et moi un jour, tu le sais. En venant ici, tu as dû comprendre que ce serait inévitable. Il m’a même semblé que tu venais pour cette unique raison. Alors quoi ? Quel est le problème ?
Le problème, c’est tout : Tout ce que je sais de cet article, tout ce qu’il m’a dit tout à l’heure, tout ce qu’il a omis d’exprimer avant son départ, tout ce que j’ai souffert lorsque seul l’air occupait sa place. Le problème est que je ne sais plus où j’en suis, ni quel chemin emprunter et que toute cette agitation m’indispose, m’affole et m’enfonce ; et pas à bon port : l’enfer s’ouvre, il me semble, sous mes pas. Là où Kyo me présente le pardon, ce dernier m’offre le soulagement. Les flammes de la vengeance, les flammes du mal, mais c’est tellement satisfaisant, beaucoup trop facile pour ne pas être tentant, ensorcelant, convainquant.
Du reste, j’ai déjà cédée. Trop tard pour faire machine arrière. Y a-t-il seulement une justification valable pour qu’il obtienne cette grâce ? Sur la base de mon petit séjour, je l’affirme, aucune en vue.
–– Billy, ton baratin ne vaut plus rien à présent. Je m’en vais.
–– Justement, je suis là pour te retenir. Ne t’en va pas, je te le demande… à genoux, termine-t-il dans un souffle brisé.
Celui-ci est à tout vitesse rattrapé par un silence de plomb, ravageur tant il est poignant, tant il me poignarde le cœur pour l’emplir d’une douleur compatissante. Je me fige, j’aurais pu avoir un autre choix, si mon corps n’était pas un traitre ––traitre à la logique, à la raison, faible car maudit de son évanescence.
Un bruit de clés vient combler le vide au moment où l’air commence à se faire si lourd que je n’en avale plus. La sensation d’être gavée, asphyxiée, en sueur et prise d’assaut par une armée de moustiques, est une horreur. Toutefois, elle ne surpassera jamais cette envie soudaine de me ruer dans ses bras, pour l’implorer, le supplier de ne plus me laisser tomber. Elle est autant à vomir qu’à chier.
J’ai beau vouloir la regarder de loin, coriace elle a dû se fondre dans ma peau, je n’arrive pas à m’en débarrasser.
sa te ba lanmou mwen : c'était bas mon amour.
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