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Au bout d’un quart d’heure, Donna vit émerger des lumières de l’obscurité. Elle s'approcha, tremblante à cause du froid. Marchant si tard dans les minuscules rues du bourg, elle interrompit des adultes faisant un bonhomme de neige avec leurs enfants pour se renseigner sur sa position. Ils lui répondirent qu'elle pouvait prendre une boisson et de quoi manger au bar du village, qui était à trois enjambées d’ici. Donna leur souhaita un joyeux Noël et se dépêcha de rejoindre le lieu qu’ils lui avaient indiqué avant d’être congelée par l’air glacial.

Le bâtiment ne payait pas de mine, ne se différenciant que peu des chalets voisins. On était loin de l’exubérance des cafés que Donna détestait dans sa ville. Sérieusement, quel était l’intérêt de mettre autant de néons et de lumières ? A part consommer plus d’électricité que les télésièges de la station de ski voisine, et attirer des touristes comme on attire des moustiques, ces lampes à la limite d’être aveuglantes polluaient autant l’authenticité de la montagne que la beauté des étoiles. Cette impression de franchise et de sincérité que Donna avait ressenti rien qu’en voyant la devanture du bar s’accentua lorsqu’elle franchit la porte en bois. L’intérieur était modeste, petit mais bien arrangé. Quatre tables rondes étaient disposées autour d’un poêle diffusant une douce chaleur, le comptoir en bois massif trônait en face de l’entrée, happant les consommateurs habitués à venir discuter avec le chef des lieux. Comme Donna s’y attendait, le bar était totalement vide. Tous les clients étaient rentrés chez eux, pour fêter Noël avec leur famille. Ne restaient ici que le barman, se devant de tenir le comptoir au cas où un voyageur en errance comme Donna arriverait.

— Bonsoir Madame, comment se fait-il que vous veniez en mon bar si tard en cette veillée de Noël ?

La principale interpellée s’assit sur un des tabourets faisant face au comptoir.

— Pour dépasser mon syndrome de la page blanche, j’ai cru bon de passer Noël seule. Les événements s’enchaînant, je me suis retrouvée à devoir laisser mon chat dans mon chalet, et à partir en quête d’un trésor fabuleux en bravant le froid glacial, le tout sans être assurée de la matérialité de ce que je recherche. Et vous, pourquoi passez-vous votre Noël seul ici ?

Le vieux barman rigola.

— A coup sûr, je ne saurai dire mieux que vous ! Si je tiens encore à mon bar à cette heure, c’est parce qu’il n’y a plus personne pour m’attendre chez moi.

Devant la compassion de Donna, il se sentit obligé d’apporter des précisions.

— Ne soyez pas désolée comme ça ! Cela fait plusieurs années maintenant qu’il a disparu, alors je me suis résigné à faire mon deuil. Et puis, un vieil homme bourru comme moi n’a pas à se lamenter sur son sort. Non, ce n’est décidément pas mon rôle. Moi, je dois accueillir les clients, les écouter, les servir, les aider. Le tout dans la joie et la chaleur, c’est comme ça que nous montagnards avons été éduqués.

Tandis qu’il servait un chocolat à chaud à Donna pour qu’elle puisse se réchauffer, elle repensa à la carte qu’elle avait découverte après sa chute. En la sortant sur le comptoir, elle se rendit compte que le point rouge était exactement à l’emplacement du bar.

— Monsieur, auriez-vous reçu un cadeau, ou auriez-vous un cadeau à me transmettre ?

Devant la réponse muette que sa question reçut, elle essaya de dissiper le malaise.

— Excusez-moi, j’ai dû mal lire ma carte. Vous savez, avec le froid, l’humidité, ma chute…
— Je pense avoir ce que vous cherchez.

Il sortit un livre d’une boîte poussiéreuse. Intitulé Poèmes de Revoar, il semblait ne pas avoir d’âge. Le nom de l’auteur n’était pas sans faire écho dans la tête de Donna : Raphaël Lécrin.

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