Cette carte était très mystérieuse, mais Donna était bien trop curieuse pour résister à la tentation. Qu’allait-elle découvrir, cette fois-ci ? La jeune femme savait qu’il y avait un risque de faire une mauvaise rencontre, et que ce n’était jamais très prudent de sortir dans le froid pendant la nuit. Mais elle aimait l’aventure, et le sentiment d’adrénaline qui prenait peu à peu possession de son corps lui faisait du bien. Au moins, cela lui faisait oublier sa solitude, ainsi que le manuscrit de l’enfer qui l’attendait à la maison.

Le temps se refroidissait à mesure que la nuit recouvrait les rues, toujours plus dense et plus noire. Seuls l’éclat des lampadaires et les quelques décorations lumineuses maintenaient la ville encore en vie. C’était normal, après tout. Il était évident que les gens préféraient festoyer en famille, au sein d’un chaleureux foyer qui sent bon le chocolat chaud. Il n’y avait que les gens seuls qui erraient dans les rues le soir de Noël.

Le trajet semblait s’éterniser. Pourtant, Donna savait qu’elle n’était pas loin de sa prochaine destination. Pour une fois, elle n’hésitait pas : une petite flamme dans son cœur la poussait à avancer. Ça sentait bon l’hiver, et malgré la température qui chutait de plus en plus, elle se sentait ragaillardie par l’air frais du soir.

Après vingt bonnes minutes de marche, Donna arriva devant ce qui ressemblait à une pâtisserie, dont le nom, écrit en lettres cursives, rappelait à la jeune femme les papillottes de la place de la Fontaine :

“Aux délices d’antan”

Elle contempla le bâtiment, pensive. Que fallait-il faire ? Par réflexe, elle se colla à la vitre pour regarder à l’intérieur. Évidemment, la boutique était fermée. À l’intérieur, elle pouvait seulement apercevoir le reflet des guirlandes sur le comptoir, ainsi que le sapin, visible grâce à une petite guirlande de lumignons colorés.

Donna se recula finalement, et admira la vitrine de la pâtisserie. Des gâteaux de toute sorte étaient exposés, et chaque gourmandise semblait avoir été décorée sous le signe des festivités de fin d’année. Tout cela était terriblement appétissant, et un bruit sourd rappela à la jeune femme qu’elle n’avait pas beaucoup mangé. À vrai dire, elle avait laissé tomber le repas de Noël, puisque personne n’allait le partager avec elle, et s’était contentée d’une soupe et de quelques morceaux de chocolat.

Elle admira la vitrine quelques instants de plus, avant de se mettre à marcher. Cette pâtisserie l’intriguait, mais la jeune femme était incapable de mettre le doigt sur ce qu’elle devait chercher. Elle fit le tour du bâtiment, refusant d’abandonner aussi vite, et se retrouva à nouveau devant la devanture. Mais cette fois-ci, quelque chose attira son regard, et une effluve de cannelle et de sucre glace parvint jusqu’à ses narines.

Donna en remarqua rapidement sa provenance : un sac en papier, accroché à la poignée de la porte de la boutique, semblait le narguer. Intriguée par ce doux parfum, elle s’approcha, non sans prudence. C’était tentant, d’autant plus que l’odeur lui rappelait la tendresse des Noëls de son enfance, mais aussi les moments qu’elle avait passés en famille et qu’elle chérissait désormais dans ses souvenirs. Quitter son village natal pour travailler avait été une décision difficile à prendre, et dans ces moments, elle regrettait sincèrement de ne pas pouvoir rejoindre ses proches pour les fêtes.

La jeune femme, soudainement portée par une vive émotion, écarta toute prudence et ouvrit le sac. Elle ne savait pas à quoi s’attendre, mais il n’y avait aucun doute : il fallait qu’elle découvre ce qui se cachait derrière le point rouge ! Elle plongea le bras dans le sac, avant d’en ressortir un petit sachet fermé par un ruban, lui aussi rouge..

Sans attendre, Donna défit le nœud et ouvrit le petit cadeau. À l’intérieur embaumait l’arôme d’un gâteau moelleux, saupoudré de sucre glace et de perles d’argent, qui ne demandait qu’à être mangé, ainsi qu’une petite carte que la jeune femme s’empressa de déchiffrer.

“À toute personne qui a besoin de réconfort, d’une manière ou d’une autre.”

Le coeur de la jeune femme se serra, touché par ces mots. La patronne de l’établissement avait sans doute dû laisser des invendus en libre-service, pour les sans-domiciles qui passaient par là, ou pour les derniers passants de la journée.

Peut-être aussi que cela était pour ceux qui faisaient une chasse au trésor mystère, et qui avaient bien besoin d’un peu de réconfort.

Donna esquissa un léger sourire, illuminant son visage pourtant si fermé d’habitude. Si c’était le cas, cela avait marché : ce geste lui avait fait chaud au cœur. Elle remercia intérieurement la patronne de la boutique avant de croquer dans le gâteau. Un goût de paradis se répandit dans tout son être, et elle savoura cet étonnant moment de grâce.

Pas de doute, le Noël de tous ceux qui passeraient par ici prendrait une nouvelle saveur, et elle en faisait partie. Oh, il s’agissait sans doute d’une coïncidence, ou bien d’un simple coup du destin. Mais au fond d’elle, Donna avait envie de croire à autre chose. La magie de Noël, peut-être ?

La jeune femme n’en savait rien, mais elle reprit la carte et posa son doigt vers la troisième étape. Puis, elle repartit, le cœur battant, à la recherche du point rouge suivant.