21🎁
La jeune femme resta pantoise face à cette information. Après leurs visions respectives, toutes traces de soleil et de mer avaient désormais disparu, et le froid était revenu. L'eau était gelée, le sable était devenu blanc, semblable à une neige poudreuse qui glissait entre les doigts. Seule différence ; Lucien avait désormais l'air terriblement bouleversé, et Donna voyait maintenant dans ses yeux la douleur paternelle qu'il ressentait au plus profond de lui. Ça n'avait pas dû être facile d'accepter la disparition de son fils, alors l'entendre souffrir, sans vraiment savoir comment l'aider... Elle ne pouvait même pas imaginer ce que le barman pouvait ressentir.
— Donna, commença-t-il d'une voix hésitante, je ne sais absolument pas comment retrouver mon fils. Mais il a besoin de moi, et je refuse de le laisser ainsi. Je t'en prie, dis moi que tu vas m'aider !
La concernée vit les larmes briller dans les yeux de l'homme, cet homme pourtant si optimiste et aventureux qu'elle pensait désormais avoir le privilège d'appeler ami. En moins de temps qu'il ne faut pour dire "Revoar", elle avait pris sa décision.
— Bien sûr que je vais t'aider, Lucien. Mais il faut que l'on reprenne nos esprits ; ce monde tout entier est empli de mystères, et chaque étape est une véritable énigme. Tu parlais de réécrire l'histoire, c'est bien ça ?
Lucien hocha la tête.
— Mon fils était un grand poète, mais il y avait toujours dans ses écrits une mélancolie puissante, qui laissait toujours un goût amer de désespoir. C'était beau, mais très triste, et c'est d'ailleurs pour cette raison que je peux affirmer que les Poèmes de Revoar ne sont pas de lui. Il voyait le monde d'une manière différente de la nôtre, un peu comme si tout avait été recouvert de givre.
A ces mots, Donna leva soudainement la tête.
— Comme si tout avait été recouvert de givre ?
— Ce sont ses mots, acquiesça Lucien. Il avait du mal à accepter la réalité et s'enfermait toujours dans son monde à lui. Un monde qui devait sans doute ressembler à... Oh !
— Tu penses à ce que je pense, Lucien ? demanda la jeune femme avant de reprendre le livre de poèmes.
Le barman avait compris. Son regard, désormais illuminé par une once d'espoir, observa Donna qui reprenait les vers du poème si mystérieux.
— « Et quand se réveillaient les soleils bleus des îles », lit-elle simplement. Nous avons rencontré l'île, qui a réveillé nos quêtes respectives, mais j'ai comme l'impression que nous ne sommes pas arrivés au bout de ce vers... Un endroit ensoleillé, bien différent de cet univers parallèle à nouveau givré, voilà ce que nous devons chercher.
— L'exact opposé de ce que mon fils voyait... Et ce qu'il n'a pas eu le temps d'écrire, compléta Lucien d'un air nouvellement réjoui.
— Nous devons continuer notre quête et réécrire la fin de l'histoire à sa place, enchaîna Donna. C'est un peu fou, mais ça fait sens ! Et c'est sans doute pour cela que j'ai cette plume en ma possession désormais.
Le barman lui jeta un regard tendre.
— C'est à ton tour de reprendre la plume. Je suis sûr que Raphaël te sera reconnaissant de ce que tu as pu faire pour lui. Et pour moi, aussi.
La jeune femme lui sourit sincèrement en guise de réponse. Puis, pour échapper aux larmes qui commençaient à se glisser au coin de ses yeux, elle se mit à marcher, Lucien sur ses talons. Les deux compères avancèrent à un rythme soutenu, pressés de résoudre le mystère entier qui pesaient sur Revoar. Ils marchèrent sans connaître leur destination, mais avec un soleil dans le cœur qui semblait faire fondre le givre sous leurs pieds. Et tandis qu'ils avançaient, le ciel se dégagea petit à petit pour laisser apparaître un astre bleu, mais particulièrement lumineux. C'était étrange, et pourtant terriblement beau.
A mesure qu'ils continuaient de marcher, le soleil bleu se mit à grossir, et la lumière qui s'en émanait sembla se déposer peu à peu sur le monde de Revoar. Le givre disparaissait, mais à la place des habitations d'antan se tenaient désormais des maisons colorées, des plantes parlantes, et des animaux vêtus de drôles de vêtements.
— Le soleil bleu est réel ici, nota Lucien. On se croirait presque dans un monde de métaphores.
— C'est parce que nous venons de rencontrer la littérature contemporaine, souffla Donna sans vraiment croire ce qu'elle voyait. Les Poèmes de Revoar nous font traverser le temps, et je crois que plus nous entretiendrons le lien avec l'écriture, plus nous serons aptes à réécrire l'histoire de Raphaël.
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