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— Dites-moi, Lucien... Vous voyez ce que je vois ?

Le barman sentit une panique soudaine parsemer la voix de Donna. Les bêtes les encerclaient de plus en plus, et la situation prenait une tournure délicate.

— J'en ai bien peur, répondit-il en baissant la voix. Ne faites aucun geste brusque, on va trouver une solution pour se dépêtrer de ces sales loups.

Il se mit à réfléchir sérieusement, dans l'espoir de trouver une solution miracle qui permettrait de sauver leur peau à tous les deux, hélas sans grand succès. Mais les loups étaient de plus en plus proches, et les deux humains pouvaient voir leurs crocs briller tandis que le danger se faisait plus menaçant.

— Ces bestioles sont étranges, remarqua Lucien tout en restant sur ses gardes. Ce sont des loups, mais des loups de Revoar, et j'ai comme l'impression que nous ne sommes pas les bienvenus sur leur territoire.

— Ils restent des bêtes sauvages malgré tout, avança Donna, peu rassurée. Comment peut-on faire fuir des loups, en temps normal ?

Le barman plongea la main dans sa poche, l'air concentré.

— Peut-être qu'en mettant le feu à une branche ou deux, on pourrait les faire fuir. Heureusement que cette vieille habitude d'ancien fumeur ne me quitte plus, et que j'ai toujours un briquet dans ma poche !

À ces mots, il sortit le petit objet de son veston. Donna, qui cherchait déjà des bouts de bois par terre, laissa échapper un juron en voyant les loups prêts à bondir. Exaspérée par le manque de matériau inflammable, et voyant les loups se régaler d'avance de leur festin, elle laissa apparaître son haut et tira d'un coup sec dessus, laissant les coutures se délier.

— Tenez ! lança-t-elle à Lucien en lui donnant le morceau de tissu. Ça devrait le faire.

Le barman ne se fit pas prier et approcha la flamme du briquet près du tissu. En moins de deux, celui-ci se mit à brûler en projetant des étincelles ça et là. Il le jeta sur les loups, se brûlant légèrement les doigts au passage, et tandis que les flammes grandissaient étrangement, il prit le poignet de la jeune femme pour s'enfuir. Les loups, trop effrayés pour braver la frontière brûlante qui semblaient se dessiner comme par magie, n'osèrent leur courir après.

Après quelques minutes de course effrénée, les deux compagnons de route s'arrêtèrent pour reprendre leur souffle.

— Nous ne sommes pas suivis ! s'écria Donna pour relâcher la pression. Mais c'était moins une.

Lucien acquiesça. Ils avaient eu chaud - et c'était le cas de le dire - mais il fallait désormais se recentrer sur la quête des fameux Poèmes de Revoar, d'autant plus que le territoire ne paraissait désormais plus aussi sûr qu'avant.

— La sœur a disparu, mais je crois que nous avons couru inconsciemment vers la voix de la chanteuse, supposa Donna, extirpant le barman de ses pensées.

Ils levèrent la tête, comme attirés par une mélodie, semblable à celle qu'ils avaient déjà entendue, qui s'échappaient d'une fenêtre éclairée. Un balcon, qui faisait office de scène, laissait les notes, étrangement matérialisées, sortir de la maison qui se dressait devant eux.

— C'est complètement irréel... osa finalement remarquer Lucien après un temps d'observation.

— C'est vrai que c'est magique, fit Donna en guise de réponse. Mais que faut-il en retirer ?

Lucien sortit le livre de poèmes, dans l'espoir d'en tirer une quelconque réponse. Ils avaient trouvé le refrain, mais quelle était la suite de la quête, et que devaient-ils faire de cette mélodie ?

— « Puis quand s'éveillaient les lumières de la ville...», souffla la jeune femme qui lisait par dessus son épaule.

Sans comprendre, le barman fronça les sourcils. Revoar n'était pas si sombre que cela, mais la journée était finie depuis belle lurette, et les lampadaires n'existaient certainement pas au Moyen-Âge.

— Attendez une seconde, lâcha-t-il à voix haute. Nous avons changé d'endroit. Se pourrait-il que nous ayons aussi changé d'époque ?

Donna se redressa soudainement.

— Oui ! Les lumières de la ville, ce sont les débuts de l'ampoule électrique. On a dû faire un bond au XVIIIème siècle, ou quelque chose comme ça.

Lucien, qui aquiesçait doucement, ne put s'empêcher d'ajouter un brin de culture :

— Et pas seulement. Vous connaissez le mouvement des Lumières ? Ce sont des intellectuels qui ont remis, entre autres, les connaissances et la littérature au goût du jour.

— Vous voulez dire que... cette lumière qui provient de la fenêtre, elle nous chante les vertus de l'écriture ? répondit Donna, provoquant le rire du barman.

— Vous partez peut-être un peu loin, sourit-il. Mais tout semble possible à Revoar, et je suis persuadé que nous pourrons trouver une réponse ici.

À ces mots, il tenta de pousser la porte de la maison au balcon lumineux, sans succès. Pourtant, le paysage sembla s'éclairer autour des deux compères malgré la nuit. Comme happés par cet étrange phénomène, ils ne bougèrent plus, et une forte lumière vint les entourer. Le chant à la fenêtre s'intensifia, laissant les deux amis émerveillés par le spectacle éblouissant qui prenait place devant eux. Cependant, aucun des deux ne put s'empêcher de se le demander : qu'est ce que cette lumière pouvait donc bien vouloir leur dire ?

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