Night Terror

Cette soirée ne semblait en rien différente des autres, le lendemain je devais aller à l'école. Je me devais donc de me coucher assez tôt. De toute façon, la tension toujours présente entre mes parents depuis leur dispute ne m'incitait en rien à vouloir rester en bas et regarder la télévision avec eux. Je devais avoir entre douze et treize ans, je ne suis plus vraiment certaine. J'étais montée, ma soeur aussi. Sa chambre était juste à côté de la mienne. Je m'étais mise dans mon lit et j'avais lu, je suppose que ma soeur aussi. Nous n'en avions sûrement pas le droit puisque ce n'était pas exactement ce que nos parents auraient appelé "dormir" mais nous aimions trop cela. 

De toute façon, j'avais des insomnies alors devoir dormir n'était pas ce que je préférais. Je me rappelle très bien comment, vers six ans, je demandais chaque nuit à mon père, lorsqu'il venait me dire bonne nuit, " Combien de temps est-ce qu'il reste avant le matin?". Pendant de très longues années il m'était impossible de dormir. Je ne pouvais pas, j'avais trop peur. Dès que je fermais les yeux j'avais l'impression que des centaines de visages m'observaient. Alors je tentais de les garder ouverts le plus longtemps possible. Et lorsque je ne tenais plus, j'allais voir mes parents, il ne fallait pas que je m'endorme seule. C'était dangereux. Seulement ils détestaient ça, que je les dérange. Ils finissaient par ne plus le supporter et la peur de leur colère quand je les réveillais me bloquait. Que faire quand je ne savais plus où aller pour me réfugier, pour me sentir protégée? J'avais presque aussi peur de rester seule que d'aller les voir. Je redoutais les jours d'école où ma tête était si lourde que je n'arrivais plus à la porter, je redoutais que mes yeux ne se ferment tout seuls devant tous mes camarades, ces deux jumelles qui me détestaient s'en seraient trop réjouies.

 Mais la dispute de cette fameuse nuit, vous savez, celle que tous les enfants redoutent, celle qui veut dire " nous allons nous séparer", avait réglé mes problèmes, mes parents ne voulaient plus dormir ensemble. Évidemment, elle en avait créer d'autres aussi, je ne voulais pas, il était impossible qu'ils se séparent.  Alors mon père avait installé un petit lit dans ma chambre. Le mien était collé à un mur, le sien à un autre. La veille encore, je pensais que je ne pourrais plus dormir, je pleurais souvent de stress. Que ferais-je la nuit venue? Mais maintenant que je n'étais plus seule et que je ne redoutais plus la colère de me parents, mes nuits se présentaient comme calmes. Je lisais et éteignais la lumière lorsque mes parents montaient pour faire croire que je dormais, mais j'attendais que mon père soit couché pour vraiment m'y autoriser. 

C'est ainsi que se déroula cette nuit. Mon père s'installa et s'endormit rapidement, comme à son habitude. Toutes les lumières étaient éteintes, et je n'avais pas peur. Je m'enroulais alors d'aise dans mes couvertures et m'endormis paisiblement en écoutant le  bruit de sa lourde respiration. Quelques heures ou quelques minutes après, je n'aurais su le dire, je me réveillais. Ce n'était pas inhabituel. Certes, j'arrivais à dormir mais tout ne pouvais pas être parfait, mon sommeil était entrecoupé de réveils. Comme si mon corps était sans cesse en alerte et qu'il devait régulièrement vérifier qu'il était en sécurité pour se laisser aller de nouveau. J'ouvris simplement les yeux et jaugeais les alentours. Je m'accommodais parfaitement de mes nombreux réveils, ils ne me fatiguaient pas autant que des nuits blanches. Je refermais mes paupières et attendis que le marchand de sable repasse par ici. Les escaliers grincèrent. Dans le silence et le noir total, c'était assez effrayant. J'en avais déjà fait part à mes parents et à ma soeur, et ils m'avaient tellement répété que c'était normal dans une vieille maison remplie de bois que je ne m'en inquiétait plus. 

Je me rappelle très bien m'être fait cette réflexion dans ma tête pour me rassurer " C'est le bois, c'est normal". Avec un soupir, je m'étais détendue. Le sommeil recommençait à me gagner lorsqu'un nouveau grincement dans l'escalier me secoua, j'ouvris instantanément les yeux. Je me répétais les même paroles. En ces journées froides et avec ce vent violent, la maison craquait de partout. C'était normal. Cette fois, j'obligeais mes paupières à se refermer en tentant de vaincre la pointe de peur qui se formait dans ma poitrine. Je fus extrêmement soulagée de ne rien entendre pendant au moins vingt minutes. Même si un nouveau bruit se faisait entendre maintenant, le temps écoulé entre chaque craquement le rendrait tout naturel. Ce serait juste cette satané vieille maison, rien d'étrange. C'est ce que je me dis au moment où les escaliers grincèrent de nouveau. 

Je ne voulais pas être une froussarde, je ne cessais de me maudire moi même " tu as douze ans et tu as toujours peur du noir et des escaliers qui grincent". Mais c'était plus fort que moi, j'étais tendue. Et rien ne s'améliora quand les grincements s'enchaînèrent de plus en plus souvent. Jusqu'à ce que je soit même convaincue que ce n'étais pas de simples grincements. Je n'étais pas folle. Le bruit était distinctement différent de celui, habituel, des marches elles-mêmes. Je le jure, c'était des pas. Vous savez, ce même bruit que vous faites lorsque vous essayez d'être discret. D'abord le talon, doucement posé, puis le son de la transmission de votre poids sur votre pointe des pieds. Un poids se déplaçait sur les marches. Ce n'était pas un craquement soudain et bref, c'était le son d'une personne essayant de ne pas être entendue. Non. Ce ne pouvait être cela. Impossible. Impossible. 

Je l'espérais tant. Pourtant quelqu'un se déplaçait et se rapprochait. Ma respiration se fit plus lourde, mes yeux s'écarquillèrent dans le noir. Je ne pouvais rien voir et pourtant tout devins suspect. Je ne me sentais plus en sécurité. Mes oreilles semblaient alertes, ultra sensibles au moindre bruit. Je ne me croyais pas moi même lorsque je me disais que c'étaient des pas. Mais à chacun qui résonnait, j'en étais de plus en plus convaincue. À un moment, je me concentrais et me demandais " À quel point en es-tu sûre?". Et j'attendis qu'ils retentissent de nouveau. Et j'entendis encore le déplacement lent, comme pour essayer de ne pas se faire entendre. Je repensais à toutes les fois où, à Noël, mes neveux, ma soeur et moi avions essayer de descendre discrètement ces marches pour voir le père Noël déposer nos cadeaux. Nous grimacions à chaque fois, il était impossible de ne pas faire de bruit. Tous ensemble, nous ne réussissions pas à rester sérieux et nous rigolions souvent de notre maladresse. Nos parents venaient alors nous chasser joyeusement. C'était exactement le même son qui me parvenait. Une marche après l'autre. " J'en mettrais ma main à coupé" M'étais-je dis. "Quelqu'un monte". 

Alors que cette certitude m'avait frappée, mon corps entier avait sembler en prendre conscience. Des sueurs froides me prirent, un poids ultra pesant pris place dans ma poitrine et mes yeux ne pouvaient plus se fermer, ils scrutaient l'obscurité sans relâche, apeurés. Pour moi, il s'agissait d'un cambrioleur. Sur le coup, l'idée d'autre chose ne m'était pas venue. Dans ces moments, on essaye de se calquer sur la normalité, on n'envisage même pas que le paranormal puisse entrer en compte. Je n'avais aucune idée de pourquoi il montait, s'il s'était contenter de ce qui se trouvait en bas, il aurait pu repartir sans problème. J'envisageais alors la possibilité qu'il nous veuille du mal et une terreur sans nom s'empara de moi. La chambre de ma soeur était la première, un long couloir nous séparait tous des escaliers, il n'aurait bientôt plus qu'à le traverser. S'il continuait tout droit, ce serait dans ma chambre qu'il entrerait en premier. Pour cela, il faudrait que l'obscurité l'empêche de voir la porte de ma soeur qui se trouvait juste avant la notre, sur la gauche. J'espérais que ce serait le cas. 

Mais je ne voulais pas en arriver à devoir attendre le verdict. Je me préparais à appeler mon père mais je me rendis compte que les bruits avaient cessé. Dans ce genre de moment, on ne peut être sûr de soi. Encore une fois, je crus que je m'étais tout imaginé. Ce ne pouvait être vrai. Impossible. Si je réveillais mon père, je me ferais sermonner pour rien et j'aurais encore droit à des réflexion le lendemain, des réflexions humiliantes et dures à vivre lorsque l'on se sent déjà mal " Tu penses que tes amies ont encore besoin de dormir avec leur parents? Tu penses qu'elles ont encore peur du noir? C'est égoïste de nous réveiller nous parce que toi tu n'arrives pas à dormir." Voilà ce qu'ils me diraient. 

Je calmais ma respiration et prêtais l'oreille. Plus rien. Un immense soulagement m'envahit. Je crois que le mot "immense" n'est même pas assez fort. Je faillis pleurer de soulagement. 

Mais les pas reprirent. Ils n'étaient plus dans l'escalier mais dans le couloir. Et maintenant, comment cela pourrait-il être autre chose que des pas? Mes larmes coulèrent alors. De peur. Toujours dans le même soucis de discrétion ou en quête de l'effet de surprise, les pas se faisaient lents, délicats. Mais pourtant, je pouvais les entendre, je savais que ça arrivait. Ce n'était pas statique, ça se rapprochait, un pas après l'autre je constatais avec horreur que peu importe ce qui venait, ça venait. Il fallait que je réveille mon père. Il le fallait. 

Alors je tendis la main. Mon esprit visualisait le geste, je le touchais, le secouais légèrement pour qu'il comprenne qu'il fallait se réveiller. Mais je ne fis rien. Je ne pouvais pas, mon bras ne m'obéissait pas. Une terreur sans nom me prit alors. Je tentais de bouger mon autre bras. Lui non plus ne me répondait pas, ni mes jambes, ni mon visage. Je ne pouvais que regarder aux alentours, seuls mes yeux fonctionnaient. Et mes lèvres. Elles pouvaient bouger. Alors je tentais d'appeler mon père. Aucun son ne sortit. Seules mes lèvres se mouvaient. D'imaginer ma propre image, aussi pathétiquement inutile accentua ma peur. J'étais paralysée. Tous cela me fis me sentir si vulnérable, j'avais beau tenter de parler, j'en vins même à essayer de crier, rien ne sortit de ma bouche. Je compris alors que toutes ces autres nuits où je pensais être effrayée, ce n'était rien. Ceci était la pire expérience de ma vie, elle n'était même pas comparable aux autres. Et les pas continuaient de se rapprocher. Encore dix mètres et la personne qui était entrée par effraction dans notre maison serait là. Qui de ma soeur ou de mon père et moi trouverait-elle en premier? Ma mère, elle, se trouvait un peu plus loin. Elle serait probablement la dernière. 

Je ne sais pas si mes mots décrivent assez bien ce que j'ai ressenti, sûrement pas, mais j'étais certaine que j'allais mourir. Il n'y avait aucun doute dans mon esprit. J'allais mourir. Nous allions tous mourir. Savez-vous ce que cela fait, d'être paralysée en étant convaincue d'attendre la mort, dans le noir, sans pouvoir avertir votre famille qui dort paisiblement près de vous? Moi oui. 

J'avais tellement chaud, sous ma couette, j'étais tellement terrorisée. Je savais, j'attendais. D'une seconde à l'autre, la personne entrerait dans ma chambre. Je ne pouvais que fixer l'obscurité. 

Mais tout s'arrêta. Personne n'entra. Les pas ne reprirent pas. S'ils l'avaient fait, ils auraient été dans ma chambre. Je pris un moment à comprendre que plus rien n'allait se produire. Mon corps se détendit très, très lentement. Je ne me rendormis pas tout de suite. Ç'aurait été impossible. Mais je ne réveillais pas non plus mon père. Je prêtais attention au moindre bruit. 

Les pas s'étaient arrêter devant ma porte, pourquoi ne les entendais-je pas repartir si la personne avait finalement décidé de ne pas entrer? C'était comme si la " présence" s'était volatilisée.

Un grand vide prit place dans ma tête. Que venait-il de se passer? Le reste de la nuit fût très mauvais, je priais pour que le jour se lève, qu'en pleine lumière, je puisse raconter à mes parents ce qu'il s'était passé. Mais je ne pouvais pour le moment qu'imaginer cela dans l'obscurité qui semblait éternelle. Je fus enfin capable de bouger mes membres de nouveau, et étonnement, même moi ne comprends toujours pas comment j'ai pu, je me rendormis. 

Lorsque, le lendemain, je racontais ce qu'il s'était passé à mes parents, j'affirmais que quelque chose était bel et bien là. Je ne pouvais plus me résoudre à dire "quelqu'un" comme si je n'étais plus vraiment convaincue que " quelqu'un" était là. " Quelque chose" me semblait plus approprié. Quelque chose qui, leur confiais-je, s'était soudainement évaporé après avoir fait tout le chemin du bas des escaliers au seuil de ma porte. Ils ne voulaient pas me brusquer ou me vexer alors ils m'avaient dit de la façon la plus compréhensive possible que le cerveau était très puissant et que, fatigué, il pouvait créer des sons ou même des images et des sensations. Évidemment je les croyais, je le savais déjà, mais je ne pouvais me résoudre à dire que j'avais tout inventé. Comment le faire quand moi même j'avais tenté de me convaincre que tout était faux et que les bruits revenaient, distincts, comme pour m'assurer que c'était vrai. Je suis toujours restée convaincue que quelque chose d'étrange et d'inexplicable s'était passé cette nuit. Seule ma soeur m'avait cru sur parole, parce qu'elle même avait vécu quelque chose de terrifiant et d'étrange quelque temps auparavant et qu'elle avait elle aussi eu droit aux phrases telles que "Ce n'était que ton imagination", "Mais oui, évidemment que tu es certaine de l'avoir vécu, c'est ce qu'on appelle des hallucinations". 

J'ai depuis fait des recherches et trouvé quelque chose qui pourrait expliquer mon expérience, quelque chose d'assez similaire mais qui ne me convainc pas à 100 %. Vous en avez surement déjà entendu parler. La paralysie du sommeil, "qui se caractérise par le fait que le sujet, sur le point de s'endormir  ou de s'éveiller  mais tout à fait conscient, se trouve dans l'incapacité d'effectuer tout mouvement volontaire. À cette sensation d'immobilisation sont couramment associées des hallucinations auditives, kinesthésiques ou visuelles ainsi que des impressions d'oppression, de suffocation, de présence maléfique et de mort imminente. Le sujet, dans l'impossibilité d'articuler les sons et de prévenir l'entourage, éprouve le plus souvent un sentiment d'anxiété et de frayeur". Cette définition représente parfaitement ce qu'il m'est arrivé. Mais beaucoup de personnes en ayant vécu témoignent de la présence d'une sorte de petit diablotin s'asseyant sur leur poitrine, d'où l'impression de suffocation. Je n'ai pas reçu de telle visite. Il est aussi dit qu' " À la paralysie du sommeil sont souvent associées des expériences qu'on peut à proprement parler qualifier d'hallucinations dans le sens où ceux qui les vivent sont parfois convaincus de leur réalité, une remise en question n'intervenant le plus souvent qu'après la prise de connaissance du phénomène et de son aspect hallucinatoire". Ma remise en question s'est faite pendant l'expérience. Je me suis instantanément dis que ce n'étais pas réel. Que ce ne pouvait pas être le cas, jusqu'à ce que tout devienne trop clair. De plus, "Ces hallucinations visuelles, auditives, tactiles, kinesthésiques, tournent souvent autour du thème de la présence menaçante d'un intrus dans la chambre." Seulement au contraire, pour moi, cette présence était en dehors de ma chambre et n'y est à aucun moment entrée. 

Je ne saurais vous en dire plus, c'est à vous de vous faire votre propre avis. Je ne peux nier le fait que mon expérience ressemble vraiment aux descriptions d'une paralysie du sommeil et vous pouvez tout à fait croire que ç'en était une. Je suppose que moi-même finirais par en venir à cette conclusion, seulement il est dur de s'avouer, lorsque l'on a vécu quelque chose, que l'on entendait distinctement des choses, que tout n'était qu'hallucination. La peur extrême peut pousser à une paralysie, et si cette peur terrifiante a lieu en pleine nuit, est-ce forcement une paralysie du sommeil? 

                       

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Pour ceux qui sont arrivés jusqu'ici ( parce que oui, j'avoue que cette partie était plus longue que la plupart des écrits que je fais) je tiens à vous remercier d'avoir lu et à vous apporter quelques petites précisions. Ce segment n'est pas comme d'habitude, il n'est pas inventé. C'est une petite partie, assez terrifiante à vivre, de ma vie que je vous livre. Je voulais la partager, je ne sais pas du tout comment vous l'accueillerez mais j'espère qu'elle ne vous déplaira pas trop. Je me demande ce que vous en penserez, et même si cela n'était probablement qu'une paralysie du sommeil, j'ai une question qui me taraude, en plus on approche d'Halloween alors dîtes-moi, croyez-vous au paranormal, aux fantômes? 

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