My war is over

      - Tu ne devrais pas te cacher si tu cherches à nous fuir.  Cela nous permet seulement de mieux t'observer.

Un frisson encore plus violent que les précédents me parcourut. Cette voix était de loin la pire, comment pouvait-elle être murmurée si doucement et paraître si effrayante ? Cela devait venir de son ton rauque ou encore de la simplicité avec laquelle elle prononçait des paroles qui suffisaient à vous clouer sur place, le sang glacé.

-Pourquoi me dire ça ?! Lui demandais-je directement en sortant de l'ombre comme je ne le faisais que très rarement.

Un brouhaha des plus insoutenable prit place. Elles parlaient entre Elles, murmurant des choses à mon sujet que je ne compris qu'à moitié.

- Elle nous a parlé.

- Peut-être va-t-elle accepter de nous suivre.

- Elle n'a pas le choix.

- Viens ....

- Approches...

- Fermes-les yeux.

Je me couvris les oreilles de mes mains. Pourquoi leur avais-je adressé la parole ? Tout ce que je souhaitais était qu'elles m'oublient. Je n'avais pas quitté la maison depuis une semaine. Ou était-ce un mois? Les gens avaient trop peur de moi pour que je continus à me montrer. Que faisait-on aux sorcières dans le passé? On les brûlait. Et que leur serait-il fait aujourd'hui, dans une société hypocrite qui affirmait être juste mais qui est rongée par la paranoïa? Je n'étais pas une sorcière. Mais eux ne semblaient pas être au courant. L'obscurité et l'enfermement devaient finir par me faire délirer. Jamais je ne leur avait adressé la parole.  Mais c'était trop tard, Elles étaient encouragées par ce brusque élan de curiosité dont j'avais fait preuve à leur égard. Alors que j'abaissais mes mains, priant pour qu'Elles aient cessé leur sorte de transe, la même voix qui m'avait quelques instants plus tôt mise en garde se fit plus intense que les autres.

- Il ne te servira à rien de nous résister, tu es déjà des nôtres. 

Je tentais de contrôler mes mains tremblantes et reculais doucement vers le placard. La maison était entièrement sombre, j'avais pris soin de baisser tous les volets. Mais l'obscurité était encore bien plus dense dans le placard. J'y entrais et me recroquevillais. Je ne savais pas pourquoi, mais ici Elles ne venaient pas. Les murs restaient lisses et inanimés, Elles étaient dans tous, mais pas dans ceux-ci. Je me rendis compte que j'étais en apnée et libérais mon souffle haletant. 

Rien ne m'arriveras. Ici, je suis en sécurité. Je l'ai toujours été jusqu'à présent. 

Des sifflements me parvinrent, des voix rauques, et des voix douces, trompeuses. Elles me parurent terrifiantes, ce soir. Parce que je m'étais soudainement rendue compte de ma solitude. Ce soir, je n'avais pas la force de les affronter, j'avais besoin de quelqu'un. De quelqu'un de responsable qui saurait quoi faire. Des secondes passèrent, des minutes. Ou étaient-ce des heures? 

Je ne veux pas. Je ne veux plus. 

Je ne pouvais plus. 

Comme une automate, je sortis de ma cachette. 

  - Viens! 

Une main m'atteignit et me tira vers le mur. Je me déchainais comme jamais en criant, griffant, grognant et frappant dans tous les sens. Non. Elles ne m'auraient pas, pas maintenant que j'avais pris une décision. Pas avant d'avoir tenter ma chance. Les nombreuses mains qui m'avaient à leur tour agripper me libérèrent dans des plaintes suraiguës. Je courus vers la sortie et ouvris violemment ma porte. Sur le pas de ma porte, je tombais à genoux. Ce devait être le couché de soleil, ces merveilleuses couleurs orangées, violettes et roses. Je me souvenais que c'était mon moment préféré, avant. Et pourtant, aujourd'hui, la lumière me semblait agressive. Je peinais à garder les yeux ouverts, mais il fallait que je m'écarte. Presque à l'aveugle, je fis quelques mètres avant de me laisser tomber de nouveau. Il fallait que les gens de mon village m'acceptent, je ne tiendrais plus. C'était impossible, ou je finirais par mourir seule. Et j'avais très peur de cela. 

Mes yeux s'habituèrent peu à peu et me révélèrent une foule m'encerclant. Je me mis à genoux et élevais la voix. 

- Je vous en pris, aidez-moi. 

Un murmure agité se répandit, les visages se mirent à grimacer, à se renfrogner. 

- Pourquoi est-ce qu'on aiderait une folle comme toi?

- Tu veux qu'on t'aide pour que tu nous tues tous ensuite? 

- Quelle égoïste de nous demander ça, elle mérite de mourir!

Ce dernier mot me fit frissonner. 

- Non, je vous en supplie ! J'arrêterais de raconter que...

- Que des voix sortent de tes murs, que des personnes malfaisantes veulent t'emmener avec elles... dans les murs? 

Je hochais vivement la tête. 

-Ça ne changerait rien, tu es dangereuse pour nous tous! 

Une vague d'approbation violente traversa la foule. Ce n'est que lorsqu'ils commencèrent à frapper le sol de leurs grands bâtons que je remarquais le danger. Ils avaient du m'entendre crier à l'intérieur. 

-Non...implorais-je. Je vous en supplie... 

Ma voix se brisa lorsqu'un homme s'avança, un sourire mauvais sur le visage. Je n'avais plus la force de lutter. Pas ce soir. Mes chances s'évaporaient. Au moins, j'aurais tenté. Je ne mourrais pas pleine de regrets. Simplement pathétiquement seule. L'homme leva son bâton et m'assena le premier coup en plein visage. Mes forces étaient si faibles que je m'écroulais instantanément. D'autres se rapprochèrent, chacun eu droit à son coup de bâton, certains s'autorisaient même à m'en donner deux. Je rapprochais mes jambes de ma poitrine et mis mes bras devant mon visage pour le protéger. 

-Meurs, démon! 

Un sanglot m'échappa, chaque centimètre de mon corps était douloureux mais mon âme était bien plus touchée. 

Ils finirent par arrêter, je ne savais pas si c'était parce qu'ils avaient pitié ou si c'était parce qu'ils me pensaient déjà morte. Après tout, je devais en avoir l'air. Je supposais que mon visage n'était plus qu'une masse rouge indistincte et que mon corps fétiche ne montrait plus aucun signe de vie. Alors que tous s'en allèrent, je rassemblais la force qu'il me restait pour tourner mon visage vers le ciel. Les couleurs s'étaient assombries et m'étaient bien plus agréables. Le jour me faisait l'honneur de mourir à mes côté. La lune m'accueillera.

 Mais je ne voulais pas leur faire le plaisir de mourir devant leurs yeux. Lorsque la dernière lueur de lumière disparut, je me mis à plat ventre et trainais mon corps à la seule force de mes bras. Le bruit de mes grognements était surement atténué par le boucan que faisaient les habitants du village à fêter ma mort prochaine. J'atteins mon porche et me hissais tant bien que mal sur les quelques marches qui me séparaient encore de ma maison. Mes côtes hurlèrent de douleur lorsqu'elles frappèrent les marches. Je ne pouvais me montrer plus délicate. 

Je crus un instant que je n'atteindrais jamais le placard, mais étonnamment les voix ne semblaient plus si désireuses de m'emporter maintenant que j'avais déjà l'air d'un cadavre. Les larmes coulèrent sur mes joues. Mais j'atteignis mon placard. Je ne pouvais plus, je ne voulais plus lutter. Et si abandonner se révélait beaucoup plus agréable? J'entrais dans mon refuge, tendis le bras pour atteindre la porte du placard et la tirais à moi, la fermant définitivement. 

Ma guerre était terminée. 

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