Lights make my way
Mère me répète encore une fois que les esprits n'existent pas. Je hoche légèrement la tête et souris. C'est ce que je fais depuis que j'ai compris que cela la contente.
Mais ce n'est pas pour autant que je la crois. Si c'était le cas, je n'aurais plus peur d'aller me coucher.
Elle me dépose un baiser sur le front et sort de ma chambre. Je vois sa longue chemise de nuit en soie glisser et disparaître derrière ma porte. Ses pas légers résonnent dans le couloir, je tends l'oreille comme si cela pouvait les faire durer plus longtemps. Mais ils disparaissent.
Comme chaque nuit, une panique sans nom me prend. Je serre Mister Jabby contre moi. Il est le seul qui ne m'abandonne jamais lorsque j'ai peur. Ses yeux grands ouverts surveillent l'obscurité lorsque, malgré moi, je m'assoupis.
C'est une peluche.
Enfin ça, c'est aussi mère qui le dit. J'acquiesce, lorsqu'elle l'affirme, tout comme pour sa phrase sur les esprits. Parce que je ne veux pas aller voir la femme chez laquelle elle veut m'emmener. Une psychologue, dit-elle. Je sais à peine ce que cela veut dire, une psychologue. Mais je sais que je ne veux pas y aller.
Je me redresse contre mon oreiller et allume ma lampe de chevet. Mère ne le sait pas, mais je ne peux pas dormir sans.
- Mister Jabby, surveille la porte s'il te plait. Je chuchote à mon ami.
Je le vois se tourner majestueusement vers celle-ci. Il étire ses grandes ailes de griffon et se secoue pour dégourdir son étrange corps. J'adore ça, lorsqu'il se réveille.
Pendant qu'il fixe l'entrée, je sors doucement mes pieds de la couverture et me dirige vers la fenêtre. En tremblant, je tire les rideaux et regarde dehors.
Une ombre surgit, toujours la même.
Ce n'est pas d'elle dont j'ai peur. En général, celle-ci se contente de danser dans le jardin. C'est une piètre danseuse, mais elle n'est pas dangereuse.
Je souffle. L'autre n'est pas là .
Je referme les rideaux. Le jardin n'est pas une menace ce soir. Je crains que ce ne soit pas le cas pour le reste de la maison.
Mister Jabby pousse un petit cri à mon intention. Je me retourne vivement, un frisson me secoue.
Ma porte est entre-ouverte.
Je cours dans mon lit et me cache de ma couverture. Des sueurs froides me parcourent, jamais aucune n'a ouvert ma porte. Mes membres se paralysent peu à peu et lorsque mon désespoir me pousse à vouloir appeler mère, aucun son ne sort de ma bouche. Je ferme les yeux très fort. Et si, finalement je mourais ce soir? Mon sang se glace. Ma respiration s'accélère, se fait lourde. Mère appelle ça une crise de panique. Pour ça, je la crois.
Je sens Mister Jabby sautiller sur moi par dessus la couverture. Puis sa petite tête apparaît. Il me pince gentiment pour me signifier que la voie est libre.
Je reste bloquée un long moment avant de réussir à jeter un coup d'oeil aux alentours.
Mister Jabby a raison. Il n'y a rien dans ma chambre.
- Je ne veux pas y aller!
Je commence à pleurer. Il se blottit contre moi un instant puis s'envole. Il s'engouffre dans l'entrebâillement de la porte.
-Non!
Je cours à sa suite. Le couloir est sombre. Mais moins que d'habitude. Pendant un instant je ne comprends pas.
Puis je les vois.
L'escalier est parsemé d'ampoules. Une par marche. Elles ne sont reliées à rien et pourtant, elles sont toutes allumées.
Mister Jabby est posé sur la première marche et me regarde. Il ne semble pas inquiet.
Moi, les ombres que chaque ampoule projète autour d'elle m'effraient. C'est une vision terrifiante.
Je suis quand même Mister Jabby.
Une chose est au moins rassurante, celui du couloir n'est pas là.
Dès que mes pieds touchent une marche, l'ampoule déposée dessus s'éteint, puis disparaît. À la moitié, je sais que je ne pourrais pas faire demi-tour. Il fait complètement noir, derrière moi. Et j'ai horreur du noir.
Mister Jabby avance avec une marche de retard, comme pour protéger mes arrières.
À la dernière marche, un malaise s'empare de moi. La dernière lumière s'éteint.
Je suis plongée dans le noir total.
Mais ça ne dure qu'une seconde. Presque instantanément, des milliers de bougies s'allument autour de moi.
Le décor ne m'est pas familier. Je ne suis plus chez moi.
Le poids qui me compressait la poitrine s'évapore alors que je suis toujours incertaine face à ce que je vois. Heureusement, Mister Jabby est venu, lui-aussi.
- Où est-ce qu'on est ?
Il tourne autour de moi joyeusement et pousse des cris d'excitation. Le décor semble incomplet. Il se forme au fur et à mesure des secondes.
Un lit prend place au milieu de la pièce. Les bougies diminuent, mais la luminosité reste la même. De petites formes apparaissent, elles ont des ailes.
Mon corps se détend, mes yeux s'ouvrent grands de stupéfaction. Ce sont elles.
Des fées.
Mère dirait surement "Des poupées".
Mais je sais bien que ce ne sont pas que des poupées. Elles sont venu me voir il y a longtemps. Dans un rêve. Et elles m'ont promis que je ne resterais plus jamais seule. Alors, elles ont déposé de leur poudre sur Mister Jabby. Elles lui ont permis de vivre.
Une d'elle s'approche de moi.
- Tu vas pouvoir dormir en sécurité. Ils ne te trouveront plus jamais.
Mes yeux deviennent lourds. Cela fait si longtemps que je n'ai pas dormi une nuit entière.
Mon corps lâche avant mon esprit. Je reste consciente des centaines d'ailes qui volent autour de moi. Je suis déposée sur le lit, Mister Jabby me rejoint. C'est à ce moment que je m'abandonne complètement.
Je me réveille dans mon lit alors qu'il fait encore nuit. Je me suis assoupis, Mister Jabby surveille la chambre.
Je réalise soudain qu'aucune fée n'est venue me sauver.
Mais je sais que c'est une promesse, je tiendrais jusque là.
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