Dainty Sorrow

Elle était très belle, disait-on. Sans aucune imperfection. Sauf peut-être - pour ceux qui jugeaient que la différence était effrayante - ses yeux rouges pâles et ses cheveux de jais aux reflets bleus. Sa grace, sa gentillesse et sa générosité ne pouvaient être égalées que par des anges. Du moins, si ceux-ci existaient. Il se disait aussi que sa peau s'apparentait à du lait et son sourire à des étoiles éclatantes dans l'obscurité. Monrow avait même entendu dire que l'on pouvait croire un sourire beau, chaleureux et rassurant avant de rencontrer le sien. À ce moment là, lorsque le sien apparaissait, plus jamais on ne pouvait en aimer d'autres. Ils devenaient tous banals, insuffisants, frustrants de leur normalité obscure. Le sien soignait vos blessures, vous racontait tout ce que vous vouliez entendre, vous faisait vous sentir spécial. Spécial qu'il vous soit adresser, comme si vous aviez reçu une bénédiction. De plus, le peuple aimait à répandre des mots sur son immense délicatesse. Dans chacune de ses paroles, de ses gestes. Mais dans tout cela, Monrow ne pouvait même pas dire si cette princesse existait vraiment. Comment serait-ce même possible? Il voulait le découvrir. À vrai dire, c'était bien plus que ça. Il devait le découvrir. C'était même la raison pour laquelle il se trouvait à ce jour dans la garde royale. Une obsession. Voilà ce qu'elle était devenue. Pas simplement parce qu'elle était décrite comme une femme superbe, mais surtout parce que lui n'avait jamais vu un sourire l'ayant réellement touché et qu'il se raccrochait à l'idée que la vie n'était pas si banale qu'il ne le pensait. Il avait besoin qu'elle ne le soit pas, sinon il n'avait plus rien. 

Il avait travaillé deux ans pour être assigné à garder la porte de la princesse. Il avait montré sa loyauté comme personne, avait failli mourir deux fois pour protéger le roi, la reine et le prince. Jamais pourtant il n'avait eu vent de l'existence d'une autre enfant aux yeux rouges. À part dans les discussions timides du personnel. Mais ils ne pouvaient pas les croire, eux. Il fallait qu'il la voit, ou qu'il apprenne son existence de la famille royale. C'est ce qui s'était enfin produit. La veille, il avait été convoqué dans le bureau personnel du roi. En entrant, il avait découvert la reine se tenant à ses côtés, les mains élégamment croisées et la tête haute. Tous deux l'avaient regardé les yeux brillants. Voilà la personne qu'ils attendaient. Ce vaillant et charmant chevalier serait celui qui sauverait leur fille de tous ses tourments. Ils en étaient certains. Mais ils ne lui en avaient pas fait part, il ne devait pas le savoir. Ce ne devait pas être un rôle, un objectif à remplir sinon leur fille le remarquerait. Il devrait simplement ressentir, comprendre. Et c'est ce qu'il allait faire. 

Quatre heures. Cela faisait quatre heures qu'il était posté là, sans bouger, sans boire, sans parler. Mais cela lui importait peu, il la savait réelle. Et il serait prêt à attendre très longtemps pour enfin la voir. De plus, c'était loin d'être désagréable. Une voix claire traversait par la porte et lui parvenait, elle entonnait une chanson totalement inconnue à Monrow. Mais elle était instantanément devenue sa préférée. Certaines fois, il était tellement absorbée par cette mélodie infiniment douce qu'il en oubliait de surveiller les alentours. Mais personne ne passait jamais par là. Alors il profitait, fermait  les yeux. Ce jour là, la porte ne s'ouvrit pas une seule fois. Il ne vit pas la princesse et pourtant, c'est plus heureux que jamais qu'il retourna chez lui. 

Les jours passèrent sans que la porte ne s'ouvre et Monrow en vint à se demander s'il n'avait  été assigné ici que pour entretenir le mythe. Mais il ne comprenait pas, pourquoi donc le roi et la reine souhaiteraient-il faire courir la rumeur d'une fille magnifique qu'ils garderaient cachée? Et à qui appartiendrait cette voix apaisante? Alors il avait attendu. Et sa patience, tout comme sa loyauté, avait été récompensée. Au bout de deux mois, la nouvelle d'un bal s'était répandue. Monrow avait été un des premiers à en être informé puisqu'il avait été chargé de protéger la princesse. Ce serait leur premier bal. À tous les deux. Il se prépara comme il le fallait, pas à la danse, non, pas pour un membre de la garde, mais à l'observation. Aucune des personnes présentes ne devraient lui être inconnues et il devrait garder un oeil sur tout le monde. 

Le fameux soir vînt. La garde attendait dans la salle depuis une heure, vérifiant chaque recoin avec soin. Monrow ne savait pas exactement pourquoi mais il se doutait que cela avait un rapport avec la princesse. Elle faisait très rarement des apparitions et tout devait être réglé au centimètre près. Depuis dix minutes, Monrow guettait chaque visage à la recherche du seul qui l'intéressait vraiment. Mais ce ne fut pas son visage qui annonça à tout le monde son arrivée. Ce fut un changement distinct dans l'air ambiant. Une certaine légèreté, une douceur palpable. Une charmante odeur se dégagea aussi dans la pièce. Tout le monde se stoppa. Tout le monde se tourna. Monrow la vit soudain et son coeur s'accéléra. Elle était droite, élégante, éblouissante. Mais ce fut bien son sourire qui combla Monrow. Elle l'offrit à tous et à chacun en même temps. Elle marchait avec la même grâce qu'un aigle planant. Monrow s'attendait à ce qu'elle passe devant lui sans s'arrêter. Mais elle s'arrêta. Tout le monde retint son souffle. 

" C'est vous." Lui dit-elle d'une voix chantante, le sourire ne la quittant jamais. 

Monrow ne comprit pas, il ne put que se perdre dans ses yeux d'une profondeur insensée et ne put qu'être transpercé par son sourire. Qu'elle n'adressait qu'à lui cette fois. 

" C'est vous, qui êtes toujours derrière ma porte. Jamais vous ne vous plaignez, je l'aurais entendu. Jamais vous ne bougez, je l'aurais su. Jamais vous n'espionnez, je l'aurais remarqué. Mais vous chantez toujours avec moi." 

Monrow hocha la tête. Elle fit de même, respectueusement, et prononça un dernier mot avant de se diriger vers le centre de la pièce où elle était attendue de tous. 

"Merci."

Monrow resta bouche-bé, il n'avait pas eu tord de persévérer. La vie n'était pas si banale. Pas tant qu'il pouvait être près de la princesse. Son sourire avait évincé tous ceux dans la pièce, mais cela n'était pas si étrange à ses yeux, lui qui n'admirait aucun sourire. Ce qui avait été étrange, au contraire, avait été de découvrir que cela pouvait être beau. Il passa sa soirée à la regarder. Et il sourit, lui aussi. Comme il ne l'avait jamais fait. Que signifiait ces paroles qu'elle lui avait adressé? Pourquoi l'avait-elle remercié? Il ne le savait pas, mais il était heureux. Elle aussi, apparement. Alors cela lui suffit. Il veilla sur elle toute la soirée et pourtant, il ne comprit pas comment d'une seconde à l'autre, elle disparut. 

Ce fut lui qui donna l'alerte. La reine arriva en pleurant et en criant " Ayvie!" sans relâche. Monrow était perdu, il ne l'avait jamais quitter des yeux. Jamais. Pas une seule seconde. Il courut au balcon, écartant la foule paniquée de son passage. Des centaines de gardes furent déployez instantanément. Personne ne remarqua la silhouette qui s'enfonçait vers la forêt dans la nuit noire, mais lui oui. Parce que c'était elle, il en était certain. Elle se retourna, le regarda. Sans sourire. Il fût immédiatement alerté. La lune derrière elle lui donnait un aspect surnaturel, rehaussé par la lueur rouge naturelle de ses yeux. Elle lui fit geste de se taire avant de recouvrer son sourire. Puis elle se tourna en chantonnant. 

"Mais vous chantez toujours avec moi. Merci" L'entendit-il encore prononcé. 

Il ne savait pas que ceci était exactement ce qui devait arrivé, qu'il avait réussi. Que c'était tout ce qu'il fallait faire. Mais il entonna tout de même la chanson qu'il connaissait à présent par coeur. 

La reine arrêta de pleurer et rappela tous les gardes en l'entendant chanter. Seuls le roi, la reine et leur fils surent ce qu'il s'était passé. Pas même Monrow ne put comprendre, jamais il ne reçut d'explications, seuls ces quelques mots lui furent accordés:

"Seul un homme honnête et bon pouvait la libéré. Sa chanson révèle la nature de chacun, bon nombre devaient la craindre. Vous, pourtant, l'avez  chanté sans malheurs." 




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