Boldness
- Regardez ses yeux bouffis, vous pensez qu'elle a encore pleuré toute la nuit parce que personne ne l'aime?
Je reconnais Lys avant même d'avoir vu son visage. Ça ne peut être qu'elle, sa remarque à mon sujet est accompagnée des rires irritants de ses amies. Je l'ignore comme chaque jour et me dirige vers ma salle de cours. Ça ne me servirait à rien de rester dans le hall remplit de groupes qui rient aux éclats. Ils pensent se faire remarquer en parlant fort et en faisant de grands gestes mais je sais pourtant que ce sont les solitaires qui attirent le plus l'attention. Je passe devant Lys et sa soeur jumelle Aby, ou autrement dit, mes pires cauchemars depuis plus de cinq ans. Je garde les yeux fixés sur l'horizon, hors de question que je baisse le regard devant elles. Mes yeux fatigués ne sont certainement pas dus au fait que personne ne m'aime. Je le sais depuis assez longtemps pour ne plus vraiment m'en préoccuper. Je n'ai même pas pleuré à vrai dire, c'est simplement que le sommeil ne me vient plus. Et que mes yeux gardent les traces de ces longues nuits blanches.
Je sens le sol froid et dur contre mon corps avant même de comprendre ce qu'il se passe.
Depuis toutes ces années, je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi ces filles me détestent. Elles aiment probablement ça, se moquer des faibles, les rabaisser. Elles pensent que ça les rend plus importantes. J'ai toujours détesté les injustices, la méchanceté pour la méchanceté, sans raison. Je n'arrive même pas à réaliser que ces filles sont réelles. Comment rendre des gens triste et les humilier pourrait les rendre heureuse?
Leurs rires me parviennent une seconde fois alors que je me relève difficilement. Une bonne partie des personnes présentes s'est retournée vers nous. Vers moi et ma misérable apparence d'éternelle victime. Beaucoup rigolent, d'autres semblent désolés mais aucun ne fait un pas vers moi.
-Bah alors, on perd son équilibre ? Ça me rappelle ce fameux jour où tu pensais que Luc t'aimait bien... Oh qu'est-ce que tu nous avais fait rire en dévalant ces escaliers.
Aby est presque en train de crier ces paroles pour être certaine que tout le monde l'entende. Elle ne devrait pas se donner cette peine, tout le monde s'en souvient déjà, cette histoire avait fait le tour du lycée. Ce fameux Luc m'aimait bien, avant que Lys ne décide qu'il ne l'aimait plus. Je crois que la chute dans les escaliers, dont les jumelles avaient orchestré la survenue, m'avait fait bien moins mal que de réaliser à quel point il était facile de m'abandonner.
Pourquoi fallait-il qu'elles me rappellent toujours à quel point ma vie était un désastre? Pourquoi fallait-il qu'elles fassent de ma vie un désastre?
Aujourd'hui, je n'ai plus envie d'être faible. Je veux qu'elles aient ce qu'elles méritent, qu'elles réalisent ce que ça fait que d'être du mauvais côté. Je me plante devant elles et savoure un instant l'idée que dans quelques secondes, leurs sourires cruels se transformeront en grimaces. Je sers le poing et sans laisser le temps à personne de comprendre, je le balance dans la mâchoire d'Aby. Son cri suraiguë fait naître en moi une vague de satisfaction incroyable. Je ne veux pas qu'on m'arrête avant d'avoir montré à Lys que je la déteste tout autant que sa soeur. À moins de deux secondes d'intervalle, je marche violemment sur le pieds de Lys, qui se penche douloureusement, et lui envoi un coup de genoux dans le visage. Alors que les deux soeurs se lamentent pathétiquement en ouvrant de grands yeux incrédules et que certains commencent à esquisser des gestes pour m'arrêter, je ne peux résister à la tentation de faire cette chose très peu glamour et très bas que toutes les filles qui se bagarrent font dans les films : je leur attrape les cheveux et tire violemment. Un rire euphorique m'échappe. Il va sûrement me valoir le titre de "folle" pour quelques mois mais le bonheur qui m'envahit en vaut largement la peine. Alors que je savoure cette joie nouvelle, je sens plusieurs bras me tirer pour m'écarter de mes victimes.
Ces bras me tirent tellement loin que je reviens à la réalité.
Devant moi se tiennent Aby, Lys et leurs amies, le sourire aux lèvres. Une de celles-ci prend la parole, comme pour se faire bien voir des jumelles.
- En plus de ne pas avoir d'équilibre, elle a des absences. Eh oh? Dit-elle en passant une main devant mon visage, on dirait bien qu'elle dort.
Je soupire et me dirige pour de bon vers ma salle. Aujourd'hui encore, je n'ai pas l'audace de me défendre.
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