Chapitre 9
Résignée à manquer de sommeil, la jeune femme se leva, avala une grande tasse de café et se précipita dans la rue. Matthias lui avait proposé de passer la journée avec lui, il ne travaillait pas le vendredi, c'était ce qu'il avait réussi à négocier avec l'université. Caly se hâta alors de traverser la route à pied, incapable encore de s'enfermer dans une rame de métro bondée, collée à des inconnus qui la dévisageraient sans aucune gêne.
C'était la première fois que Calypso remettait les pieds dans l'appartement de son frère depuis leurs retrouvailles. Depuis qu'ils s'étaient réconciliés, c'était toujours lui qui venait chez elle, si bien qu'elle angoissa lorsqu'elle parvint devant la porte. Une jeune femme à la chevelure blond platine lui ouvrit, le sourire aux lèvres. Léna attendait la venue de sa belle-soeur avec impatience. Elle ne l'avait pas encore vraiment rencontrée et elle n'avait qu'une hâte : apprendre à connaître cette femme si importante aux yeux de son copain. Elle était curieuse de découvrir ce double de Matthias. Elle en avait tant de fois entendu parler.
— Entre, Matt n'est pas encore arrivé, mais il ne devrait pas tarder, sourit Léna.
— Je croyais qu'il ne travaillait pas ?
— Il a dû foncer à la fac déposer un truc pour sa thèse, il la soutient dans deux mois. Tu veux boire quelque chose ? Café ? Thé ? Jus de fruit ?
Calypso s'efforça d'offrir un sourire poli à Léna, mais elle se sentait trop mal à l'aise pour ça. La petite blonde se montrait si accueillante qu'elle ne savait plus vraiment où se mettre. Elle ne s'attendait pas à se retrouver seule avec Léna, ni même à la voir d'ailleurs. Ne travaillait-elle donc pas, elle aussi ?
— Matt est vraiment heureux depuis que vous vous êtes retrouvés, s'exclama Léna, en lui tendant une tasse fumante.
La brune plongea le nez dans la vapeur pour dissimuler ses joues rosies et se délecta de la chaleur qui réchauffa son visage gelé par la fraîcheur matinale.
— Vous êtes ensemble depuis combien de temps ? demanda Caly, curieuse.
Elle n'arrivait pas à croire que Matthias se soit pacsé, lui qui était anti-mariage. Calypso, assise sur un tabouret de bar, observait la petite blonde debout face à elle. Ses grands yeux bleus semblaient lui sourire. Elle était élégante, charmante même. Caly comprenait pourquoi Matthias en était tombé éperdument amoureux. Elle dégageait une sérénité et une douceur apaisante.
— Comment as-tu rencontré Matthias ?
Léna éclata de rire. Elle entra dans une longue explication. Ben l'avait abordé en premier Ils s'étaient tout de suite liés d'amitié, mais le jeune homme espérait plus. Les choses s'étaient compliquées lorsque Léna s'était mise à fréquenter Matthias.
— Ben ? Mon voisin ? s'étonna Calypso.
— Lui-même. Tout ça, c'est derrière nous, maintenant. D'ailleurs...
Léna mordilla l'intérieur de sa joue, embarrassée par la question qu'elle s'apprêtait à poser à sa belle-soeur. Mais depuis que Ben était venu la voir, dépité par les réactions excessives de Calypso à sa présence, ça lui trottait dans la tête.
— Matt te l'a sûrement déjà dit... Enfin je ne sais pas... Mais tu n'as pas à avoir peur de Ben.
— Je sais... Milie n'arrête pas de me le dire... Mais c'est plus fort que moi.
— C'est ce Daniel ? murmura Léna, d'une voix mal assurée. Il t'a fait du mal ?
Calypso hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Tout le monde essayait toujours de savoir ce qu'il s'était passé durant ces dix années, mais elle refusait toujours de leur raconter. C'était quelque chose qu'elle devait garder pour elle, pour ne pas heurter, pour ne pas blesser. Et aussi pour se protéger de ses souvenirs qui la hantaient, s'emparaient d'elle et la plongeaient dans une transe dévastatrice.
— Léna ! cria Matthias, en claquant la porte. Oh Caly !
La jeune femme se retrouva étreinte par son frère. L'angoisse qui obstruait sa gorge se dissipa aussitôt. Elle s'accrocha à ses bras, serrés sur ses épaules, et ferma un instant les yeux, contente de le retrouver.
— Je croyais que tu ne travaillais pas, murmura Caly. Je peux rentrer chez moi, si tu veux...
— Mais non. Reste.
Les jumeaux passèrent la journée ensemble, affalés dans le sofa à se remémorer de vieux souvenirs d'enfance, sous le regard amusé de Léna. La petite blonde écoutait leurs histoires, avide d'en connaître plus sur son copain, qui restait toujours si mystérieux quant à son passé. Il y avait cette fois où Calypso s'était évanouie en pleine chorale, en CM2. Matthias l'avait rattrapée in extremis et maintenue debout de peur qu'elle ne se retrouve seule avec leur père pour le restant de la journée. Plus les souvenirs défilaient, plus Léna prenait conscience de la dure réalité. Christophe Desartes n'avait jamais aimé ses deux aînés, Calypso en avait souvent fait les frais.
— Tu me protégeais trop, soupira Matt.
— Il aurait été plus dur avec toi, couina Caly.
— Ça n'a pas dû être facile pour vous deux, remarqua Léna.
— Nan... Mais on avait l'habi...
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