Chapitre 18

Assise dans le taxi, en route pour Paris, Calypso n'avait toujours pas décroché le moindre mot depuis qu'elles étaient sorties du spa. Si durant toute la journée elle s'était perdue dans ses rêveries et s'était laissée entrevoir un rapprochement avec le grand brun, un coup d'oeil au miroir avait suffit à la faire redescendre sur terre et à lui faire redouter son retour chez elle.

— Au fait, il faudra qu'on s'organise pour Noël, dit Emilie, alors que Calypso sortait de la voiture garée devant son impasse. On s'appelle pour savoir comment on fait, si on le fait chez les parents et tout.

La jeune femme avait complètement oublié. Le temps passait si vite. Et bientôt, les fêtes arriveraient et elle devrait passer la soirée avec toute sa famille, y compris son père. Elle n'était pas certaine d'en être capable. Elle n'avait pas encore revu son père depuis qu'elle était rentrée, sa mère s'était toujours débrouillée pour lui donner rendez-vous quand il n'était pas là et elle ne s'en était pas plainte. Moins elle le voyait, mieux elle se portait et ce depuis toujours.

Caly rentra dans son immeuble et sursauta quand elle entendit des rires graves émaner de l'appartement de Ben alors qu'elle tournait la clé dans sa serrure. Prise de panique, elle ouvrit la porte en hâte et s'enferma à double tours dans son appartement, le cœur battant. Adossée à la porte, Calypso tentait de se calmer, mais les rires graves faisaient écho à tant de souvenirs douloureux qu'elle ne put lutter plus longtemps et s'effondra sous le poids de son angoisse. Ce ne fut que lorsque la porte d'entrée de Ben claqua qu'elle fut arrachée à ses cauchemars. Elle reconnut alors la timbre rauque de son voisin, accompagné d'une voix qu'elle connaissait bien et qui lui manquait tant. Ilyes.

— Tu lui diras que j'essaierai de l'appeler dans la semaine ? demanda Ilyes.

— Ouais, t'inquiète.

— Et t'as intérêt à faire attention à elle, gronda-t-il. Si tu veux pas que je te pète la gueule.

— Tu me fais pas peur avec ton corps de lâche, là, se moqua Ben. Mais t'inquiète pas, ça va aller... enfin si elle accepte de me reparler.

— Laisse-lui juste un peu de temps pour comprendre. Je l'ai pas beaucoup vue depuis qu'elle est rentrée, mais je la connais par cœur et... avant même tout ça, elle a beaucoup souffert des hommes, donc force pas.

Ben acquiesça. Il n'avait pas l'intention de lui forcer la main, mais la réaction qu'elle avait eu le matin-même l'avait fait cogiter toute la journée, même quand ses amis l'avaient rejoint. C'était pour cette raison qu'il en avait parlé à Ilyes d'ailleurs, il s'était dit que lui pourrait comprendre. Et il ne s'était pas trompé. Ilyes s'était montré plus que compréhensif, plutôt enthousiaste même vis-à-vis de l'intérêt que Ben portait à sa meilleure amie. Ça l'avait rassuré de savoir que cette fois-ci, Calypso n'aurait pas affaire à un homme toxique.

Quand Ilyes fut parti, Ben rentra chez lui et s'installa à sa fenêtre, espérant voir surgir Calypso. Il était persuadé d'avoir entendu sa porte s'ouvrir quelques heures plus tôt, il avait même hésité à frapper chez elle quand tous ses amis furent partis, mais il s'était remémoré leur conversation du matin et s'était ravisé. Peut-être ne voulait-elle pas le voir. Mais lui en mourait d'envie. Il devait lui parler, lui expliquer, la rassurer, et savoir ce qu'elle pensait de tout ça. Il l'imaginait déjà lui faire face, les joues rouges de gêne, fuyant son regard tandis que lui la dévorerait des yeux et lutterait contre son irrésistible envie de la prendre dans ses bras et de l'embrasser. Il avait suffit de deux jours pour qu'il se rende compte qu'il ne pouvait plus revenir en arrière. Il s'était voilé la face trop longtemps. Il était temps qu'il passe à l'action.

Déjà une heure et la fenêtre restait close. Elle ne viendrait pas. Ben soupira. Et si tout était fini avant même d'avoir commencé ? Il devait en avoir le coeur net. Alors, il écrasa son mégot dans le cendrier et traversa son appartement à grandes enjambées. Arrivé devant la porte de Caly, il hésita. Etait-elle même là ? Peut-être qu'il avait rêvé, trop espéré. Non, il devait au moins essayer. Il n'arriverait de toute façon pas à dormir sans avoir tenté sa chance. Son poing s'écrasa sur la porte. Puis se heurta au silence.

— Caly... dit-il, à voix basse. S'il te plait...

Toujours aucun bruit. Il cogna encore une fois sur le bois à la peinture écaillée. Et cette fois-ci, il crut entendre un soupir, un bruissement et quelques pas. Et tout à coup, le tintement des clés. Elle hésitait à ouvrir, il l'imaginait se mordiller la lèvre, poser une main tremblante sur la poignée. La porte pivota lentement, il sentit son coeur s'emballer, s'impatienter. Et bondir quand Calypso apparut devant lui, les yeux rivés sur le sol. Il ne put alors se retenir plus longtemps et franchit le pas qui les séparait, enroula ses bras autour des épaules frêles de Caly et la plaqua contre son torse dans un soupir de soulagement. Elle lui avait ouvert, tout n'était pas perdu.

— Je n'aurais pas dû partir comme une voleuse, murmura Caly.

Ses doigts se resserrèrent sur le pull du grand brun. Le sang cogna contre ses tempes. Elle lutta un moment contre une furieuse envie de fuir, puis soupira à son tour quand Ben l'enlaça un peu plus.

— On peut en parler ? chuchota Ben.

Calypso peina à déglutir tant elle prit peur. Elle n'était pas certaine de réussir à mettre des mots sur tout ça. Ça ne ferait que rendre la chose plus réelle et elle n'était pas prête à accepter cette attirance qu'il déclenchait en elle.

— Ou alors non, se reprit-il. On est pas obligé d'en parler...

La jeune femme hocha la tête et ferma les yeux lorsqu'elle sentit le souffle chaud de Ben dans ses cheveux alors qu'il embrassait son front.

— Tu peux... est-ce que je... je peux rester avec toi, cette nuit ? bredouilla Calypso, presque honteuse de lui demander ça.

Ben esquissa un sourire ravi et s'empressa d'accepter sa proposition, ne se faisant pas prier pour passer un peu plus de temps avec elle. Si ça pouvait lui permettre d'avoir pleinement confiance en lui.

— Merci, murmura-t-elle.

— Mais on va chez moi, ton canapé est vraiment pas confortable, ajouta-t-il, un rictus rieur aux lèvres.

La brune se crispa une seconde, puis se répéta le mot qui suffisait à la calmer d'ordinaire. Respire. Et le suivit dans son appartement. Hésitante, elle resta plantée devant son sofa sans savoir quoi faire. Alors, il attrapa doucement sa main et l'attira vers lui. Debout face à lui, Calypso se sentit rougir lorsqu'il posa son front sur son ventre et resserra ses bras autour de ses jambes. Et son cœur s'emballa quand elle s'écrasa sur ses genoux.

— Elles t'ont tendu quel piège, les filles ?

— Comment tu sais que c'était un piège ?

— Parce que je les connais.

— Elles m'ont emmenée au spa.

— Et ça t'a fait du bien ?

— Pas vraiment... Je n'étais pas très... à l'aise, on va dire. Mais Emilie était bourrée, ça c'était drôle, pouffa-t-elle de rire. Et... elles m'ont parlé de toi. C'était ça, le piège, je crois.

Calypso écarquilla les yeux lorsqu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire et rougit plus encore. Elle se recroquevilla sur elle-même et cacha son visage entre ses mains, trop gênée par ce que cet aveu signifiait sûrement aux yeux du brun, et à ses yeux aussi.

— Et qu'est-ce qu'elles ont dit, ces deux commères ? grommela-t-il.

— Plus ou moins que... Nan, laisse tomber.

— Quoi ? Non, dis-moi ! l'implora-t-il. Tu peux pas me dire ça et te raviser. Allez, Caly... Je leur répèterai pas.

— Non, je ne dirai rien !

— Caly ! geignit-il.

Le jeune homme se pencha sur elle, et glissa une main entre les siennes pour découvrir son visage cramoisi. Un sourire amusé et attendri se dessina sur ses lèvres quand elle détourna brusquement le regard.

— Elles n'ont dit que du bien de toi, si c'est ça qui t'inquiète, marmonna-t-elle. Maintenant, recule, s'il te plaît, tu m'oppresses.

Ben s'exécuta aussitôt, redoutant de la voir le fuir s'il ne l'écoutait pas. Alors, il se contenta de s'asseoir près d'elle, de lier ses doigts aux siens et de lui rappeler qu'il ne lui ferait jamais de mal, qu'elle n'avait pas à avoir peur de lui. Un soupir lui échappa quand elle se blottit contre lui et posa son menton sur son épaule sans dire un mot. Elle resta muette le restant de la soirée, alors il l'imita et se laissa bercer par son souffle chaud dans son cou. Quand le sommeil le trouva enfin, il retrouva les doux songes qui le poussaient à espérer qu'un jour, Caly n'aurait plus du tout peur de lui, qu'elle le laisserait lui prouver à quel point il tenait à elle.  

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