Chapitre 15

Le jeune homme fut interrompu par une furieuse envie de bailler. Sa courte sieste n'avait pas suffit à lui apporter le repos dont il avait besoin. Et il n'était pas près de retrouver son lit puisque Calypso refusait de prendre le métro. Mais ça lui assurait une bonne heure seul avec elle. Et elle ne maintenait plus cette distance de sécurité stupide entre eux depuis longtemps.

- C'est de ma faute si t'es fatigué, souffla la jeune femme.

- Mais non... c'est pas toi qui me forces à rester debout toute la nuit. J'arrive pas à dormir en ce moment.

- Toi aussi, tu fais des cauchemars ?

- Non, mais... j'arrête pas de penser à...

A toi, eut-il envie de poursuivre.

- C'est la merde au boulot, on a trop de retard sur l'album de Gaby... Je vais devoir refaire quelques nuits blanches je crois... Mais j'ai pas envie de te laisser toute seule...

La jeune femme sentit de nouveau ses joues s'empourprer. Son coeur bondit dans sa poitrine lorsque les doigts de Ben effleurèrent les siens par accident, puis revinrent à la charge, volontairement cette fois-ci. Le brun regardait droit devant lui, de peur de lire l'inquiétude sur le visage de Calypso quand il glissa sa main dans la sienne. Le souffle coupé, Caly tentait de comprendre ce qu'il se passait, mais un bourdonnement inarrêtable envahissait son cerveau, elle se sentait soudain vidée de toute énergie et en même temps électrisée. Puis... il y avait ces papillonnements qui chatouillaient sa poitrine. La chaleur qui émanait de Ben lui brûlait presque les doigts, pourtant elle était agréable. Et terrifiante à la fois. Ce n'était pas la première fois qu'il la touchait, mais jamais comme ça. Ben peinait à respirer aussi de son côté, il redoutait le moment où elle le repousserait et partirait en courant. Mais elle se contenta de nouer ses doigts au sien, les joues en feu, et il comprit que Léna avait raison. Il s'était déjà perdu, depuis longtemps.

Le silence qui les enveloppa durant tout le reste du trajet qu'ils firent main dans la main fut à la fois apaisant et gênant. Calypso n'osait pas relever les yeux vers lui, trop effrayée par sa propre réaction. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il se passerait si elle croisait son regard et y trouvait la même lueur de désir que dans celui de Daniel. Alors elle marchait et regardait droit devant elle.

- Tu fais encore beaucoup de cauchemars ? demanda soudain Ben.

- Dès que je ferme les yeux... Ils me hantent...

- Tu sais que tu peux m'en parler, si tu veux... Ça pourrait t'aider à...

- Je ne préfère pas, répondit-elle, d'un ton sec.

Un sifflement grésilla dans les oreilles de la jeune femme. Elle sentit sa respiration s'accélérer. Personne ne devait savoir. Alors pourquoi tout le monde voulait qu'elle raconte ? Elle ne pouvait pas. Parce que tout ce qu'elle avait réussi à construire depuis qu'elle avait fui Daniel, tout, s'évaporerait à l'instant où ils sauraient ce qu'elle avait fait. Calypso retira brusquement sa main de celle de Ben et accéléra le pas, le laissant derrière elle, perdu.

- Caly... attends...

La jeune femme se précipita sur la porte de leur immeuble, composa le code et la poussa. Ben glissa de nouveau ses doigts entre ceux de la brune et tira doucement sur sa main pour freiner sa course et lui faire face. Elle fixait son torse sans oser relever les yeux vers lui. À la lueur des ampoules faiblardes du hall d'entrée, il vit briller ses yeux noisette sous les larmes qu'elle tentait de retenir.

- Tu n'es pas obligée. Pleure pas...

Calypso contracta la mâchoire pour retenir le sanglot qui menaçait de lui échapper, mais elle ne put se contrôler plus longtemps quand Ben posa avec délicatesse sa main sur sa joue.

- Pleure pas... Excuse-moi, j'aurais pas dû te demander ça... Caly...

La jeune femme hocha la tête. Ses larmes coulèrent sur ses joues, sur les doigts de Ben. Ce n'était pas comme d'habitude, une crise d'angoisse qui la faisait suffoquer, cette fois-ci c'était seulement toute sa peine et sa tristesse qui se manifestaient. Elle laissait enfin exploser ce qu'elle retenait depuis des mois et elle était inconsolable.

- Allez viens... On peut pas rester là...

Ben passa son bras sur les épaules de Calypso et l'entraîna avec lui dans les escaliers. Sur le palier, il hésita un instant. Devaient-ils rentrer chacun de leur côté ? Non, il ne pouvait pas la laisser seule dans cet état. Alors, il poussa sa porte d'entrée et tira doucement Caly avec lui à l'intérieur de son appartement. La jeune femme se figea, c'était la première fois qu'elle venait chez lui. Qu'allait-il se passer ? Devait-elle se méfier ? Son instinct lui hurlait de fuir. Mais c'était trop tard, Ben avait à nouveau noué ses doigts aux siens. Elle était prisonnière.

- N'aie pas peur de moi... souffla-t-il.

- Je n'ai pas...

- Tu es en sécurité avec moi, tu le sais...

Calypso hocha la tête et ferma les yeux quand il l'attira contre lui pour une étreinte douce et réconfortante. Les premières secondes, elle lutta, tenta de se soustraire à son odeur, à sa chaleur. L'angoisse montait, mais elle retomba à la seconde où il lui rappela :

- Respire.

Alors, elle se laissa aller sous les caresses lentes qu'il faisait dans son dos, sous son manteau, puis dans ses cheveux. Et son souffle revint à la normale, seules ses larmes rappelaient son état.

- Ben... gémit-elle. Je suis désolée...

Le grand brun ne répondit rien et continua ses caresses. Il l'emmena avec lui sur le canapé. Elle se blottit dans ses bras, accrochée à lui, il était son ancre dans la réalité. Elle se laissa bercer par sa présence rassurante.. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ils se rivèrent sur leurs mains liées. Et soudain, elle réalisa ce qu'il se passait. Cette tendresse dont Ben faisait preuve tout à coup, même s'il lui avait toujours démontré son affection, lui faisait peur. Mais elle était si agréable. Quand il posa ses lèvres chaudes sur son front, elle eut l'impression de se vider de son sang, son coeur battait à tout rompre contre sa poitrine et elle dut lutter pour ne pas le repousser.

- Caly, murmura-t-il. Ne t'inquiète pas...

- Je n'ai pas peur de toi, répéta-t-elle, d'une voix dénuée d'émotion presque robotique.

- Je sais. Et il ne se passera rien d'autre que ça ce soir. Alors... ne t'inquiète pas.

Ben déposa un autre baiser sur le front de sa jolie voisine, resserra ses bras sur ses hanches et se délecta de cette douce sensation de chaleur qu'elle répandait en lui. Il s'était vraiment perdu. C'était trop tard pour lui. Il prenait le risque de souffrir, parce que toute souffrance valait le coup tant qu'il pouvait se souvenir de cet instant.

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