Chapitre 1
Cela faisait un mois qu'elle s'était enfuie et elle était toujours cloîtrée dans la petite chambre sous les combles qu'on lui avait prêtée. Calypso avait trouvé chez Marius et Claudine, le couple de retraité qui l'avait recueillie, une bienveillance qui l'aidait à se reconstruire. Ils lui assuraient chaque jour qu'elle pouvait rester aussi longtemps qu'elle le souhaitait. De toute façon, ils étaient seuls dans cette grande maison pour encore quelques semaines, ça leur faisait un peu d'animation. Et puis, ils s'étaient pris d'affection pour ce petit bout de femme, si frêle, si apeurée. Ils espéraient que, un peu grâce à eux, elle reprendrait goût à la vie. Le premier jour, Marius avait conduit sa protégée à la gendarmerie, il ne lui en avait pas laissé le choix. D'après lui, il ne fallait pas qu'elle laisse une chance à Daniel de s'en tirer, pas après ce qu'il lui avait fait vivre. Alors, elle avait témoigné, non sans peine. Sa voix se brisait, souvent. L'air lui manquait aussi. La pièce minuscule dans laquelle elle était enfermée avec cette policière acariâtre l'oppressait. La lumière blanchâtre l'aveuglait. Mais elle continuait à parler, même si son récit manquait de cohérence. Elle s'embrouillait, revenait sur certains passages, se contre-disait, mais elle leur livrait tout. Marius avait raison, Daniel devait payer pour ses actes. Quand elle était sortie du commissariat, on lui avait promis de la rappeler dès qu'ils auraient du nouveau. Vingt-huit jours plus tard, elle attendait toujours.
— Calypso, tu sais que nous devons rentrer à Paris, dit Claudine, en croquant dans sa tartine de confiture, faite maison rappelait-elle souvent.
— Je sais...
— Nous avons une proposition à te faire. Marius y a bien réfléchi, et je suis d'accord avec lui pour dire que ce serait la meilleure chose à faire pour toi.
La jeune femme lâcha sa cuillère dans son bol de café. Elle s'attendait au pire. Allaient-ils la mettre à la porte ? Elle avait profité de leur gentillesse depuis trop longtemps, ils auraient eu raison, pensa-t-elle.
— Nous avons un studio dans le dix-septième arrondissement. Il est inoccupé depuis plusieurs mois. Nous le gardions pour notre petit-fils, pour ses études, mais il est parti en Australie faire du surf... soupira Claudine, à son plus grand désespoir. Alors, nous nous sommes dit que... tu pourrais y vivre.
Calypso écarquilla les yeux, bouche bée. Un appartement. Ils lui offraient un appartement. Ces gens étaient la bonté incarnée, elle avait eu tant de chance de tomber sur eux. Et puis... Paris... C'était là que vivait toute sa famille, aux dernières nouvelles. Peut-être pourrait-elle les retrouver ? Cela faisait tant d'années qu'ils s'étaient perdus de vue. Elle devait s'excuser, pour tout le mal qu'elle leur avait fait. Et il y avait Matthias... Sans lui, elle n'était rien d'autre qu'une coquille vide.
— Est-ce que tu voudrais ?
— Je... oui. Merci, bredouilla-t-elle, encore sous le choc. Vous... merci. Je... je ne sais pas ce que je serais devenue sans vous.
— C'est normal, ma grande, s'exclama Marius. Et puis, tu sais, tu nous rappelles tant notre Rose, on pouvait pas te laisser comme ça.
Claudine avait un jour raconté à Caly pourquoi Marius se montrait si protecteur envers elle. Leur fille, Rose, s'était mariée très jeune, à peine sortie du lycée, à un homme d'affaires, un très bon parti sur le papier. Seulement, ce dernier s'était révélé être violent et Rose n'était plus de ce monde. Alors, quand le retraité avait trouvé Calypso dans son bois, il avait tout de suite compris. Il ne pouvait pas laisser une jeune femme souffrir comme sa fille. Il se devait de lui sauver la vie, à la mémoire de Rose.
— Et puis... poursuivit Claudine. Notre fils t'a trouvé du travail dans sa brasserie. Si tu en as envie.
Travailler dans un restaurant n'enchantait guère Calypso. Rien que l'idée de se retrouver face aux clients, si près d'eux, lui donnait des frissons. Mais elle ne pouvait pas dépendre de ses deux sauveurs éternellement. Elle devait gagner sa vie et c'était pour le moment la seule option qui s'offrait à elle. Alors, elle accepta, reconnaissante de tous les efforts qu'ils faisaient pour l'aider.
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