Prologue


Mercredi 1er février 1933

Tout ce qui se passe me désespère.

Tout ce qui se trame dans le monde. Que ce soit en Allemagne ou en Angleterre.

Avant-hier, Adolf Hitler a été nommé chancelier d'Allemagne. Il est désormais à la tête d'un des plus grands pays d'Europe. Que va-t-il bien en faire ?

Ces idées me déplaisent à des kilomètres de là. Les ouvriers disent que ce n'est pas mon affaire... Pourtant, c'est le contraire ! Aujourd'hui, c'est l'avenir de l'Allemagne qui est en jeu, mais demain, ce sera celui de l'Europe, voire du monde tout entier...

Samedi 16 mars 1935

Jusqu'où va aller Hitler ? La radio crachote les mêmes informations en boucle. Cet homme vient de transgresser le traité de Versailles ! Toutes les clauses n'ont pas été rendues publiques, je ne connais pas tous les détails mais je suis persuadé que l'Allemagne doit être peu armée pour éviter de déclencher une nouvelle guerre. Comme par hasard, le chancelier a fait tout le contraire. Il se fout de nous !

Le réarmement de son pays marque un nouveau pas vers un probable conflit. La tension est à son comble en Europe. La Société des Nations n'ose rien entreprendre, elle n'empêche pas Hitler de faire ses magouilles. Pourquoi ? Parce que ce sont des idiots qui veulent à tout prix éviter à l'Europe de subir une nouvelle guerre. Une raison bien honorable, certes, mais qui risque de les mener à leur perte.

Que puis-je faire, dans la rue, sans abri ? Je n'ai pas de famille et mon travail me suffit tout juste. Je pourrais uniquement m'enrôler dans l'armée s'il y a une guerre. Je sauverais ainsi ma patrie de tous les vices. Même si je suis réfugié à Londres, j'espère qu'on m'acceptera dans la légion.

Lundi 12 septembre 1938

En France et en Angleterre, les autorités ont décrété la mobilisation partielle. À Londres, les habitants doivent passer un examen pour vérifier qu'ils sont aptes à entrer dans l'armée. J'y vais demain, confiant : je n'ai aucun souci de santé.

J'essaie de pousser mon meilleur ami à s'engager, mais bon, il n'a pas l'air enthousiaste. Ça m'attriste que Louis soit autant buté. J'espère pouvoir le faire changer d'avis.

Mardi 13 septembre 1938

Bordel ! Ils sont tous idiots !

On m'a refusé ; je ne pourrai pas partir à la guerre.

Comment osent-ils ? Ils me privent de la seule chance de faire mes preuves ! Je pensais que tout serait résolu maintenant qu'une famille m'a accueilli. Je ne suis plus seul. Mais, j'ai été bien naïf en pensant que je serai reconnu désormais...

Dans le petit grenier, je fulmine, cela m'insupporte. Je voulais tant partir pour la guerre. Et puis voilà qu'un simple "non" tombe et détruit mes espérances.

Louis, qui a définitivement abandonné l'idée de s'engager, ne cesse de me répéter que ce n'est pas grave, que je vais sûrement pouvoir me représenter plus tard...

Mais quand ?

Vendredi 30 septembre 1938

Les accords de Munich ont été rendus publics. Il y a quelques minutes, la radio crachotait que Chamberlain, notre premier ministre, a rencontré Hitler cette nuit. Pour préserver l'Europe, il a laissé les nazis annexer le territoire des Sudètes à l'ouest de la Tchécoslovaquie. Le chancelier a promis de ne plus envahir d'autres territoires. La guerre va être évitée. Du moins pour le moment. Ça ne durera sans doute pas longtemps...

Comme pour tous ces hommes d'Etat, ce ne sont que des promesses en l'air. J'ai cru comprendre que Winston Churchill, un conservateur, s'insurge lui aussi contre ces accords. Je ne peux qu'approuver.

L'Europe court à sa perte si personne ne fait rien, j'ai peur pour l'avenir du Royaume-Uni et pour celui de la France, ma patrie natale.

La haine d'Hitler envers les juifs, les tsiganes et les homosexuels, soi-disant "inférieurs", est bien visible. Même à des milliers de kilomètres, cet homme ne m'évoque que de la colère. Ses idées sont inconcevables, son attitude insupportable.

Lundi 6 février 1939

La guerre est proche. Elle se loge dans chaque pensée, chaque esprit, chaque conversation.

Aujourd'hui, la radio et les journaux diffusaient sans cesse la même annonce. L'Angleterre et la France ont passé un accord : un traité d'assistance mutuelle lie maintenant ces deux pays qui me sont si chers.

Autour de moi, une ambiance anxiogène s'intensifie. Les événements de ces dernières semaines n'arrangent pas les choses. Je n'ai toujours pas eu de nouvelles, donc je ne pourrai pas partir pour la guerre. Je suis bloqué ici.

Mercredi 15 mars 1939

Le traité de Versailles, les Accords de Munich... Hitler défie toutes les lois, toutes les règles. Son armée a envahi le reste de la Tchécoslovaquie. Tout le pays est maintenant à la botte du IIIe Reich.

Pourquoi je ressens une telle frustration ? Est-ce à cause des incapables à la tête des puissances d'Europe qui ne font rien contre Hitler ? Faire voler mes vêtements à travers ma chambre n'a pas aidé à me calmer...

Je savais que ces événements allaient arriver. J'ai même entendu dire qu'Hitler ne veut pas s'arrêter là. Il souhaite étendre son empire encore plus loin, toujours plus loin, jusqu'à la Méditerranée ! Les politiciens ne veulent rien entendre, encore moins venant de moi. Qui écouterait un pauvre garçon de vingt-quatre ans ? Un simple ouvrier de Londres ? Personne.

Un jour, tous ces politiques verront ma vraie valeur !

Vendredi 1er septembre 1939

C'est fini. Le calme a disparu. La guerre est là. À nos portes...

La nouvelle circule dans tous les journaux : l'Allemagne vient d'envahir la Pologne. Les bombardements ont commencé sur Dantzig, ce petit port qui permettait à la Pologne d'avoir un accès à la mer... mais qui coupait l'Allemagne en deux. C'était, bien sûr, pour Hitler une idée insupportable. Et, il a fait le choix le plus radical.

La guerre était inévitable. Elle commence désormais.

En me concentrant bien, je pourrais presque percevoir les bombardements, les obus qui déferlent sur la Pologne. Un effet de mon imagination sans doute... des souvenirs illusoires de la Grande Guerre racontée tant de fois par les adultes, de la Der des Ders comme on l'appelle. On a mal choisi ce nom puisqu'une autre s'amorce.

Pas de déclaration officielle. Non. Pas encore.

Dimanche 3 septembre 1939

Il a suffi de deux jours.

Il est vingt et une heures et à la lueur de ma bougie, j'écris ces mots.

Les ultimatums adressés à Hitler par la France et le Royaume-Uni ont été rejetés.

Ce matin, à onze heures, Chamberlain a proclamé la déclaration de guerre.

Cet après-midi, à dix-sept heures, le gouvernement français a, à son tour, déclaré la guerre à Hitler.

Et moi, dans tout ça ? Je reste dans ma soupente. Une carrière de soldat me plairait tant ! Je veux, plus que tout, montrer ma valeur.

Lundi 4 septembre 1939

Ma bougie est morte hier, je n'ai pas eu le temps de tout écrire. De nouveaux ministères ont été créés à Londres. Ceux de l'Approvisionnement, de l'Économie de guerre, de l'Alimentation et de la Navigation.

Tout cela n'augure rien de bon, des restrictions alimentaires de toute évidence.

Ces mesures me rappellent ce que ma mère m'a raconté de la Grande Guerre. J'ai la chance de ne pas m'en souvenir. Je n'étais qu'un nourrisson. Cette fois-ci, je sentirai bien cette faim tenace qui ne veut pas nous lâcher.

Plus de gourmandises, plus de bonbons, rien que quelques bouts de pain et deux ou trois topinambours qui gisent au fond d'un placard.

Je suis prêt à vivre toutes ces épreuves si c'est essentiel pour mon pays. Ce n'est pas la même chose pour tous les pauvres que je vois dans la rue, toutes ces personnes qui mendient désespérément quelques « Shillings ».

Vendredi 10 mai 1940

Je n'ai pas écrit depuis bien longtemps puisqu'on se pensait à l'écart de la guerre. Mais c'est fini. Pour les Anglais et les Français, la guerre commence.

L'invasion des Pays-Bas et de la Belgique a débuté. Le même schéma qu'en 1914.

Les conflits éclatent partout en Europe, certains sont résolus au prix de milliers de morts, d'autres continuent encore.

Celui de la France risque d'être long et compliqué, mais je crois en mon pays pour résister. Les Anglais ont fait parvenir des renforts sur le territoire français, j'espère que ce sera utile.

Évidemment, je ne suis pas parti, Louis non plus. En regardant les camions remplis de soldats anglais quitter la capitale, je m'en suis voulu. Même si je n'y suis pour rien...

À Londres, il y a aussi des changements, un nouveau ministre est arrivé à la tête du gouvernement. C'est Winston Churchill et je crois en lui. Comme moi, il avait douté des accords de Munich, alors j'espère qu'il saura guider le pays.

Les rations sont de plus en plus sévères, la faim se fait ressentir de plus en plus, mais l'hiver est passé, le pire est derrière nous. Enfin... jusqu'à l'année prochaine.

Lundi 17 juin 1940

Comment une telle chose peut arriver ?

La bataille de France ne fut ni longue, ni compliquée, du moins pour les Allemands. Ces derniers sont à Paris depuis trois jours. Jeudi dernier, la capitale a été déclarée ville ouverte. Elle a été livrée aux Allemands tandis que le gouvernement avait fui à Bordeaux. Les deux tiers des Parisiens sont partis vers le sud.

Les nazis n'ont eu qu'à marcher sur la ville, sans rencontrer de résistance. Le drapeau nazi flotte sur la Tour Eiffel. Mon pays, ma patrie ravagée par la guerre, est maintenant envahi par les Allemands.

C'est un véritable désastre, une pure débâcle. La capitale, les ports et les industries sont aux mains d'Hitler.

À quel prix quelques milliers d'Anglais ont-ils pu regagner les côtes du Royaume-Uni ? C'est bien la seule petite victoire de cette bataille !

Des dizaines de centaines de soldats sont morts en l'espace de six semaines.

Six semaines durant lesquelles la forêt des Ardennes s'est effondrée, cette défense que les Français pensaient insurmontable. Les chars allemands ont abattu les arbres, puis encerclé les armées anglaises et françaises sans qu'il n'y ait un moyen de repli.

Six semaines durant lesquelles l'Alsace et la Moselle se sont vues à nouveau occupées par les Allemands, comme il y a trente ans, comme il y a cent ans...

Six semaines durant lesquelles la France s'est fait envahir par un ennemi qui avançait, implacable.

Six semaines durant lesquelles les Français ont fui. Un nouvel exode en direction de la Méditerranée.

Hier, un nouveau chef du gouvernement a été élu dans le pays vaincu. C'est Philippe Pétain, ce héros de la Grande Guerre, le vainqueur de Verdun. Tous les Français ont l'air de croire en lui.

Aujourd'hui, à midi et demi, le discours du maréchal a été diffusé sur toutes les chaînes de radio. L'armistice avec les Allemands a été demandé pour le bien des Français, d'après ce qu'a dit Pétain.

Bien sûr... Je ne crois guère ces foutaises et je ne pense pas être le seul ! Même si c'est un vétéran, il me semble qu'il se trompe désormais...

En effet, un certain général de Gaulle s'est réfugié àLondres, il est arrivé aujourd'hui. Il semble vouloir continuer la guerre,quant à moi, que puis-je faire ? Qu'est-ce que je veux faire ?

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