Chapitre 20


Les deux compagnons arrivèrent en silence aux portes de la ville. Metz se dressait devant eux, les tours de la cathédrale transperçaient les nuages illuminés par la douce lumière du soleil couchant. Les toits de tuiles reflétaient les derniers rayons de l'astre. Une légère brise soufflait et poussait Elias à entrer dans ce lieu inconnu. Et annexé.

Il avait pris toute l'histoire de cette ville qui avait changé de camp de nombreuses fois au cours de son histoire. Tout comme la Lorraine, Metz était ballotée de France à Allemagne. Ses habitants subissaient les changements, fidèles à un pays ou à un autre. Désormais, les nazis les entouraient, ceux avec qui Elias devait collaborer.

Cette simple pensée faisait jaillir tant de haine en lui qu'il préférait ne pas y penser. Pour le moment. Il avait le cœur gros en entrant dans la ville, le meurtre qu'il venait de perpétrer revenait toujours dans sa mémoire. La mort de son ami surgissait elle aussi à chaque coin de rue. Il semblait voir son spectre mais ce n'était qu'un enfant de la rue, aussi maigre qu'un chat.

Elias n'avait aucun plaisir à regarder les bâtiments pourtant bien bâti, à souligner l'architecture comme le faisait Eugène, le nez en l'air.

Ce prénom est vraiment horrible ! Jamais je ne vais réussir à m'y accommoder !

— Nous devons rejoindre le plus vite possible Elise, en évitant toute rencontre avec les Allemands. Dépêche-toi Elias ! grommela son camarade. Qu'est-ce que tu peux être lent ! Si nous ne sommes pas rentrés avant la couvre-feu, ça va chauffer !

L'intéressé grogna, il n'était que quelques pas derrière Eugène pourtant ce dernier le rabrouait systématiquement. Il se hâta et se fraya un chemin à travers la foule dense. Le duo arpenta les rues de Metz, sans s'attarder.

Après plus d'une demi-heure de marche, ils parvinrent devant la maison qu'ils cherchaient. La devanture était ornée de colombage et la toiture était constituée de tuiles rougeâtres. Dans un style typiquement lorrain.

Elias jeta un coup d'œil à gauche et à droite. Personne ne regardait dans leur direction alors il toqua trois petits coups. Il avait respecté à la lettre la procédure recommandée et une vieille femme leur ouvrit quelques instants plus tard conformément à la règle.

Elle sursauta lorsqu'elle s'aperçut que les espions n'étaient que deux mais Eugène secoua la tête sans plus d'explications. Il pénétra dans la maison l'échine courbée pour ne pas se prendre le linteau de la porte. Elias le suivit et referma le battant derrière lui.

Le couvre-feu ne tarderait pas à débuter et les résistants étaient sains et saufs.

— Débarrassez-vous de vos affaires, chuchota Elise. Suivez-moi ensuite, faites le moins de bruit possible !

Elias acquiesça et s'empressa d'enlever son sac. Un livre tomba à terre, balayé par sa veste, et s'aplatit sur le sol. Eugène lançant un regard noir à son compagnon qui s'empressa de la remasser.

Les espions suivirent leur hôte à travers la maisonnée. Le couloir qui menait jusqu'à la salle à manger était étroit et décoré par du papier peint jauni avec le temps. Des tableaux pendaient au mur, les couleurs fanées, les cadres brisés.

Une odeur de renfermé flottait dans les airs et Elias fut soulagé quand ils arrivèrent dans la pièce principale qui n'était pas très éclairée.

Les fenêtres étaient voilées par des rideaux qui laissaient à peine traverser la lumière. Un vieux lustre suspendu au plafond diffusait la lueur d'ampoules en mauvais état. La salle était plongée dans une semi-obscurité et les murs sombres augmentaient cet effet.

Une table trônait au centre et leur hôte avait disposé quatre chaises autour. Un pot de fleur dégageait une odeur de légèreté bienvenue dans cette froide atmosphère.

Bien que la maison ne fût pas très accueillante, Elias perçut une ambiance agréable.

Les résistants s'assirent et le siège laissé libre rappela douloureusement à Elias l'absence de Louis. Il ressentait un vide, un abysse qui se creusait chaque seconde un peu plus. Ailes ferma les yeux, serra les poings et afficha une grimace. Il ne voulait plus y penser, c'était bien trop lourd à supporter.

Il écouta patiemment le discours de leur hôte même si s'allonger dans un lit était la seule chose dont il avait besoin à cet instant.

— Comme vous le savez, je me nomme Elise. J'habite cette maison depuis de longues années, de nombreuses personnes me connaissent par ici. Seulement pour elles, je suis une vieille mamie gâteuse qui ne sait rien faire.

Elias rit à l'écoute de ces mots, il se sentait bien en compagnie de cette dame qui se tournait en ridicule. Son aura était bienfaisante et il sentait qu'elle tenterait de l'aider en toute circonstance.

— Pour certains, pour de grands gaillards comme vous, je suis une résistante et sous mon apparence frêle, j'ai de la réserve ! poursuivit-elle avec un sourire. Mes cheveux ont blanchi avec l'âge, ma force a perdu de la vigueur mais mon esprit est toujours alerte et je suis prête à aider ma patrie. J'ai décidé ainsi de vous accueillir ici en tant que votre grande tante.

Les paupières d'Elias commençaient à tomber de fatigue, il souffrait, ses muscles le meurtrissaient à cause de l'atterrissage difficile à la fin de l'après-midi. Il s'obligea néanmoins à rester attentif, les yeux grands ouverts.

— Je vous ai raconté mon histoire, reprit Elise d'une voix douce. Mais désormais c'est à votre tour. On m'avait prévenu que vous seriez trois. Où est passé le dernier ?

À ces mots, les larmes vinrent naturellement à ses yeux. La vieille femme lui adressa un regard tendre comprenant aussitôt son malheur.

— Je vois...

— Il y a eu un petit accroc, murmura Eugène. Un menu problème.

— Tu appelles ça un problème ? répéta Elias. Malgré la fatigue qui lui tombait dessus, il eut envie de se jeter sur l'autre espion. Un petit accroc ? Mais punaise ! J'ai perdu mon ami, tu ne comprends vraiment rien !

Il se rassit tout tremblant, la gorge nouée. La réaction de son camarade l'offusquait, il allait craquer, il le savait mais il ne pouvait pas partir. Il ne connaissait pas cette maison, il n'avait aucun appui, pas un seul soutien. Le fantôme de Louis le hantait, il visionnait son corps barbouillé de sang caché sous un fourré.

— Quand vas-tu grandir ? Moi aussi j'ai perdu des gens dans ma vie ! On a déjà eu cette conversation, calme-toi un peu ! s'exclama Eugène.

— Doucement les enfants, signala Elise.

L'accent et la tonalité chaleureuse de sa voix apaisèrent Elias qui ne se braqua pas malgré le terme enfantin.

— Je pense que vous avez besoin de repos. Je vais vous montrer vos chambre, reposez-vous et nous mettrons tout cela au clair demain matin.

Elle se leva, un sourire se dessina sur ses lèvres et elle s'éloigna à petits pas. Eugène s'élança à sa suite, la tête rentrée, les mains dans les poches. Elias flâna, se mit debout avec lourdeur et traîna ses jambes fatiguées dans l'escalier. Ce dernier tournait et les minuscules marches menaçaient de le faire tomber à chaque instant. Il se retint à la rambarde et arriva sain et sauf au premier étage.

Elise ouvrit tout d'abord une porte de bois et Eugène s'installa dans la petite pièce. Elias aperçut ensuite sa chambre, sa pièce personnelle, le lit où il allait dormir les prochaines semaines, voire les mois suivants ou même les années.

Qui sait combien de temps durera cette foutue guerre ?

La vieille femme l'observait avec ses yeux espiègles. Il eut envie de l'étreindre comme une grand-mère.

— Merci beaucoup de nous accueillir, c'est vraiment aimable de votre part !

— Ne vous inquiétez pas ! À mon âge, un peu de compagnie me fera du bien ! Bonne nuit.

Elle ferma la porte avec un dernier clin d'œil et laissa Elias seul avec ses pensées.

Il put à loisir observer la chambre. Les murs étaient recouverts de papier peint bleu ciel, le plafond était enduit d'une peinture blanche écaillée. Une fenêtre donnait sur la rue qui à cause du couvre-feu était inanimée.

Le lit occupait tout un pan du parapet de droite, en face, une petite étagère était adossée au mur. Il déplaça une chaise palée à côté d'un bureau. La simplicité de la pièce rappela à Ailes son grenier à Londres et il ne put s'empêcher de sourire malgré les lames qui lui déchiraient le cœur.

Il déposa sa musette dans un coin de la chambre et s'allongea tout habillé dans son lit. La bonne odeur des draps propres lui parvint aux narines. Il respira à plein nez et s'imprégna entièrement de la nouvelle vie qui allait commencer.

Elias devait se forger de nouvelles amitiés, des relations qui l'aideraient à mener à bien sa mission. En fermant ses yeux, il pensa à la manière de s'illustrer. Comment pouvait-il bien se faire voir des résistants ?

Son ventre gargouillait, il avait faim mais la fatigue prit le dessus. Le noir recouvrit le blanc du plafond et il sombra dans un sommeil profond. 

*****

Hello <3

Un petit chapitre de poster :D

La mission ne se déroule pas exactement comme prévue pour l'instant... 😑

J'espère que ce chapitre vous a plu !

Plume 😘

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top